L’Expresso du 5 décembre 2022
- Le fait du jour -
La communication renforcée de Matignon sur les délestages à venir rassurent-ils ou font-ils monter l’inquiétude ? La rencontre entre les syndicats et le ministère le 2 décembre n’a fait que confirmer l’impréparation du gouvernement face à la crise énergétique. Matignon renforce sa communication alors que des instructions et une circulaire vont être envoyées aux directeurs et…
Interrompu à l’Assemblée nationale par le dépôt d’un 49.3, le débat sur le budget de l’Éducation nationale a eu lieu au Sénat. La Haute assemblée a adopté le budget, la droite apportant son soutien au gouvernement et sans modifier réellement ce budget. Le débat a surtout servi à faire passer un clair message des Républicains…
- Les disciplines -
L’Ecole peut-elle renouveler ses supports, formes et modalités habituelles de l’écriture ? Professeur-documentaliste dans l’académie de Rennes, Grégory Lanevère montre ainsi combien il est facile et fécond de déployer une webradio au CDI pour amener les élèves à pratiquer l’écriture radiophonique, en particulier dans ses dimensions les plus créatives. La webradio permet de travailler de…
- Le système -
« On n’a pas encore les chiffres, mais on sera légèrement au-dessus de l’année dernière sans pour autant que cela suffise ». Sur Radio J, le 4 décembre, Pap Ndiaye a annoncé une légère hausse du nombre de candidats inscrits aux concours de recrutement des enseignants 2023. Mais, à en croire le ministre, malgré la…
On a parfois davantage de chances d’être reçu au concours en ne passant pas par l’Inspe. Cette situation aberrante est démontrée par une dernière note de la Depp. Étudiant le profil des admis aux concours de recrutement des enseignants de 2021, la Depp montre que si globalement les étudiants en Inspe ont un meilleur taux…
Le Journal officiel du 4 décembre annonce le transfert de 60 millions de la mission « investir pour la France 2030 » vers l’Éducation nationale. Le 1er et le 2d degré publics percevront chacun 25 millions pour le Fonds d’innovation pédagogique. L’enseignement privé pourra bénéficier de 10 millions. Au JO
Deux décrets publiés au Journal officiel du 4 décembre annoncent des transferts de fonds concernant l’éducation. Un décret transfert 800 millions du ministère du Travail vers le plan de relance au titre des primes exceptionnelles à l’apprentissage. 23 millions sont prélevés sur le même fonds de relance pour les cordées de la réussite et des…
« Les enfants et les parents ne devront pas avoir à supporter le report des enseignements annulés par un quelconque travail personnel à la maison à rendre le lendemain (exercices, apprentissage de leçon, devoir supplémentaire à faire à la maison…) », prévient la FCPE, première association de parents d’élèves. Elle interroge le ministre sur l’absence…
- La classe -
« Le baromètre Bien-être de la DEPP, le service statistique du Ministère, vient confirmer les constats faits sur le terrain. Il indique « un sentiment d’épuisement au travail élevé » : 50 % des 62000 répondants lui attribuent une note sur 10 comprise entre 8 et 10. Parallèlement, selon l’enquête de l’Autonome de solidarité laïque,…
- L'élève -
Alors qu’il vient de rendre son palmarès, le 18ème festival international du film d’éducation, organisé par les Ceméa à Evreux, se prolonge en ligne jusqu’au 24 décembre. Ce ne sont pas moins de 24 films issus de la programmation courts et moyens métrages du festival international qui sont mis à disposition des publics du 4…
- Les disciplines -
Peut-on apprendre à l’élève à « reprendre, réécrire et réviser ses textes » ? C’est l’enjeu d’un ouvrage collectif dirigé par Emilie Deschelette, Caroline Lachet et Marie Leroy-Collombel. Cela suppose de contrecarrer « la représentation que les enfants ont de la production de textes comme étant un phénomène linéaire et irréversible » (S. Plane). Cela…
Olympe de Gouges, encore un effort si vous voulez être vraiment féministe ? Sur le site « Recherche en son genre », Elena Mascarenhas propose à son tour une réécriture de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». L’actualisation se fait ici en langage inclusif en proposant pour chaque article les…
« Comment accompagner les élèves dans le développement de leurs compétences sans contraindre l’activité ? Sans que les questions soient données par l’enseignant comme un préalable à toute lecture ? Comment au contraire susciter le questionnement libre, critique, sensible et surtout très attentif à la langue de l’auteur ? » Enseignante à Saint-Sauveur-le-Vicomte dans La…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud