Dossier : C.P.E. : Quel avenir ? 

Par François Jarraud




Alors qu'on parle d'instituer des "préfets des études", que le gouvernement aborde la question de la violence scolaire et de l'absentéisme sous le seul angle de la répression, les CPE s'interrogent sur leur avenir et celui de leur métier. Pour faire le point, le Café interroge trois grands acteurs de la profession. Il rend compte des interrogations du Snes Fsu et des réflexions de l'Ancpe. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général, revient sur l'avenir de ce métier.


CPE : Réflexions sur un métier défunt ?

Alors qu'on parle d'instituer des "préfets des études", que le gouvernement aborde la question de la violence scolaire et de l'absentéisme sous le seul angle de la répression, les CPE s'interrogent sur leur avenir et celui de leur métier. Mercredi 5 mais, le Snes organisait à Paris un colloque sur "les CPE au cœur de l'action éducative" pour réfléchir sur l'évolution du métier et clore un cycle revendicatif qui devait conduire les CPE au ministère dans l'après-midi.


Le CPE est-il le bras droit ou le bras gauche du chef d'établissement ?


Cette jolie formule c'est Elodie Hazambourg, CPE et formatrice, qui l'a posé à la salle. Le bras droit, tout le monde voit ce que c'est et un projet de texte en négociation entre le ministère et des syndicats de chefs d'établissement définissent le CPE en ce sens, comme un membre de l'équipe de direction. Une perspective qu'E. Hazambourg réfute au bénéfice du "bras gauche". Le bras gauche c'est celui de l'inventivité, de l'irrationnel, de la réflexion. Pour elle, la journée du CPE ce n'est pas "faire appliquer la loi mais traiter mille et une choses inattendues", par exemple intervenir quand les comportements risquent de basculer, saisir ces situations pas clairement identifiables pour en faire un moment d'éducation. C'est aussi inventer des sanctions, conseiller un peu tout le monde mais suivre chaque élève. C'est une position éthique et non une strate hiérarchique.


C'est sur éthique aussi qu'Eric Siré, CPE et formateur, amène le débat. Pour lui le CPE est un éducateur pas un régulateur. Il doit être loyal envers le chef d'établissement en tant que fonction et ne pas perdre de vue sa loyauté envers la République.


C'est cette posture éthique que Loïc Clavier, maitre de conférences à l'IUFM des Pays de la Loire, craint de voir disparaître avec la nouvelle formation des CPE. Celle-ci, avec son compagnonnage, enseigne une façon de se tenir, un conformisme et non une attitude réflexive sur le métier. 


Entre familles et école


Entre familles et école il y a souvent le CPE. C'est ce que montrent les travaux de Martine Kherroubi, MC Iufm de Créteil, et Yves Careil, MC IUFM de Bretagne.


C'est que la place des familles reste encore fortement marginale dans l'Ecole. Martine Kherroubi a pu montrer comment l'ecole peut arriver à nouer le dialogue avec les familles. Il faut nécessairement travailler sur la relation asymétrique qui existe entre parents et institution scolaire, apprendre à sourire, à accueillir pour faire des parents des alliés. Un des enjeux de l'école  c'est justement de construire des relations avec les parents. Elle invite les CPE à réfléchir au fait que l'Ecole laïque s'est construite en réaction contre les gens d'Eglise qui se mêlaient de la vie familiale. Les familles ne veulent pas que l'école se mêle de leurs affaires.


  Pour Yves  Careil, l'école publique est en train de se transformer  pour devenir une école néolibérale, travaillant pour les familles favorisées. "Tous les acteurs de la vie scolaire, malgré leur bonne volonté, structurellement se retrouvent dans l'étau d'une double montée du communautarisme anti-gaulois et du "communautarisme des bien pensants", celle de la nouvelle bourgeoisie bohême.


Maintenir la spécificité française


"Le CPE est uns spécificité française que le gouvernement veut supprimer pour faire des économies", affirme Daniel Robin, co-secrétaire général du Snes. Le Snes dénonce un recrutement insuffisant en nombre et en qualité, et la menace d'évolution du métier. Dans l'après-midi il devait être reçu rue de Grenelle.



Liens

Le programme

http://www.snes.edu/IMG/pdf/Colloque_CPE_5_mai_2010.pdf

CPE un métier social ?

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2007/10/081020[...]

Familles et écoles, Martine Kherroubi

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2008/93_E[...]



Stéphan Krécina : "Les CPE sont une force de résistance positive dont le système a besoin pour conserver sa visée éducative"


Co-président de l'Ancpe, une association professionnelle qui regroupe près d'un millier de cpe, Stéphan Krécina fait le point avec nous sur l'avenir du métier et sa position dans le système éducatif.


Etes vous d'accord avec l'idée que le métier de CPE est à un tournant et nécessite un cadre détaillant ses missions ?


Ces dernières années de nombreuses évolutions ont tenté de répondre à la crise du système éducatif. Il est intéressant de remarquer que les CPE sont souvent cités dans les circulaires qui décrivent ces différents aménagements. Cela montre l’étendu de leur champ d’intervention et confirme la position transversale qu’ils occupent dans l’espace éducatif. Le métier a toujours suivi les évolutions du système, de sa création en 1970, aux évolutions de 1989 sur le suivi de l’élève ou plus récemment pour le socle commun.


L’ANCPE pense en effet que le métier est à un tournant aussi important que celui qui a permis le passage du surveillant général au CPE. L’évolution des publics scolaires, le lien que les élèves  entretiennent avec les savoirs, la relation avec les familles, les incivilités, le décrochage scolaire…mais aussi la mise en place des projets vie scolaire ou de la LOLF, tous ces éléments qui appartiennent plus ou moins au champ de compétences du CPE, ou du moins à son cadre d’action, sont venus progressivement modifier sa position et son rôle au sein de l’établissement et font que sa posture actuelle qui le place au cœur de l’action n’est plus tenable pour lui et le transforme de façon caricaturale en pompier ou en magicien de l’établissement. L’expertise ou la valeur ajoutée du CPE ne doit pas être mise au seul service du traitement des urgences car elle n’y suffira pas mais bien plus dans l’anticipation des problèmes à travers la mise en place et le suivi de la politique éducative de l’établissement.


Penser l’action, sortir de l’urgence pour lui donner du sens, faire de la vie scolaire un véritable espace politique, voilà pour nous les évolutions souhaitables du métier s’il veut conserver un véritable caractère éducatif. Le cadre général actuel de la circulaire de 1982 semble permettre cela mais détailler les missions permettrait de clarifier la fonction, d’en augmenter la lisibilité donc la légitimité.



Il y a actuellement un débat sur la place du CPE dans l'établissement : pour vous fait il partie du personnel de direction ou non ?


Ce débat n’est pas actuel. Il est récurent et refait surface à chaque crise identitaire des CPE. Par son expertise sur les questions éducatives au sein de l’établissement, le CPE a une fonction de conseil qui fait sa professionnalité et qui le place naturellement près du centre décisionnel. Il pourrait en effet faire partie du personnel de direction et dans ce cas cette évolution devra s’accompagner d’une revalorisation de traitement qu’il appartiendra aux syndicats de négocier. Nous pensons là encore que la valeur ajoutée du CPE n’est pas cette intégration administrative et organisationnelle et contrairement à l’idée reçue les chefs d’établissements n’y sont pas tous favorables. L'essentiel pour le CPE est de rester en relation avec le terrain, de conserver sa place de cadre intermédiaire qui lui permet de faire du lien entre les différents acteurs au sein de l’établissement. Le CPE aurait plutôt intérêt à se repositionner, à créer un nouveau pôle éducatif avec les professeurs principaux dont le rôle ne cesse d’augmenter.


Un texte circule sur l'évaluation des CPE. Qu'en pensez vous ?


La forme définitive de ce texte n’est pas encore connue et nous pouvons nous prononcer uniquement sur le fond. Nous y sommes favorables principalement pour deux raisons :

-           c’est un signe fort de reconnaissance de l’institution qui souhaite valoriser le travail des CPE au sein des établissements et cette démarche est assez nouvelle pour que nous tentions de la soutenir. Le protocole permettra une certaine transparence des inspections et semble garant de plus d’égalité de traitement pour chacun d’entre nous. Enfin, il devrait permettre comme pour les enseignants de valoriser la carrière des CPE qui manque foncièrement de possibilités d’évolution. A quand des inspecteurs issus directement du corps des CPE ?

-           le protocole par les compétences qu’il énonce décrit en creux le métier et derrière cela il est facile de voir enfin un référentiel métier et formation propres aux CPE et qui manquent tant à la reconnaissance et à la légitimité de la fonction. Les bases du métier seraient ainsi définies de façons communes sur le territoire et la nécessaire interprétation personnelle que nous en faisons chacun ne porterait plus que sur la spécificité et le contexte de l’établissement. Il est possible de voir aussi dans ce protocole un outil de protection face à certains partenaires qui tenteraient de définir un autre métier au CPE.


Le gouvernement a un projet de "préfet des études". On évoque aussi régulièrement le fait que le CPE est une spécificité française, ses missions étant ailleurs prises en charge par les enseignants. Comment  voyez vous l'avenir du métier de CPE ?


L’ANCPE a participé aux états généraux sur la sécurité à l’école et nous avons été surpris comme d’autres partenaires par cette annonce du Ministre. La création de préfets des études apparaît, comme certaines des autres propositions, décalée face aux réflexions menées lors de ces deux jours par les professionnels. Le rôle positif des CPE a été rappelé par de nombreux intervenants. Pour le moment nous manquons de précisions et nous n’oublierons pas d’en demander à l’Inspection Générale lors de la rencontre prévue en juin. Cette annonce fait suite à une expérimentation sur une centaine d’établissements sensibles mais nous voyons mal comment elle pourrait être généralisée. Si, sous le vocable de préfet peu engageant et emprunté à l’enseignement privé le Ministre sous-entendait CPE, l’ANCPE soutiendra ce projet. Dans le cas contraire nous l’interpellerons car la question du positionnement des préfets se posera. Quelle place occuperont-ils dans l’organigramme de l’établissement, sur quelles bases seront-ils recrutés, quelle formation auront-ils ? Nous manquons à ce jour d’élément mais nous resterons vigilants.


Selon l’Inspection Générale la spécificité française des CPE n’est absolument pas remise en cause, bien au contraire. Selon cette dernière certains pays étrangers s’intéressent à notre fonction. La question de la prise en charge des missions des CPE par les enseignants est à ce jour peu envisageable car elle suppose une redéfinition de leur statut qui ne semble pas à l’ordre du jour. Cette perspective peu réaliste renforce toutefois l’éclairage que nous apportons sur la nécessité du CPE à s’emparer du pilotage de la politique éducative dans les établissements même si le rôle des enseignants et notamment des professeurs principaux est renforcé auprès des élèves ces dernières années il restera nécessaire de penser globalement leur action et le CPE aurait alors sa place auprès d’eux dans la prise en charge et le suivi des élèves.


Sur l’avenir des CPE notre position est la suivante ; il faut rompre avec ce questionnement identitaire perpétuel qui mine la profession. Il est temps pour les CPE d’affirmer leur professionnalité, leur expertise auprès des différents acteurs de l’établissement et cette reconnaissance passe probablement par un repositionnement dans l’espace éducatif. Les CPE ont un rôle évident à conserver auprès des élèves même dans le cas d’une réorientation de leurs missions vers le pilotage. Ils ont l’expertise de leur suivi individuel et servent de médiateur entre eux  et les exigences de l’institution. En cela les CPE sont une force de résistance positive dont le système a besoin pour conserver sa visée éducative. Un repositionnement leur permettrait donc d’amplifier l’impact de leur spécificité d’éducateur scolaire. Les CPE sont en effet à un tournant, le système évolue et ils ne peuvent rester figés sur leur métier sans prendre le risque de perdre leur crédibilité donc leur utilité. Une autre conséquence de l’immobilisme serait de voir les autres définir en creux le métier en fonction des carences du système. L’avenir des CPE est dans la capacité qu’ils auront à s’extraire de l’urgence pour enfin penser par eux-mêmes leur métier.


