Seconde Carrière 

Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs


Ce mois-ci :


-  le « portail mobilité des enseignants » : un très joli tour de passe-passe à la va-vite…

-  le dernier ouvrage d’Alain Bouvier : un outil précieux pour les futurs chefs d’établissement

-  En imaginant rendre réversible le départ à la retraite de ses enseignants, la Belgique montre que la pénurie de ses profs est proche…

-  Aide aux Profs se lance en 2010-2011 à la rencontre des syndicats enseignants,

-  Directeur d’école : un métier ou une mission ?


Portail mobilité des enseignants : un joli tour de passe-passe à la va-vite…

Le 10 novembre 2008, Xavier Darcos annonçait dans un entretien au journal Le Monde la création d’un numéro azur pour accompagner les enseignants du premier et du second degré dans leur démarche en vue d’une mobilité, avec le développement des postes à profil pour une meilleure affectation des professeurs ayant une compétence particulière (sections européennes...). Le 6 octobre 2010, Luc Chatel donne le feu vert pour la publication du « portail mobilité des enseignants » où la notion de « seconde carrière » passe littéralement aux oubliettes. En effet, lui préférer celle de « mobilité », c’est y intégrer les mutations et les concours internes, rendant de ce fait invisibles les véritables changements de métier des enseignants, tout en laissant croire avec de gros chiffres qu’il se passe quelque chose sur ce front…

Aide aux Profs, depuis 2007, avait préconisé ce portail, mais nous ne pensions pas qu’il se réduirait à si peu de chose. Les liens ici et là vers des pages d’I-Prof montre bien que ce portail a été construit à la va-vite, fait de bric et de broc…

Le vrai portail de la mobilité professionnelle des enseignants a été en fait réalisé par l’académie de NICE, que nous vous recommandons pour la qualité et la quantité de documents mis en ligne : bravo ! Fiches pratiques, dossiers, conseils, cet ensemble est nettement plus concret et opérationnel que le portail national, simple « vitrine » d’un nombre de sites très restreint, ne donnant pas une idée exhaustive de toutes les possibilités de « faire autre chose ».

Le portail sur le site national est en fait constitué de pages qui existaient déjà, et dont les url ont simplement été modifiées pour les concentrer au même endroit.

Alors qu’Aide aux Profs a précédé sur le web le MEN sur la problématique des secondes carrières, et que nos travaux précurseurs ont largement inspirés le dispositif chargé de les mettre en place, le MEN ne cite même pas l’url d’Aide aux Profs sur son portail, alors qu’il se disait « intéressé » récemment par notre outil de pré-bilan de carrière, qui permettrait de générer de grandes économies en palliant le manque de bilans de compétences pour les nombreux enseignants frustrés de ne pouvoir en bénéficier.

La mobilité présentée sur ces quelques pages web l’est dans son sens le plus large, l’objectif étant clairement de renouveler les cadres de l’EN qui vont manquer du fait du papy boom. Depuis la page d’accueil, « portail mobilité » nous mène à une page comprenant une trentaine de liens :

-  mutations d’un niveau d’enseignement à un autre, postes spécifiques : 15 liens

-  détachements dans l’EN et vers les autres FP : 2 liens

-  concours internes et externes : 9 liens

-  création d’entreprise : 1 lien

-  portails de publications d’emplois dans les autres fonctions publiques : 7 liens

-  « témoignages » avec de très courtes citations : 14 personnes, 4 de plus qu’en 2009…

-  des chiffres en trompe l’oeil : « plus de 400 enseignants étaient détachés dans une collectivité territoriale pour y exercer d'autres métiers » ne correspond pas au nombre de profs qui ont obtenu un détachement dans la territoriale en 2009, mais à ceux qui y sont depuis plusieurs années…

-  « plus de 90 % des candidats admis au concours d'inspecteur de l'Éducation nationale étaient des enseignants » : cela montre bien que la « mobilité » est sérieusement orientée…là où l’on en a besoin. Pourtant, inspecteur ou chef d’établissement ne doit pas constituer « un choix par défaut », pour éviter de faire souffrir moralement des adultes par la suite, tout comme un enseignant qui aurait choisi « par défaut » l’enseignement n’aura pas toujours la motivation suffisante pour intéresser des élèves.

Alors qu’entre 2006 et 2010 la mission de la « mission seconde carrière » semblait être de trouver des postes susceptibles « d’accueillir » (ou de convenir à… ?) des enseignants, cet objectif semble ne plus être la priorité, puisque le portail n’en fait plus mention : à chacun de se débrouiller pour prospecter l’emploi de son choix dans le panel des portails proposés en lien…

Le site « evidens », qui recensait tous les postes administratifs proposés au sein de l’EN a été supprimé, les publications d’emplois étant désormais « versées » dans la BIEP, où elles se retrouveront noyées… L’autre effet dévastateur de cette décision est que tous ces postes mettront donc en concurrence des cadres de l’EN avec des cadres d’autres Fonctions Publiques.

Il y a fort à parier qu’avec cette stratégie, l’EN accueillera progressivement beaucoup plus d’agents des autres fonctions publiques, qu’elle ne permettra à des enseignants d’aller occuper ailleurs des fonctions administratives qui exigent souvent un nouveau concours, une nouvelle formation, en l’absence de processus de VAE ou de VAP qui auraient été incroyablement plus utiles.

Enfin… il manque l’essentiel, preuve que la mobilité hors éducation nationale est encore un tabou :

-  pas de documents d’information réellement exploitables sur la manière d’obtenir l’IDV, avec une fourchette précise des montants en euros qu’il serait possible d’obtenir en fonction de l’ancienneté, du grade, et du projet

-  pas de documents d’information sur la procédure à réaliser pour créer une entreprise ou une auto-entreprise

-  pas de statistiques sur les enseignants qui ont bénéficié du dispositif « seconde carrière » depuis 2006

Par comparaison, en 4 ans, Aide aux Profs a diffusé :

-  près de 2500 articles en lien avec la problématique des secondes carrières

-  plus de 100 témoignages d’enseignants qui ont fait « autre chose », que ce soit sur le Café Pédagogique ou le portail d’Aide aux Profs

-  plus de 2500 liens (pour ses adhérents) vers toutes les structures susceptibles de proposer des détachements dans les trois fonctions publiques

-  le premier ouvrage qui ait été rédigé sur les secondes carrières que réussissent les enseignants, qui en est à son 2e tirage et qui est de plus en plus utilisé par les CMC des académies, qui n’avaient pas de documentation sous la main dans ce domaine…

http://www.gouvernement.fr/gouvernement/ac[...]

http://www.ac-nice.fr/azurnet/sections/personnels/resso[...]

http://www.education.gouv.fr/pid24372/portail-mobilite-[...]

Le dernier ouvrage d’Alain Bouvier : un outil précieux pour les futurs chefs d’établissement


Alain BOUVIER, Chercheur en mathématiques, ancien Recteur de Clermont-Ferrand du 29 novembre 2000 au 15 Juillet 2004, membre du Haut Conseil de l'Education, Président de l'Association Française des Administrateurs de l'Education (AFAE), Professeur émérite de l'université de Poitiers et professeur associé à l'université Sherbrooke (Québec), se passionne depuis plusieurs années pour les questions de management public, d'organisations apprenantes et de gouvernance.


Il avait publié en 2007 "La gouvernance des systèmes éducatifs" (éditions PUF) et approfondit cette problématique essentielle avec : "Diriger l'EPLE: du pilotage à la gouvernance" aux éditions WEKA publié depuis quelques jours :


Actuellement, avec la mise en place du programme "CLAIR" par le Ministre Luc CHATEL, diriger l'EPLE confère de nouvelles responsabilités, comme celle de recruter les enseignants pour former des équipes impliquées. Il semble qu'Alain BOUVIER, au travers de son ouvrage, a bien anticipé cette évolution, qui préfigure une nouvelle forme de Gestion des Ressources Humaines de proximité.

Cet ouvrage, ainsi que les précédents publiés par Alain Bouvier sur la direction des EPLE, sera fort utile aux enseignants en quête d'une mobilité professionnelle comme cadre de l'Education Nationale: inspecteur, ou chef d'établissement scolaire :


http://education.weka.fr/lettre-professionnels-education/rencontre[...]


http://education.weka.fr/flash-education/diriger_l-eple__du_pilotage[...]


