Glaciation rue de Grenelle 

Par François Jarraud


Plus que la multiplication des déclarations ministérielles tous azimuts, c'est le durcissement des  propos de Luc Chatel et des décisions prises, qui est la surprise de février 2011. Préfigure-t-elle une nouvelle politique en vue des présidentielles ?


Ministre volontiers affable, Luc Chatel avait réussi presque un "sans fautes" dans sa première mission ministérielle. La politique de restrictions qu'il menait ne lui était pas vraiment imputée et il avait su entretenir avec les syndicats des relations correctes et même obtenir sur certains points le soutien du CSE. Porte-parole du gouvernement, il s'était bien gardé d'intervenir dans les sujets qui pouvaient être inconciliables avec le poste de ministre de l'éducation nationale, dans la chasse aux Roms par exemple.


Tout a changé ce mois-ci. En deux semaines on a vu Luc Chatel chausser les chaussures de Gilles de Robien et Xavier Darcos et prendre des postures tout à fait nouvelles. Le 31 janvier, annonçant un "plan sciences", le ministre a vanté "un enseignement renouvelé des fondamentaux". Il faut "réaffirmer l’importance de l’apprentissage par coeur des opérations élémentaires de calcul : réciter les tables de multiplication et d’addition, automatismes de raisonnement, installer la pratique quotidienne du calcul mental à l’école, dans toutes les classes", déclarait-il. Il recommandait "l'instauration" d'un temps quotidien de calcul mental. Une fausse mesure puisque cet enseignement a toujours été pratiqué.  Mais elle jetait l'opprobre sur les instits dénoncés comme de mauvais enseignants ne préparant pas correctement les enfants.


Le 8 février, Luc Chatel récidivait au Sénat. "Pendant de nombreuses années, en conséquence sans doute de mai 68, notre système éducatif a en effet oublié qu'enseigner, c'est d'abord transmettre des savoirs... Nous avons donc décidé de redonner la priorité à l'apprentissage d'un certain nombre de fondamentaux. Tel était l'objectif de la réforme du primaire mise en place par mon prédécesseur Xavier Darcos. Pour ma part, j'ai décidé de réinstaurer systématiquement le calcul mental afin de développer, dès le plus jeune âge, la mémoire et l'agilité d'esprit. En ce qui concerne la lecture, nous avons choisi de revenir à des méthodes permettant un meilleur apprentissage", déclarait-il.


Les décisions ne valent guère mieux. Le 3 février, le Bulletin officiel publiait la circulaire sur l'absentéisme. Ce texte vise l'application de la loi Ciotti, instituant la suspension des allocations familiales pour les familles d'élèves absentéistes. Moins d'une semaine après son rejet unanime par le CSE le 27 janvier, le texte devenait officiel. S'il est rarissime de voir un projet de circulaire rejeté à l'unanimité du CSE, il est tout aussi rare d'avoir une telle publication en urgence. Cette bravade illustre la dégradation du climat social dans l'institution.


Le socle commun attaqué par le ministre lui-même. Le même B.O. du 3 février publiait une circulaire organisant le DIMA, un dispositif qui retire de l'école des jeunes de 15 ans pour les mettre en pré-apprentissage. Quoiqu'en dise le texte, il est évident que ces jeunes, déjà en difficultés scolaires, auront bien du mal à valider le socle commun puisque leur horaire d'enseignement est largement amputé par l'apprentissage. Ils sont de facto sortis du système scolaire et entraîné dans une voie dont des études du Céreq ont démontré que c'est une impasse professionnelle. Sans bagage scolaire, sans emploi et sans formation professionnelle on peut être inquiet pour leur avenir. En parallèle, un fait pas banal se produisait à l'Assemblée nationale. Le député UMP Lionel Tardy obtenait la suppression du HCE par un vote majoritaire. Le HCE était ensuite remis en selle à la demande du gouvernement et sur intervention de plusieurs députés de la majorité comme Jacques Grosperrin ou Frédéric Reiss. En dénonçant le HCE c'est bien le socle commun et les "pédagogistes" que L Tardy visait.


Chatel change-t-il de camp ? Cet épisode montre que la guerre scolaire allumée par G de Robien couve sous la cendre. Et les derniers propos de Luc Chatel pourraient donner à penser que le ministre donne des gages à ce courant. Ce serait évidemment donner raison aux organisations qui ont défilé le 10 février en demandant non seulement des postes mais aussi la suppressions des réformes adoptées majoritairement par le CSE. Et cela annoncerait que la campagne électorale des présidentielles se ferait réellement sur le type d'école qu'avait promis le premier rendez-vous de l'UMP.

La circulaire

http://www.education.gouv.fr/cid54846/mene1102847c.html

Le vote au CSE

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/01/2[...]

L'Ecole prise au piège de la démagogie

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2010/1[...]

Le rendez-vous UMP

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/201[...]



Angleterre : Encore plus de concurrence et de répression


La nouvelle loi sur l'éducation du gouvernement conservateur augmente les pouvoirs disciplinaires des chefs d'établissement et encourage la concurrence.


Retour en arrière ou saut dans une nouvelle gestion libérale du système éducatif ? La nouvelle loi voulue par Michael Gove, le ministre de l'éducation, commence par renforcer les pouvoirs des chefs d'établissement. Ils pourront fouiller les élèves pour chercher de la pornographie ou des objets interdits comme les téléphones. Ils ne seront plus obligés de recaser les élèves exclus. Les enseignants accusés d'inconduite sur des élèves bénéficieront de l'anonymat. Elle élargit les possibilités de créer des "academies", ces écoles publiques gérées comme une structure privée. Le gouvernement a aussi abaissé les pouvoirs de l'Ofsted, l'organe indépendant d'inspection. Les écoles favorisées n'auront plus aucune obligation d'inspection. Ces mesures suscitent l'opposition de l'opposition et des syndicats. "Gove montre à quel point il est décalé avec son époque quand il donne la priorité au latin sur les TICE", estime un leader syndical.


Ouverture prochaine de 8 "Free Schools". Selon la presse britannique, le gouvernement devrait prochainement autoriser huit "Free Schools". Créées par des parents ou des enseignants avec le soutien de l'Etat, les Free Schools échappent aux autorités éducatives locales. Près de 250 demandes d'ouverture ont déjà été déposées. Traduction anglaise des Charter schools américain,, les Free Schools sont le fer de lance da réforme impulsée par le gouvernement britannique.

Article BBC News

http://www.bbc.co.uk/news/education-12287022

Comment les conservateurs font éclater le système éducatif britannique

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/20[...]

Article du Guardian

http://www.bbc.co.uk/news/education-12308512



Sur le site du Café

Par fjarraud , le mardi 15 février 2011.

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