La nouvelle politique prioritaire : Les dispositifs CLAIR et les internats d’excellence définis par le ministère 

Par François Jarraud



Plutôt brumeux jusque là, le dispositif CLAIR (collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) et les internats d’excellence font l’objet de deux circulaires publiées au B.O. du 22 juillet 2010. Cela suffit-t-il à lever les parts d’ombre sur ces nouveautés éducatives ? Quelle conception de l’enseignement prioritaire se met en place avec Luc Chatel ?


Voulu par Nicolas Sarkozy, le dispositif CLAIR apparaissait encore assez flou début juillet 2010. La nouvelle circulaire prétend à quelques semaines de la rentrée faire la lumière sur une des expérimentations de la rentrée.


Le programme CLAIR est expérimenté à la rentrée 2010 dans 105 établissements « concentrant le plus de difficultés en matière de climat scolaire et de violence ». Ces établissements sont appelés à innover dans trois champs : la pédagogie, la vie scolaire et les « ressources humaines », ces dernières étant une condition des précédentes. La circulaire énumère plusieurs champs d’innovation : la continuité entre école et collège, la conduite de la classe, l’organisation du temps scolaire « en encourageant la pratique régulière d’activités physiques et sportives et d’activités artistiques ».


La partie « ressources humaines » concerne à la fois la nomination des enseignants et les fameux « préfets des études ». La circulaire précise que « l’affectation des personnels de direction dans les établissements CLAIR… à compter de la rentrée 2011 sera réalisée sur profil », ce qui évidemment pose la question du devenir des chefs d’établissements actuels. « Les recteurs pourront susciter des candidatures, y compris auprès de personnels de direction qui n’auraient pas participé au mouvement ». Les chefs d’établissement « proposeront au recteur le recrutement des personnels enseignants ». Ceux-ci « bénéficieront de dispositifs spécifiques de rémunération complémentaire » sur lesquels rien de précis est établi pour le moment. Dans ces établissements, « les personnels qui n’adhèrent pas au nouveau projet seront encouragés à rechercher une affectation plus conforme à leurs souhaits ». Le poste de préfet des études est défini comme responsable de niveau au collège et en seconde. Chargé à la fois de coordonner les équipes éducatives et d »organiser la vie scolaire il semblera très occupé sans que la circulaire établisse d’autres perspectives de carrière qu’une éventuelle entrée dans les personnels de direction.


L’obsession sécuritaire est l’élément remarquable de ce texte. D’abord parce qu’on passe officiellement d’une volonté de lutte contre les inégalités sociales sources d’échec scolaire, qui était celle des ZEP, à la lutte contre la violence scolaire. C’est le critère unique de sélection des établissements. C’est aussi le thème central de la circulaire. Ainsi le personnel est invité à repérer les élèves « qui dérogent aux règles de vie de l’établissement ». Tout un paragraphe est réservé aux diagnostics « sécurité et sureté » des établissements, en lien avec la police. La réussite scolaire est réduite à la bonne tenue des corps. Sur ce terrain, l’absence de perspective pour les écoles des ZEP est éclairante. Il semble simplement qu’elles soient appelées à disparaître de l’enseignement prioritaire. Dans ces conditions, si la volonté d’encourager la création d’équipes stables dans les établissements est louable, bien que encore matériellement peu affirmée, quel genre d’enseignant pourra « adhérer » à un projet sécuritaire ?


Le remède est-il alors à chercher du coté des « internats d’excellence » ? C’est que ceux-ci ne s’adressent pas à des adolescents  rebelles mais « à des collégiens, lycéens et étudiants motivés ne bénéficiant pas d’un environnement propice aux études ». Le texte est très clair : « élève ou étudiant sans problème de comportement ». Ce dispositif comprendra 11 nouveaux établissements à la rentrée 2010, allant de la sixième aux formations post bac. Dans ces établissements, « le critère essentiel est celui de la qualité du projet pédagogique et éducatif ». Les internats bénéficieront des fonds du programme d’investissements d’avenir. 200 millions ont été inscrits au budget qui pourront être complétés par du mécénat d’entreprise.


Des droits républicains à « l’égalité des chances  ». Si les établissements actuels des Réseaux Ambition Réussite manquent de moyens, un récent bilan de l’Inspection générale montre que leur bilan n’est pas nul. Or, programme CLAIR d’un coté, internats d’excellence de l’autre, c’est bien une nouvelle politique d’enseignement prioritaire qui se met en place à l’horizon 2011. L’objectif annoncé est que le programme CLAIR remplace les dispositifs existants. Si le ministère suit cet axe on aura d’un coté des établissements centrés sur le comportement des élèves dans les quartiers défavorisés et de l’autre une pincée de jeunes (la circulaire parle de 20 000) extraits, au regard de leur obéissance, vers des internats d’excellence richement dotés de moyens. On passe ainsi d’une politique de lutte contre les inégalités sociales qui concerne un jeune sur cinq à une vitrine de jeunes reconnaissants. L’égalité des chances nous ramène à la charité du 19ème siècle.