En imaginant rendre réversible le départ à la retraite de ses enseignants, la Belgique montre que la pénurie de ses profs est proche…

Le 13 octobre 2010, la ministre de l'Enseignement obligatoire en Belgique, Marie-Dominique Simonet, indique que « la possibilité que l'enseignant travaille encore après l'âge de la retraite se ferait sur base volontaire de l'enseignant » : encore heureux ! L’article indique d’autres pistes pour le moins inquiétantes, en lien avec une pénurie d’enseignants : « Mais la ministre Simonet lance d'autres pistes, inspirées de la Flandre, comme la possibilité de continuer à enseigner après l'âge de la retraite, d'effectuer des heures supplémentaires ou de rendre réversible le départ précédant la pension de retraite. »

En France, dans les académies de Versailles, Créteil, on recrute les profs au Pôle emploi…les jeunes comme les jeunes retraités, qui ne seraient pas encore suffisamment usés, ou qui voient là un moyen de compléter, résignés, une pension de retraite qui va en diminuant. C’est la porte grande ouverte aux intérimaires, aux contractuels, formés ou pas…est-ce cela la « revalorisation du métier d’enseignant » ?

L’allongement des carrières, avec cette pension de retraite qui ne cesse de se reculer comme une carotte que l’on suspendrait devant un âne pour la faire avancer coûte que coûte, n’est-elle pas tout simplement un moyen d’économiser le maximum de pensions, en « tablant » sur le fait que beaucoup seront décédés avant d’en profiter ?

http://levif.rnews.be/fr/news/belga-politique/enseigne[...]

Aide aux Profs se lance en 2010-2011 à la rencontre des syndicats enseignants

En 2010-2011, Aide aux Profs va peu à peu à la rencontre des syndicats, afin que notre action en faveur des secondes carrières puisse s’amplifier…car elle concerne tous les enseignants, lorsqu’ils arriveront à l’âge où la pénibilité de leurs conditions de travail les fera mieux réfléchir à la forme que pourrait prendre leur « seconde carrière », ou leur troisième... Nous avons pour l’instant rencontré Gérard Aschieri de la F.S.U, Franck Girard d’Avenir Ecoles CFE-CGC, Thierry Cadart du SGEN-CFDT, et avons amorcé des contacts avec Catherine Blandin de la FNEPSEC et René Gardan de la FEP-CFDT. A chaque fois, l’accueil est très positif, les syndicats agissant eux aussi pour faciliter le bien être au travail de leurs adhérents.


Thierry Cadart du SGEN-CFDT a répondu début octobre aux nombreuses questions d’Aide aux Profs dans la rubrique « leurs points de vue », où vous pouvez consulter de nombreux autres témoignages de grands acteurs de la sphère éducative.


Notre objectif est de ne pas faire oublier que la « seconde carrière » des enseignants devait aboutir à leur proposer des emplois de reconversion. Entre 2003 et 2009 il était naturel de penser que cette évolution professionnelle s’effectuerait sans concours ni reprise de formation, que l’Education Nationale allait tout mettre en œuvre pour satisfaire toutes les demandes.


Mais c’était sans compter, en parallèle, les effets de la RGPP et son cortège d’économies, qui frappe tous les services, tous les emplois, dans tous les ministères. TOUS les emplois que pouvaient aisément occuper des enseignants pour une nouvelle aventure professionnelle sont supprimés les uns après les autres, sans aucun état d’âme pour les compétences qu’ils ont pu y développer. Nous sommes entrés dans l’ère comptable, celle du retour devant élèves d’enseignants « égarés » sur d’autres fonctions que celles auxquelles les destine leur concours. En supprimant les emplois MAD, les emplois RASED et en diminuant progressivement les emplois en détachement partout où il est possible de le faire, le MEN prouve que sa priorité est de trouver des profs, de gérer la pénurie que le non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux a entraînée.


Un grand problème demeure : quels emplois administratifs correspondent aux qualifications des enseignants, une fois que le MEN aura supprimé tous ceux qui leur étaient aisément accessibles chez ses associations partenaires et dans ses EPA ? Le MEN a-t-il prévu des procédures d’intégration directe sans mise en concurrence avec d’autres fonctionnaires d’autres ministères, alors que cette règle qui prévalait jusqu’ici a tout simplement « plombé » un dispositif qui manquait de bras ? Un enseignant peut-il devenir attaché d’administration via une VAE ? Est-il obligé de repasser un concours ? Le MEN pense-t-il un jour oser innover en la matière, pour diversifier les mobilités potentielles des enseignants, ou les administratifs qui organisent ce dispositif sont-ils rétifs à une telle « révolution » ?


http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=News_display.a[...]


Directeur d’école est-il un métier ou une mission ?


Si c’est une mission, pour tous ceux qui en ont la charge, elle est bien lourde et mal payée (cf notre interview du mois ci-après)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2[...]




Par rboyer , le dimanche 17 octobre 2010.

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