Le CNR Education lancé aujourd'hui, pour quoi faire ? 

"L'idée, c'est vraiment de redonner du pouvoir à ceux qui font sur le terrain, à ceux qui produisent le service public pour trouver des solutions, des innovations au plus près du terrain". L'Elysée lance le 3 octobre le Conseil national de la refondation (CNR) avec un nouveau site de consultation et un CNR spécial éducation. Présenté par Emmanuel Macron comme la solution aux blocages du pays, le CNR croit que l'innovation locale va sauver l'Ecole. C'est aussi une manière d'effacer les politiques nationales. Or quand le national faiblit, ce ne sont pas les acteurs locaux qui l'emportent mais les barons locaux...

 

Un des 7 CNR

 

"L'idée, c'est vraiment d'amener des acteurs qui sont parfois en silos, qui sont parfois séparés les uns des autres mais qui ont un même centre d'intérêt, ça peut être un établissement scolaire, ça peut être un bassin de santé, ça peut être un bassin d'emploi, ça peut être la transition écologique à l'échelle d'un territoire, à se concerter, mais pas simplement pour discuter, à se concerter autour, au fond, de pistes d'amélioration, de projets concrets, de solutions, d'innovations qui peuvent vraiment changer la donne..." C'est ainsi que l'entourage d'E Macron présente le lancement du CNR éducation le 3 octobre.

 

Le CNR éducation est un des 7 CNR lancé ce même jour avec 7 CNR transversaux (transition écologique, bien vieillir, futur du travail, modèle productif, logement, numérique et jeunesse et 3 CNR "territoriaux" : école, santé et travail. Dans ces CR territoriaux, la concertation doit se faire sur le terrain au niveau des établissements ou des réseaux d'établissements. L'événement est marqué par la rencontre  entre PapNdiaye et les référents académiques ce lundi au ministère. Elle sera suivie d'une visite ministérielle en Eure et Loir le 5 et en Martinique le 7 octobre.

 

Présenté comme une nouvelle méthode, le CNR veut "co-construire l'action publique au plus près du terrain en sortant des démarches descendantes". Dans l'entourage d'E Macron on invoque "la réinvention de nos grands services publics au coeur du contrat républicain" et "l'intelligence collective" pour sortir l'Ecole des ornières.

 

L'exemple marseillais

 

Pour faire comprendre ce nouveau dispositif, l'Elysée met en avant son projet "Marseille en grand" et ses 59 écoles. "On a 59 écoles primaires où il y a eu une concertation avec les professeurs des écoles, les directeurs, les élus locaux, les associations qui participent à la vie périscolaire, notamment la musique, le sport, etc. Et ces acteurs, en réalité, ont travaillé sur la situation de l'école. Il y avait des écoles où il y avait un problème d'apprentissage des mathématiques plus marqué qu'ailleurs. On a parfois des problèmes d'illettrisme. On a parfois un climat scolaire qui est un peu plus dégradé qu'ailleurs en raison de la situation sociale de l'établissement. Et donc, l'idée, c'est vraiment de redonner du pouvoir à ceux qui font sur le terrain, à ceux qui produisent le service public pour trouver des solutions, des innovations au plus près du terrain", dit-on à l'Elysée. A peine esquissé, ce projet est déjà réputé valable alors qu'il a commencé à la fin de la dernière année scolaire et qu'aucune évaluation n'a eu lieu.

 

La réalité marseillaise est d'ailleurs assez éloignée de la légende élyséenne. Certes 59 écoles marseillaises ont répondu présent à l'appel de l'Elysée puisqu'elles avaient la possibilité de gagner des moyens (environ 40 000€ par école). Elles ont construit toutes seules leurs projets très souvent sans se soucier de l'environnement local. D'autant qu'elles devaient le faire dans l'urgence. Et ces nouveaux projets étaient très souvent leur ancien projet d'école. Ou des projets dupliqués d'autres écoles.

 

Un budget pour quel effet ?

 

Est-ce sérieux de lancer cette grande agit-prop au niveau national ? Oui si l'on en croit son budget. Le ministère se dote d'un Fonds d'innovation pédagogique (FIP), d'un montant de 150 millions en 2023 et qui montera à 500 millions au long du quinquennat. Evidemment pour 60 écoles et établissements cela fait assez peu. Mais il est probable qu'un grand nombre d'établissements n'entrera pas dans le mécanisme, qui n'est pas obligatoire.

 

La vraie question c'est plutot quel est l'effet attendu ? D'abord parce que l'échelon national garde la main sur la concertation. Les référents académiques "accompagneront" les équipes due le terrain, nous dit on à l'Elysée, "pour faire maturer les projets". Et un guide a déjà été publié par le ministère. Les versements du FIP seront décidés par les académies. " Au niveau de chaque territoire et de chaque académie, il y aura une évaluation des besoins qui sera faite et donc les fonds qui seront alloués en fonction des besoins exprimés par les équipes."

 

Si le national garde la main, l'Elysée attend visiblement beaucoup de l'entrée des acteurs de la société civile dans les écoles et établissements. Il attend que les élus locaux lancent les concertations. Pour l'entourage d'E Macron, " les acteurs économiques et associatifs ont toute leur place pour participer à ces CNR thématique école". Les exemples donnés c'est la place des entreprises pour organiser les demi journées avenir dans les collèges  ou les associations sportives pour les 2 heures de sport par semaine. Mais est-il besoin d'une grande concertation pour organiser cela ?

 

Enjeux locaux et politiques nationales

 

Pour les vrais problèmes de l'Ecole, comme les inégalités sociales de résultats ou la mixité sociale , l'Elysée est encore moins convaincant. " La mixité sociale, oui, la question peut être débattue pour les équipes qui le souhaitent et pour lesquelles la problématique se pose. Mais en tous les cas, on espère que, au niveau local, les acteurs pourront trouver les bonnes pistes", nous répond-on. S'il est impossible de nouer des politiques de mixité sociale sans y associer les acteurs locaux, force est de constater que la plupart ne voit pas l'intérêt de s'y investir.

 

Avec ce CNR éducation, le gouvernement lance de grand s débats qui pourraient faire oublier la nécessité des politiques nationales. Les grands défis de l'Ecole française sont rarement solubles dans les arrangements locaux. La démocratisation ratée de l'Ecole française en est le plus bel exemple. La perpétuation d'inégalités sociales flagrantes et uniques dans les pays développés ne peut pas être combattue par les élites locales qui sont bénéficiaires du système. Seul un arbitre national peut imposer l'intérêt général contre les intérêts particuliers locaux.

 

Or ce que fait le CNR c'est justement l'inverse:  ouvrir les écoles et les établissements aux intervenants extérieurs en déqualifiant a priori les enseignants. Si les entreprises locales ou les élus locaux ont les solutions aux problèmes de l'école c'est bien que les enseignants sont des freins ou au mieux peu qualifiés pour ce renouveau de l'école.

 

Cette concertation élyséenne peut aussi faire oublier les vrais problèmes de l'Ecole en les noyant dans du "solutionisme" local. C'est d'ailleurs le role dévolu par le ministère à l'innovation pédagogique, un outil pour maintenir le système en maintenant le principe de solutions pédagogiques descendantes.

 

Alors que ce CNR est lancé, impossible d lire son avenir. Les écoles marseillaises ont largement réussi à récupérer et tirer profit de l'idée élyséenne. Peut-être est ce qui va se passer nationalement. Peut être ces concertations aboutiront à un nouveau recul de l'autorité enseignante au coeur même de leur maison. Peut-être le dispositif sera t-il l'outil pour démembrer les politiques nationales que le quinquennat précédent voulait détruire, comme l'éducation prioritaire.

 

François Jarraud

 

Le nouveau site du CNR

Sur le vademecum du CNR éducation

Macron dévoile son plan pour l'éducation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 03 octobre 2022.

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