Le dispositif Clair

http://www.education.gouv.fr/cid52643/mene1017616c.html

Les internats d’excellence

http://www.education.gouv.fr/cid52632/mene1017641c.html

Luc CHatel réorganise l’éducation prioritaire (Sac de plage)

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/sdp_nouv08.aspx



Clair analysé par l'OZP

L'Observatoire des zones prioritaires (OZP) analyse sous la plume de Jean-Paul Tauvel la circulaire créant le dispositif Clair (collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). Selon lui, le programme est avant tout un programme de lutte contre la violence. "Cette réforme risque fort au final - sans régler les problèmes réels d’insécurité scolaire - d’accélérer le mouvement de ghettoïsation des quartiers en difficulté déjà relancé par l’assouplissement de la carte scolaire."

Analyse OZP

http://www.association-ozp.net/spip.php?article8882


Le SE-Unsa proteste contre le dispositif CLAIR

Dans une lettre ouverte adressée à Luc Chatel le 3 septembre, Christian Chevalier, secrétaire général du Se-UNsa, prend ses distances avec le dispositif  CLAIR.


"Les opérations d’affectation  des enseignants sur les emplois vacants dans ces établissements ont donné lieu à des procédures dont les représentants des personnels ont été la plupart du temps tenus à l’écart", proteste le Se-Unsa suite à la publication de la circulaire sur le dispositif d'enseignement prioritaire CLAIR. "La circulaire indique que « par la suite, la généralisation du dispositif conduira au profilage de l’ensemble des postes » et que « les personnels enseignants, d’éducation, administratifs, sociaux et de santé qui n’adhèrent pas au nouveau projet seront encouragés à rechercher une affectation plus conforme à leurs souhaits ». Dès lors, quel sera l’avenir des personnels actuellement titulaires dans ces établissements ?"


Mais ce n'est pas la seule critique formulée par le SE-Unsa qui "porte un jugement négatif sur ce nouveau dispositif". "Il ne repose pas réellement sur une logique d’autonomie et de responsabilité de l’équipe éducative en place. Il  lui préfère une logique de pouvoirs étendus confiés à un chef d’établissement « providentiel », expérimentant la déréglementation sans apporter de moyens conséquents. De surcroît, il tend à exclure le premier degré des priorités, alors que c’est à l’école que doit se jouer l’essentiel de la prévention de l’échec scolaire. Pour ces raisons, ce programme CLAIR ne saurait constituer, à nos yeux, un modèle pertinent pour l’évolution de l’éducation prioritaire".

La circulaire

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/07[...]

Enseignement prioritaire : un recadrage contestable

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010[...]


Inégalités : Ne pas se tromper de politique

Dans une remarquable tribune donnée au Monde, Agnès Van Zanten analyse les politiques d'égalité des chances. Elle en montre les limites : en aucun cas elles ne sauraient remplacer les politiques de lutte contre les inégalités.


"Le risque est grand de délaisser et de décrédibiliser ainsi toutes les actions globales nécessaires pour améliorer l'efficacité et l'équité du système d'enseignement, qu'il s'agisse de la formation des enseignants, de la lutte contre la ségrégation entre établissements ou de diverses formes de remédiation et d'aide au travail des élèves", écrit Agnès Van Zanten dans Le Monde du 13 septembre 2010. "Faire émerger de nouvelles élites et lutter contre les inégalités sont deux options différentes dont le succès ne repose pas sur les mêmes bases. Le parrainage des meilleurs a un rôle à jouer dans une politique éducative ambitieuse. Il ne saurait en tenir lieu."


"Le double ciblage - d'établissements d'une part, qui, classés comme défavorisés, sont cependant loin d'être des ghettos sociaux ou ethniques, et de bons élèves très motivés, d'autre part - conduit à intégrer des élèves issus des classes populaires, mais aussi des classes moyennes (ces derniers représentent entre la moitié et les deux tiers des bénéficiaires dans les programmes cités). Si l'on ajoute le fait que ces politiques ne concernent qu'un nombre d'élèves très réduit, on est en droit de conclure qu'elles ne visent qu'un renouvellement modéré et contrôlé des élites scolaires." Un texte dense, qui interroge la profession ("En évitant d'analyser les biais sociaux à l'oeuvre dans leurs pratiques pédagogiques, les enseignants aggravent les différences sociales") et la politique gouvernementale alors que la lutte contre les inégalités est bien la première question de l'Ecole.

La tribune du MOnde

http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/09/13/prepas-elites[...]

Agnès Van Zanten dans le Café

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2009/1[...]

Lutter contre les inégalités

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/rentre[...]



Déni d'insertion : Chatel ouvre les ERS


Le ministère ouvrira courant 2010-2011 "une dizaine" "d'établissements de réinsertion scolaire" (ERS) destinés à accueillir des élèves de 13 à 16 ans "perturbateurs".


