Langues : Les solutions du Cnesco pour améliorer l'apprentissage des langues 

Peut-on "débloquer" les jeunes Français pour l'apprentissage des langues ? La question était au coeur de la conférence de consensus organisée par le Cnesco les 13 et 14 mars. Le jury, composé d'universitaires, d'enseignants, de parents, rend maintenant ses recommandations. Il préconise des mesures pédagogiques, par exemple pour le travail de l'oral ou le droit à l'erreur, et organisationnelles, comme la durée des cours ou le développement des dispositifs particuliers (EMILE, classes bilangues). Surtout il demande de modifier le recrutement des enseignants en recréant une option  langue au concours des professeurs des écoles et en établissant une aux concours du 2d degré.

 

Des résultats décevants

 

Les français sont-ils condamnés à être "mauvais en langues" ? Comme l'a rappelé la conférence de consensus, il semble bien que oui. Si l'on regarde les rares comparaisons internationales les jeunes Français performent moins bien. Les évaluations nationales montrent des progrès en compréhension de l'écrit. Mais le niveau en expression orale reste faible. En fin de primaire, en anglais, seul un élève sur deux maitrise la syntaxe des phrases simples. 75% des élèves en fin de collège ne sont pas capables de produire des phrases simples et correctes.

 

La formation des enseignants insuffisante

 

Le Cnesco a mis en évidence plusieurs raisons. La formation des professeurs des écoles en langues laisse à désirer. L'option langues n'est plus exigée au concours et peu enseignée en Espe pour les professeurs des écoles. Or peu de ces enseignants ont fait des études en langues. Peu d'efforts sont faits pour remédier à cette situation par la formation continue. Le Cnesco relève aussi que les manuels en langues sont rares dans les écoles. Le Cnesco relève " une disparité de pratiques pédagogiques très référées aux compétences individuelles de chacun, un sentiment d’insécurité pédagogique ressenti par les enseignants dans ce domaine et au final un manque de liaison entre les enseignements du primaire et du secondaire".

 

Or c'est dans l'enfance que les enfants sont les plus à même de maitriser les accents d'une langue et de les reconnaitre. Il y a un décalage fort entre le moment où l'apprentissage serait le plus facile et les heures d'enseignement données aux élèves.

 

Un contexte sociétal hostile aux langues

 

S'ajoute à cela un statut particulier du français dans la mentalité nationale qui reste peu ouverte aux langues étrangères. Enfin la maitrise d'une langue étrangère est un marqueur social fort ce qui contribue à geler la situation. Pour N Mons, présidente du Cnesco, " c’est  tout d’abord du côté du contexte sociétal, et du rapport complexe qu’entretiennent les Français, non pas aux langues étrangères mais à leur propre langue, que sont à rechercher les premières pistes d’explication des difficultés scolaires dans l’apprentissage des langues étrangères".

 

Travailler l'oral au primaire

 

Avec une dizaine de recommandations, le jury de la conférence de consensus , réunissant 18 acteurs de terrain sous la présidence de Brigitte Gruson (Université de Bretagne occidentale), veut améliorer l'enseignement des langues sous 4 axes : la progressivité des apprentissages, du primaire à la fin du lycée ; une évaluation tournée vers un « droit à l’erreur » et les compétences réelles des élèves ; l’augmentation de l’exposition des élèves aux langues et un meilleur accompagnement des enseignants.

 

La recommandation la plus féconde vise l'expression orale à l'école maternelle et élémentaire. Alors que les enfants sont les plus à même de retenir les rythmes et les accents des langues, le jury veux utiliser ce temps propice qui se referme aux alentours de 8-10 ans.

 

Il préconise d'intervenir dès la maternelle avec une découverte de la musicalité des langues " grâce à l’écoute et à la répétition de chants et comptines en langues étrangères". Cela suppose une formation des enseignants.

