Bac : Une organisation à revoir 

Par François Jarraud


 

Toucher au bac est certainement un exercice périlleux comme l'attestent les tentatives de réforme de 2004. Mais la multiplication des incidents interroge  et l'organisation de l'examen et sa conception.


Des économies contestables. Il y a quelques jours, Luc Chatel disait que le bac "ne coûte pas cher" par rapport à l'investissement qu'il représente. Son coût se situerait à environ 80 euros par candidat. Or il y a bien un rapport entre l'investissement is dans les examens et la fraude. Cela est apparu clairement pour la fraude au BTS NRC. Pour le bac, l'enquête déterminera l'origine de la fraude. Mais on ne peut écarter le fait que le recours à des contractuels pour l'organisation de l'épreuve y soit pour quelque chose. En tous cas ces incidents devraient faire ressortir les problèmes d'organisation de l'épreuve. D'un peu partout nous proviennent des plaintes sur les déplacements des examinateurs. Au lieu de gérer au mieux la répartition des interrogateurs, on n'hésite pas à imposer des parcours cauchemardesques, voire impossibles, que les interrogateurs acceptent dans l'intérêt du service. Cela montre que l'organisation, peut être par un recours exagéré à des intérimaires, n'est pas aussi bien huilée qu'elle pouvait l'être précédemment.


Une épreuve irréformable ? La question de la réforme du bac et celle des fraudes s'est posée pratiquement dès l'origine. En 2007, Claude Lelièvre nous rappelait que dès la fin du 19ème siècle sa réforme est demandée. " En mai 1880, Jules Ferry a tenté une réforme du baccalauréat ( qui concernait alors moins de 1% d’une classe d’âge ) en la justifiant en ces termes devant le Conseil supérieur de la fonction publique : « La question du baccalauréat se pose ainsi : arracher cet examen aux misères, aux écueils et aux mensonges de la préparation mnémonique et mécanique ». Quatre-vingt ans après,  ( et alors qu’on en était encore à moins de 10% d’une classe d’âge obtenant le bac ), il semble que l’on n’était toujours pas beaucoup plus avancé si l’on en juge par le rapport motivant le décret du 28 août 1959 relatif au baccalauréat ( général ) : « Il est normal qu’un examen de qualité incontestable sanctionne les études de l’enseignement du second degré. Mais il est anormal que ce même examen compromette les études dont il doit couronner le terme […]. Ces études, qui devraient être uniquement orientées vers l’acquisition de la culture générale, s’orientent de plus en plus vers le ‘’bachotage’’, c’est à dire l’acquisition hâtive, superficielle et indigeste d’un savoir encyclopédique »."


Des épreuves inadaptées ? Plus près de nous, des études ont montré que les épreuves laissent à désirer. En mars 2008, Bruno Suchaut avait involontairement suscité de violentes réactions suite à la publication d'une étude sur la correction de copies de SES. Il montrait que trois copies du bac soumises à une trentaine de correcteurs différents obtiennent des notes très différentes (l'écart peut aller jusqu'à environ 10 points sur 20) d'un correcteur à l'autre. Ce qui l'amenait à souligner le caractère aléatoire du bac. La démonstration des errements des évaluations au bac n'a pas attendue B Suchaut. Elle a déjà été faite par exemple par Pieron, Reuchlin et Bacher qui, en 1962, ont démontré que pour obtenir une note "juste" aux épreuves du bac de mathématiques il faudrait faire la moyenne des notes de 13 correcteurs en maths, 78 en français et pas moins de 127 en philo… D'autres ont pu montrer que trois épreuves seulement prédisent al réussite ou l'échec au bac. Inutile donc d'organiser les autres... Les détracteurs du bac envisagent souvent son remplacement par un examen d'entrée dans le supérieur. C'est ce dont rêvent nombre d'universitaires qui s'affranchiraient ainsi de la douloureuse nécessité de s'adapter au public.  Mais dans un pays où le nombre de diplômés du supérieur est déjà faible, augmenter les barrages à l'entrée de l'université aurait des effets économiques et sociaux désastreux. 


Augmenter la part du CCF ? D'autres envisagent son remplacement par un contrôle en cours de formation ou la réduction des épreuves. C'est ce que semblent demander la Fcpe, le Sgen et les organisations lycéennes.  Cette demande reconnait la qualité du travail des enseignants. Elle aurait aussi l'avantage de diminuer le stress des candidats et les hasards d'une épreuve unique. Mais aller dans ce dernier sens augmenterait aussi la part de hasard dans l'évaluation. On sait qu'elle aurait des effets indésirables. L'évaluation non anonyme des élèves est plus sévère pour les garçons que les filles, pour les jeunes défavorisés ou issus de minorités visibles. Tous les stéréotypes influencent alors le correcteur ce qui n'est pas possible avec une copie anonyme.


Comment évaluer les compétences ? Finalement les difficultés du bac ne renvoient pas seulement aux effets de la diffusion des nouvelles technologies ou aux économies mal placées du ministère. C'est aussi la question de l'évaluation des compétences des candidats qui est posée. On sait comment cette évaluation a été mise en place au collège d'une façon tellement maladroite et absurde que la formule semble maintenant inaudible aux enseignants. En terminale il faut rappeler que dans certaines disciplines où on est allé le plus loin dans cette voie, les langues par exemple, les nouvelles évaluations (par rapport au cadre européen par exemple) n'ont pas effacé les anciennes...  La crise que traverse le bac est finalement le révélateur de la crise profonde, aussi bien économique que pédagogique, que connaît le lycée. Il ne semble pas que la réforme ait fait avancer le lycée vers les solutions.

Le bac mis en débats

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/bb11_Accueil.aspx

C Lelièvre

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2011/bb2011_27.aspx


Meirieu : Il faut réformer le bac

"Le bac est une machine qui s’essouffle", écrit Philippe Meirieu dans le quotidien 20 minutes. " Son organisation est trop contraignante: elle paralyse l’Education nationale pendant plusieurs semaines, en monopolisant les lycées et en amputant la fin de l’année scolaire des élèves. Et pour certaines épreuves, telle que la philo, on ne trouve plus assez de correcteurs. Par ailleurs, avec la généralisation des nouvelles technologies, nous sommes face à des formes de triche inédites. Et c’est un peu comme pour les affaires de dopage lors du Tour de France: le temps qu’on trouve les moyens de lutter contre un type de fraude, de nouveaux modes apparaissent. Il faut donc s’interroger sur la création de nouvelles épreuves, qui rendraient la triche inutile et seraient pédagogiquement plus cohérentes". P Meirieu demande des épreuves "intelligentes" qui échappent à la tricherie et un Grenelle du bac.

Article 20 minutes

http://www.20minutes.fr/article/746697/le-bac-machine-essouffle


Antibi : Le bac est un rempart

Pour A Antibi, l'évaluation au bac échappe à la "constante macabre" et doit être conservée.  "Le bac est un des rares endroits où, depuis une quinzaine d’années,  un effort sensible a été fait dans le domaine de l’évaluation... Plus précisément, les sujets sont conçus de manière à ne pas piéger l’élève, à faire en sorte qu’un élève qui a travaillé réussisse.  Il n’est alors pas surprenant que certains collègues pensent, à tort bien-sûr,  que le bac ne vaut plus grand-chose, car il ne correspond pas au type de sujet qu’ils posent à leur contrôles...Dans ces conditions, il ne serait vraiment pas raisonnable de supprimer le bac. Lorsque la constante macabre sera supprimée, on pourrait envisager d’introduire une part de contrôle continu au bac ; mais certainement pas dans les conditions actuelles".


Les examens questionnés par les chefs d'établissement

"Si les personnels de direction, chefs de centre d'examen, sont résolus à lutter contre la fraude, si difficile que cela soit dans les conditions où ils se trouvent, le SNPDEN-UNSA souligne que l'évolution prévisible des techniques posera inexorablement la question de la forme des examens : il devient nécessaire de cesser de contourner constamment cette question".  Le premier syndicat de chefs d'établissement souligne que les épreuves longues rendent le passage aux toilettes obligatoire et qu'on peut avec un smartphone y tricher ou que les calculatrices personnelles sont devenues incontrolables.

L'Expresso du 9 juin

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/0[...]



Sur le site du Café

Par fjarraud , le samedi 25 juin 2011.

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