Appeler "établissements de réinsertion scolaire" des structures qui visent en réalité la mise à l'écart de l'école n'est pas le moindre paradoxe des ERS. Ces internats d'une trentaine d'élèves maximum répondent à une commande de Nicolas Sarkozy. Le 24 mars 2010 il avait demandé que "les jeunes qui ne peuvent pas suivre une scolarité normale (soient) placés dans des établissements adaptés où ils ne perturberont plus la vie des autres et où ils feront l’objet d’un accompagnement spécifique".


" Les établissements de réinsertion scolaire s'adressent à des élèves perturbateurs scolarisés dans le second degré, qui ont fait l'objet de multiples exclusions, âgés de 13 à 16 ans, issus des classes de 5ème, 4ème et 3ème, qui ne relèvent ni de l'enseignement spécialisé et adapté, ni d'un placement dans le cadre pénal au sens des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante", précise une circulaire publiée au B.O. du 15 juillet. En fait, les jeunes seront placés pour au moins un an. Leur affectation sera décidée "par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale… Il est nécessaire que l'accord du jeune et de sa famille ou du responsable légal soit mentionné dans le dossier. Si cet accord ne peut être obtenu, une saisine du procureur peut être engagée par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale, afin que puisse être étudiée l'opportunité de prononcer un placement en ERS au titre de mesure d'assistance éducative", note le B.O.


Etablissements scolaires ou pénitentiaires ? Les ERS sont officiellement des établissements scolaires mais ils sont obligatoirement à l'écart des vrais établissements scolaires et on a vu que leur mode d'affectation peut relever d'une décision obligatoire.  Leur personnel comprend des agents de la PJJ. Ils bénéficient d'un emploi du temps spécifique : cours le matin et sport l'après-midi. Surtout la circulaire s'étend sur "la stricte discipline". " Tant pendant les heures de cours que hors les temps de classe", dit le B.O., "il est exigé des élèves une attitude marquée par la civilité et le respect envers leurs camarades et les adultes. Toute activité, tout apprentissage est l'occasion de rappeler les règles et la nécessité d'y obéir". Officiellement le projet pédagogique et éducatif "s'inscrit dans le cadre des contenus de formation du collège, auxquels il apporte les aménagements utiles compte tenu de la situation des élèves, pour répondre principalement à quatre objectifs : l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences, l'appropriation des règles du vivre ensemble, la définition d'un projet de formation ainsi que l'implication des familles." Mais on voit mal comment le socle commun peut être sérieusement préparé dans un cadre pareil.


Naïveté et contrainte. On est surpris de la naïveté du programme pédagogique des ERS qui prétend imposer le respect et faire apprendre dans un internat imposé. Tout enseignant sait bien que le respect se construit, il n'est pas du, et qu'on peut apprendre la contrainte, voire la soumission, mais pas apprendre par la contrainte. Mais on est aussi surpris du positionnement de ces ERS par rapport aux classes relais. Celles-ci obtiennent des résultats tout à fait intéressants justement parce qu'ils préparent réellement la réinsertion. On peut citer en exemple, le dispositif relais de Brest où M Argoualc'h transforme les élèves en formateurs informatique pour travailler leur rapport au monde scolaire. Les ERS avec leur caractère semi clos, un dispositif où on voit bien que l'enseignement est secondaire face aux exigences comportementales risque plutôt d'accélérer la marginalisation des jeunes parqués dans des structures qui préparent plutôt à l'enfermement. Définitif ?

Au bo 15 juillet

http://www.education.gouv.fr/cid52474/mene1015823c.html

Sarkozy le 24 mars 2010

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/2[...]

M Argoualc'h

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2[...]


Seine-Saint-Denis : Le département s'engage


En plus de ses missions légales, le conseil général du 93 lance une politique préventive vers les élèves perturbateurs.


D'après l'AFP, le département met en place cette année un dispositif d'aide pour les élèves exclus. Il concerne 24 collèges dès la rentrée. Les jeuens exclus seront accueillis par des associations périscolaires qui les aideront à faire du travail scolaire et à comprendre la sanction. Claude Bartolone, président du Conseil général, oppose sa démarche à celle du gouvernement et des ERS. "Nous sommes là dans un dispositif de prévention, à la différence des ERS qui sont basés sur la répression".


Le département s’est aussi résolument engagé depuis plusieurs années pour l'informatisation des collèges et l'achat d'équipement. Le Département, qui plaide pour une réelle gratuité de la scolarité, met en place, comme chaque année, différents dispositifs d’aides financières directes ou indirectes pour soulager le budget des familles.

Dépêche AFP

http://www.vousnousils.fr/2010/09/01/la-seine-saint-denis[...]

Un plan Malraux pour la banlieue

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2009/Unp[...]

Le site Ma rentrée au collège

http://www.marentreeaucollege.fr/

Déni d'insertion : Chatel ouvre les ERS

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/07[...]



Sur le site du Café

Par fjarraud , le vendredi 17 septembre 2010.

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