Le statut des enseignants menacé : Un rapport du CAS sur "l'effet enseignant" remet en question le statut des enseignants 

Par François Jarraud



Le Centre d'analyse stratégique vient de publier une étude sur "l'effet enseignant". Elle recommande d'explorer tous les moyens d'encourager les enseignants à améliorer leur "performance" : embauche à l'essai, salaire au mérite, coaching...


“Toutes choses égales par ailleurs”, 10 % à 15 % des écarts de résultats constatés en fin d’année entre élèves s’expliquent par l’enseignant auquel l’enfant a été confié", écrit le CAS. "Ces études livrent d’autres résultats intéressants : l’ampleur de l’“effet enseignant” est supérieure à celle de l’“effet établissement” : le professeur a davantage de poids sur la progression des élèves au cours d’une année donnée que l’établissement dans lequel ces derniers sont scolarisés. La portée d’une augmentation de l’efficacité pédagogique d’un enseignant est aussi potentiellement supérieure à celle d’une diminution de la taille des classes".


Dans cette situation il devient indispensable d'augmenter l'efficacité du travail enseignant. Et pour cela de détecter les "bons enseignants" pour les encourager et les mauvais pour les virer. L'étude préconise trois politiques. La première c'est de ne plus recruter les enseignants comme des fonctionnaires ordinaires. "Les auteurs proposent en revanche, pour tous les enseignants, de durcir les conditions de la titularisation (tenure), attribuée aujourd’hui quasi systématiquement après deux ou trois ans d’expérience en tant qu’enseignant certifié. Le quart des enseignants certifiés ayant démontré la moins grande valeur ajoutée durant leurs deux premières années d’enseignement se la verrait refuser". Les auteurs estiment que cette mesure entrainerait "une amélioration des résultats moyens des élèves de 14%". Une seconde mesure serait le salaire au mérite mais l'efficacité ne leur semble pas attestée. Enfin ils préconisent des évaluations et un coaching pour évaluer les enseignants. "A partir du moment où on leur pose les bonnes questions, les élèves, même au primaire, sont capables de reconnaître les enseignants qui les font progresser", estiment les auteurs. "Certains éléments de pratique évalués par les élèves apparaissent plus corrélés que d’autres aux résultats de l’enseignant en termes de valeur ajoutée. Sont particulièrement déterminants la capacité à “tenir” sa classe et le fait d’avoir un niveau élevé d’exigence".


Attention au tsunami américain. Pour arriver à ces remarquables conclusions, les auteurs se sont basés essentiellement sur des recherches américaines qui sont mises en ce moment au goût du jour outre-Atlantique. Depuis la crise et la réduction des budgets éducatifs, des politiques ont été mises en place au niveau fédéral et dans de nombreux états pour éliminer les mauvais enseignants et encourager "la productivité" des autres. Ces politiques s'appuient sur les évaluations qui permettent de calculer l'efficacité du système éducatif. C'est cette expérience que reprennent nos auteurs.


Un raisonnement faussé. La question est évidemment dans la mesure de l'efficacité du travail enseignant. Des études françaises ont bien mis en évidence des "effets professeurs". Ainsi P Bressoux avait fait le lien entre niveau des élèves et la formation professionnelle mais aussi culturelle des enseignants. O Maulini avait montré l'intérêt d'une ouverture au questionnement des enseignants. G Bousquet a fait le lien entre les représentations des enseignants et les résultats scolaires. Mais aucun de ces travaux n'affirme pouvoir mesurer de façon comptable l'efficacité des enseignants.


L'étude du Cas s'inscrit dans une approche quantitative de l'efficacité des enseignants qui contribue à remettre en question leur statut et leur rémunération. Les dégâts causés par l'évaluationnite sont pourtant très perceptibles outre-Atlantique. Elle est accusée de ne faire travailler que les tests aux élèves. Des cas de fraudes massives organisée par les établissements viennent aussi d'être mis en évidence.

L'étude

http://www.strategie.gouv.fr/content/que-disent-les-recher[...]

A quoi servent les profs ?

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/tribu[...]




Le rapport Grosperrin : privatisation ou prolétarisation des enseignants ?


Le rapport de la Mission d'information de l'Assemblée nationale sur la formation des enseignants, présidée par Jacques Grosperrin, député UMP du Doubs, que le Café s'est procuré, remet à plat la formation des enseignants avec le souci de sa professionnalisation. Mais ses 20 propositions veulent aussi en finir avec le statut de fonctionnaire pour les enseignants.


Le rapport entend mettre fin au système actuel de masterisation. Certes le mot master est retenu, mais les épreuves d'admissibilité auraient lieu à la fin de la licence. Ensuite l'étudiant entrerait dans un master spécifique des métiers d'enseignement ou l'activité de recherche serait limitée à la rédaction d'un mémoire professionnel portant sur le stage effectué par l'étudiant. Soyons clair : les futurs enseignants seraient titulaires d'un master si spécifique que l'on peut se demander s'il serait vraiment reconnu comme tel.


Il envisage une véritable professionnalisation de la formation. Le master serait construit "sur le principe  d'une véritable alternance entre la pratique professionnelle et les enseignements concernant les savoirs disciplinaires et didactiques". En première et deuxième année de master les étudiants effectueraient obligatoirement des stages en établissement correspondant à un tiers temps.


Des enseignants de statut privé. Le rapport invite à "remplacer le concours par le master et confier aux autorités académiques ou aux établissements le soin de recruter sur la base d'un entretien professionnel". Les enseignants devraient chercher un établissement et un poste pour pouvoir exercer le temps que l'établissement le souhaite. C'est en fait une privatisation de leur statut.


La fin de l'agrégation. Très logiquement le rapport propose d'en finir avec l'agrégation. Seule serait maintenue une agrégation interne qui correspondrait en fait à un super grade pour les enseignants du secondaire.


C'est donc un rapport de rupture. Les 20 propositions de la commission rompent définitivement avec l'Ecole héritée de Napoléon et de Jules Ferry pour dessiner une école sur le modèle américain.


De vives réactions syndicales. Pour le Snes, " une telle proposition revient à exclure les personnels du cadre de la fonction publique d’Etat et donc à remettre en cause le caractère national du service public d’éducation". Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, estime que "la suppression des concours de recrutement balaierait d'un revers de manche le statut de fonctionnaire d'Etat des enseignants". " Le voile est donc levé sur les intentions réelles de la majorité parlementaire", estime C Chevalier. "L’amélioration de la formation professionnelle des futurs enseignants est le cadet de ses soucis ! Son objectif, désormais clairement affiché, est bien de saper les fondements de l’École de la République".

Les 20 propositions

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/doc[...]

Communiqué Snes

http://www.snes.edu/Supprimer-les-concours-de.html

Communiqué Se-Unsa

http://www.se-unsa.org/spip.php?article3443



Sur le site du Café

Par fjarraud , le vendredi 23 septembre 2011.

Partenaires

Nos annonces