Stéphan Krécina


L'Ancpe

http://www.ancpe.fr


Entretien : François Jarraud


La circulaire 1982 n'est pas remise en cause promet l'Inspection

"En aucun cas la circulaire de 1982 qui régit les missions des CPE n'est remise en cause" a promis le doyen de l'Inspection générale aux représentants FO, annonce le syndicat. Cette démarche fait suite à un protocole d'inspection des CPE qui a alarmé la profession. Selon FO, " l’IG face à notre insistance a tenu à préciser que ce protocole en cours de rédaction, pour la rentrée 2010, ne se voulait pas un futur outil de sanctions pour les CPE  affirmant que c’est « une question de vocabulaire, c’est ce que font les CPE, maintenant on écrit ce qu’ils font de façon à ce qu’il y ait un cadre général et national d’inspection ; le CPE continue d’organiser le service ; il est sous la responsabilité du chef d’établissement ; il ne sera pas un expert de la vie scolaire ; il n’est pas surveillant général, il travaille sur l’élève, ce projet de protocole est un outil pour les IPR, il permettra de reconnaître le travail des CPE, ce n’est qu’un protocole, il n’y pas de caporalisation  »."

Quel avenir pour le métier de CPE ?

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/05/CPERefl[...]



Jean-Paul Delahaye : les CPE ont une expertise, une qualification en matière éducative qui est indispensable à tous.


Quel avenir pour les CPE ? Entre politique répressive et volonté éducatrice, le CPE est un personnage central de l'établissement scolaire. Pour faire le point nous interrogeons Jean-Paul Delahaye, inspecteur général, professeur à Paris Descartes, et directeur d'un remarquable ouvrage qui vient de sortir chez Berger Levrault. Clair, facile à lire "Le CPE de la vie scolaire à la politique éducative" fait le point  sur l'évolution du métier de CPE et sur les défis qui s'élèvent.



Votre ouvrage, très riche et en même temps très accessible et clair, montre la gestation du "surgé" d’antant au CPE. Aujourd'hui il semble que le CPE soit une création strictement française. Existe-il dans d'autres pays ? Comment expliquer cette singularité ?


Si cet ouvrage apparaît comme à la fois riche et clair je tiens à dire que c’est parce qu’il a été conçu avec un groupe de personnes connaissant admirablement le sujet : deux CPE, Fabienne Durand et Christophe Barbier ; un chef d’établissement, Nora Machuré ; un IA-IPR établissements et vie scolaire, Jean-Pierre Véran.


Sur la « singularité » française, il convient en effet de s’expliquer. Les missions exercées par les CPE français ne sont pas singulières et elles existent bien entendu dans les autres pays. Cependant elles ne sont pas centrées comme en France sur une seule et même personne, et c’est ce qui est en effet singulier chez nous, mais elles sont réparties sur différents personnels, notamment les enseignants. Cette singularité française qui a conduit à la juxtaposition des fonctions d’enseignement et d’éducation est héritée de l’histoire de l'enseignement secondaire français (notamment le lycée napoléonien) qui a séparé transmission des savoirs et encadrement éducatif en confiant ces deux missions à des personnels différents. On peut le regretter (déjà le rapport Ribot de 1899 pointait le fait que « les professeurs sont trop spécialisés » ou encore que « notre organisation tout entière aboutit à l’émiettement des forces et favorise un individualisme jaloux et farouche »). On peut aussi être plus positif et essayer de dépasser ces clivages. C’est ce que nous préconisons, en faisant en sorte que les personnels cessent de se partager formellement les tâches (au sens de se les répartir) mais travaillent beaucoup plus ensemble.


De multiples fonctions du CPE laquelle vous semble aujourd'hui la plus délicate à exercer ?


La difficulté première du CPE est de trouver une cohérence éducative dans un établissement scolaire. Parce que cette cohérence éducative s'élabore grâce à la participation de chacun des acteurs de l'établissement, il nous semble que l'animation de la politique éducative est le domaine le plus délicat à gérer par le CPE. D'une part parce que ce domaine est souvent limité à l'animation des élections et autres instances citoyennes. D'autre part, cette mission est délaissée parfois car considérée comme secondaire par rapport à la gestion des absences, à la sécurité et à la discipline. 


Le CPE est le garant, parmi d'autres, d'une politique éducative d’établissement explicite qui conforte l'autorité des adultes tout en faisant respecter la personne et la parole de l'élève. Il y a là des équilibres toujours délicats à installer dans les établissements et une cohérence de l’action éducative à favoriser. Les CPE, qualifiés en 2006 par l’inspection générale de « médiateurs-éducateurs », ont une place particulière dans l’établissement qui leur permet d’apporter une contribution déterminante à une continuité éducative formatrice pour les élèves qui nous sont confiés. C’est pourquoi les CPE peuvent favoriser un climat favorable aux apprentissages et donc à la réussite des élèves.



Quel bilan faites-vous de la note de vie scolaire, introduite au collège en 2006 ? Notamment a-t-elle facilité la collaboration entre CPE et enseignants ? Car si un bon CPE est un véritable trésor pour un enseignant, par exemple pour un professeur principal, les relations CPE  professeurs sont parfois très distanciées. Que peut-on faire pour les rendre plus étroites ?


Il existe en effet des établissements dans lesquels les relations entre CPE et enseignants sont, comme vous dites, « distanciées ». De par leurs fonctions diverses dans le système, les auteurs du livre sont bien placés pour constater que la tendance générale, sous l’impulsion de chefs d’établissement jouant pleinement leur rôle d’animateur, est plutôt à un travail plus collectif, notamment dans les établissements difficiles dans lesquels, par nécessité, les adultes doivent travailler collectivement et en cohérence.


Par exemple, si les CPE sont partie prenante d’un diagnostic d’établissement ils peuvent enrichir, par leurs propositions, le contrat d’objectifs de leur établissement  On observe, autre exemple, que la présence des CPE dans les conseils pédagogiques est particulièrement utile et donc appréciée de tous. Ainsi encore, chaque fois que la note de vie scolaire a donné lieu à une réflexion dans les équipes d'établissement et que les personnels en ont fait un levier pour aider les élèves à acquérir les compétences « sociales et civiques », ou encore « l'autonomie et l'initiative », inscrites dans le socle commun de connaissances et de compétences, l’existence de cette note a renforcé la concertation entre les CPE et les enseignants.


Et si, selon votre expression, un bon CPE est un véritable « trésor » pour un enseignant, on peut affirmer que  l'inverse est également vrai. D’une certaine façon, un établissement scolaire a la « vie scolaire » qu’il mérite. Le meilleur moyen de renforcer les liens entre CPE et enseignants est que chacun mette ses compétences, au sein de projets communs, au service d'un même objectif : la réussite des élèves.



Les CPE sont toujours inquiets de leur avenir. Il est vrai que leurs missions sont souvent au croisement de grandes questions scolaires.  C'est le cas par exemple du socle commun. Dans cette nouvelle perspective, quelle place vont avoir les CPE ?


Les CPE n’ont pas à être inquiets. Cela fait des décennies que l’on parle de la suppression des CPE, et ils sont toujours là, certainement parce qu'ils ont su montrer  la plus value qu'ils apportaient. Ils sont devenus des cadres indispensables dans les établissements scolaires. Par leur attitude, leurs analyses, leurs propositions, leur implication dans les projets avec les autres acteurs de l’établissement, ils donnent quotidiennement la preuve concrète de la valeur ajoutée qu’ils apportent à la politique éducative des établissements scolaires. S’agissant du socle commun, il faut bien entendu veiller à ce que les CPE ne soient pas porteurs exclusifs des compétences 6 et 7 du socle, ce qui serait un formidable contresens. Si leur action peut en effet porter sur différents domaines du socle commun, ils peuvent faciliter par leurs initiatives et leurs propositions la prise en compte de ces compétences par tous les personnels de l’établissement.



On peut citer aussi la lutte contre la violence scolaire. Quel pourrait être à l'avenir le rôle du CPE face aux "brigades d'intervention" qu'on nous promet et en général d'une vision répressive plus qu'éducatrice ?


Les personnels de la vie scolaire sont bien évidemment au cœur du dispositif de prévention et de lutte contre les incivilités et la violence. Nous rappelons à cet égard le contenu des huit plans ministériels de lutte contre la violence à l’école mis en place depuis 1990. La succession de ces plans montre à la fois une grande continuité républicaine dans une politique articulant constamment éducation et sanction et, il faut le dire également, même si des progrès ont été accomplis, une insuffisance relative dans les résultats obtenus. Mais ce que l’expérience montre c’est que les établissements qui ont le mieux réussi à maîtriser la violence sont les établissements qui ont pu et su mettre en place un travail collectif au sein des établissements comme avec les partenaires. C’est pourquoi, il va donc de soi que l’action des équipes académiques d’intervention qui vont être créées ne saurait s'envisager autrement qu'en concertation avec les équipes d'établissement, personnels de direction et CPE notamment.



Un autre enjeu de l'école c'est l'orientation. Quel rôle y jouent aujourd'hui les CPE ? Comment pourrait-il évoluer à l'avenir ?


L'orientation ne peut être qu'une démarche continue, cohérente, collective et concertée. C'est là un domaine où l'action des CPE est concrète, effective, mais souvent méconnue, même d’ailleurs dans des documents officiels où les CPE sont parfois oubliés ! Leur capacité à conduire des entretiens individuels avec les élèves, à dialoguer avec les familles, à nouer des liens avec les différents professionnels concernés est précieuse.



Pensez vous que la réforme de la formation des enseignants, telle qu'on la connaît actuellement avec une formation plus universitaire et moins de stages professionnels, va augmenter ou diminuer le rôle des CPE ?


Il est bien tôt pour mesurer les effets d'une réforme encore en devenir. Il faut tenir compte du fait que la formation des enseignants fait référence à dix compétences qui ne sont pas exclusivement disciplinaires, loin s'en faut. Par conséquent, le retour à un strict et stérile partage du travail entre pédagogues et éducateurs n'est sans doute pas à l'ordre du jour.



Les CPE ont-ils un avenir ?


La réponse est clairement oui car nous pensons inenvisageable de concevoir, à court et même à moyen, un enseignement secondaire dans lequel les enseignants prendraient à leur charge l’ensemble des questions éducatives qui se posent dans un établissement. Nous montrons que cela a été tenté, sans lendemain, dans l’euphorie de la Libération en 1945 (voir l’expérimentation vite enterrée du « Conseil intérieur » aujourd’hui totalement oubliée). Mais évidemment le problème est de savoir ce que les établissements feront de la question éducative en général et de la fonction de CPE en particulier.


Le livre essaye de montrer que le temps est sans doute venu où la question éducative est posée avec tellement de force à tous les personnels de l'éducation nationale que les CPE peuvent enfin sortir (voir l’enquête du CEREQ que nous utilisons) d'une assignation professionnelle réductrice (le maintien de l'ordre et de la discipline) à une professionnalité leur permettant d'exercer pleinement leurs missions dans un travail collectif au sein de chaque établissement. Et dans ce collectif de travail, les CPE ont une expertise, une qualification en matière éducative qui est indispensable à tous. Le service qu’ils dirigent est alors le moteur de la politique éducative de l’établissement fortement intégrée à la politique pédagogique. Il y a là, comme le socle commun de connaissances et de compétences le demande, le moyen de combattre les cloisonnements dans les apprentissages sociaux, comportementaux et disciplinaires.


Jean-Paul Delahaye


Entretien : François Jarraud


Dernier ouvrage de JP Delahaye  :

Le conseiller principal d'éducation. De la vie scolaire à l apolitique éducative, Paris, Berger Levrault, 2009, 286 pages.



Jean-Paul Delahaye dans le Café :

Sur le collège unique

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/ana[...]



Sur le site du Café
Par fjarraud , le vendredi 21 mai 2010.

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