 

A l'école élémentaire, le jury souhaite entrainer les élèves à la compréhension orale par des écoutes répétées dès le CP et à partir du Ce2 faire travailler l'expression orale. Au collège , il recommande d'entrainer les élèves à la compréhension de l’oral en faisnat réfléchir les élèves avant l'écoute (anticiper à partir du titre, élaborer des hypothèses sur le contenu), pendant l’écoute (décoder, repérer des termes) et après l’écoute  (réfléchir aux stratégies utilisées pour comprendre).

 

Le jury croit aussi que des outils numériques peuvent aider les élèves à gagner en autonomie dans l'apprentissage des langues, par exemple en utilisant des padlets ou l'écoute différenciée.

 

Réhabiliter les langues de la maison

 

Une autre proposition féconde demande de réhabiliter les langues et de créer des ponts entre elles. " L’apprentissage des élèves sera favorisé par la mise en relation des différentes langues qu’ils connaissent (une langue utilisée à la maison, une autre langue vivante apprise…) d’un point de vue lexical, grammatical, phonologique… Ainsi, les enseignants peuvent tirer parti des similitudes qui peuvent exister entre les différentes langues, tant au niveau de leur fonctionnement que de leur lexique", écrit le jury. Il recommande aussi de favoriser les approches interculturelles en cherchant ce qui relie les langues et non ce qui les oppose.

 

Le jury souhaite aussi favoriser une évaluation plus bienveillante des élèves. " L’évaluation doit donc prendre en compte l’anxiété liée à l’apprentissage d’une langue, particulièrement chez les adolescents". Il demande aussi d'évaluer plus précisément les élèves avec une évaluation par compétences régulière (bilan tous les 3 ans).

 

La conférence recommande aussi le développement des dispositifs d'enseignement d'une autre discipline en langue étrangère (EMILE) et des classes bilangues qui devraient être ouvertes à tous les élèves et non seulement les meilleurs.

 

Modifier les concours

 

Les dernières recommandations concernent le recrutement des professeurs. Le jury demande le rétablissement d'une option langues au concours de professeur des écoles et la création d'une option langues aux concours du 2d degré. Cela permettrait de développer l'enseignement en langue étrangère dans d'autres disciplines.

 

La formation des enseignants et particulièrement celle des professeurs des écoles semble bien être la piste la plus prometteuse. Aujourd'hui c'est l'absence de formation à l'enseignement des langues dans la formation des professeurs des écoles qui empêche de tirer profit des compétences provisoires des enfants et qui rend cet enseignement délicat et difficile pour les enseignants.

 

L'exemple de l'enseignement intensif au primaire au Québec

 

L'exemple du Québec montre qu'on tient là un levier essentiel. Comme Claude Lessard nous l'avait expliqué en 2015, le Québec mise sur un enseignement intensif des langues à l'école élémentaire.  Dans les écoles qui ont accepté ce principe, l'enseignement des langues occupe 7 heures hebdomadaires et les bases sont acquises à l'école. L'horaire est ensuite allégé dans le second degré pour entretenir les acquisitions du premier degré. Le Québec a aussi reconnu l'importance de valoriser les langues parlées à la maison pour permettre l'apprentissage des langues de l'école.

 

Que décidera JM Blanquer ?

 

JM Blanquer avait commandé un rapport au journaliste Alex Taylor et à l'inspectrice générale Chantal Manès qui a été remis en septembre. Plusieurs recommandations se retrouvent dans celles du jury du Cnesco comme l'idée de multiplier les séances en les raccourcissant (45 minutes au lieu d'une heure au collège, 20 minute spar jour à l'école) ou encore favoriser les enseignements d'autres disciplines dans une langue étrangère. Le rapport Taylor Manès souhaite aussi une épreuve de langues au concours des PE et une option dans le second degré.

 

Pour le moment JM Blanquer n'a donné suite à aucune de ces recommandations. Mais il devrait le faire prochainement. Suggérons lui aussi de trouver une solution à un problème récurrent en langues : le nombre d'élèves. En anglais on compte 24 élèves en moyenne au collège et en lycée, 23 en espagnol et 19 et 20 en allemand. C'est donc souvent davanatge avec des élèves aux compétences très hétérogènes. Comment avec de tels groupes réussir à faire progresser les élèves notamment à l'oral ?

 

François Jarraud

 

Le dossier du Cnesco

Notre Dossier sur la conférence du Cnesco

Au Québec l'apprentissage intensif à l'école

Le rapport Taylor Manes

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 11 avril 2019.

Commentaires

  • stephan, le 12/04/2019 à 09:06
    "Que décidera J.M. Blanquer?"
    Je vous livre ici  un scoop (concernant le primaire )
    1 ) Il va redire " toute sa confiance" aux enseignants pour que les choses aillent mieux;
    2 )  Il va décréter l'enseignement des langues "priorité nationale"  . 
    (Comme le parcours artistique, l'éducation morale et civique, l'enseignement des maths, la lecture,le chant choral, la main à la pâte,...) 
    Et voilà un problème de réglé!


  • Tregeriad, le 11/04/2019 à 09:34
    Une étrangeté qui mérité d'être soulignée dans notre pays qui souffre d'évaluationnite chronique...
    Cela fait maintenant x années que l'on enseigne l'anglais (ou quelque chose qui lui ressemble) à l'école primaire. A raison d'1h30 par semaine du CP au CM2, cela représente tout de même 270 heures d'apprentissage !
    On aurait sans doute aujourd'hui les moyens de mesurer les progrès accomplis par les jeunes Français, mais on préfère l'éviter, car l'échec est patent : 270 heures d'anglais en primaire, mais au collège on n'a guère senti la différence. Les élèves arrivent en 6ème avec un (tout) petit bagage linguistique, mais il ne faut pas se voiler la face : "toudè iz sursdè ze elevens off april". Ce n'est pas de l'anglais.
    Pas la peine de chercher bien loin les causes de cet échec, et il faudra bien plus que des pistes de formation pour y remédier : nous, professeurs des écoles, ne savons pas enseigner une discipline que nous ne maîtrisons pas !
    Alors oui, nous sommes très forts, polyvalents, formidables, de véritable Supermen / Wonder Women prêts à relever tous les défis, mais la plupart d'entre nous n'ont pas la moindre idée de ce qu'est une diphtongue... 
    Et c'est pourtant à nous qu'il revient d'exposer ces fragiles oreilles (encore un peu ouvertes à la musicalité des langues) à quelque chose qu'on appelle de l'anglais mais qui n'est qu'une sorte de globish mal digéré...
    Comment jouer notre rôle d'adulte modélisant dans ces conditions ?
    Soyons francs, si nous avions en maths le même niveau que nous avons en anglais, on nous interdirait d'enseigner les maths.
    C'est un échec, ce n'est pas le nôtre, pauvres PE malmenés de toutes parts, soumis à toutes les injonctions contradictoires et aux attentes les plus improbables. Cet échec est celui de décideurs qu'il va falloir se résoudre à évaluer (ça changera...).
    Désolé de conclure sur une note si négative, je serai constructif une autre fois, mais il faut commencer par arrêter de se raconter des histoires.
    • pauleau, le 15/04/2019 à 09:31
      Et s'il existait ce que l'on appelle des natifs pour enseigner la langue étrangère!!!!????
      Des assistants de langue, auxquels peut être assurée une formation avant l'entrée dans les classes, consisterait un grand pas en avant pour exposer à une langue non déformée; cela ferait un peu de beurre dans les épinards d'étudiants qui souvent ne roulent pas sur l'or et de vrais contacts, de vrais échanges avec la langue et la culture. L'intérêt en devient réel quand le natif peut de surcroit répondre aux interrogations des enfants.
      Cela n'a rien de neuf et semble tout à fait oublié ; cette pratique en usage dans les lycées ( hélas pas tous) mériterait pourtant d'exister toutes les écoles. 
      Bien sûr, cela a un coût. Peut-on accepter que ce coût soit transféré aux parents, au bénéfice des écoles privées, sous forme de coûteux cours de langue ou de séjours à l'étranger? pourquoi ce "plus tard" qui rend si coûteux en temps passé pour apprendre péniblement ce qui eût été presque un jeu?
Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces