L’Expresso du 8 décembre 2022
- Le fait du jour -
L’orthographe fout le camp. Plus à flots massifs comme au tournant du siècle. Mais comme une baignoire qui fuit, mot après mot, accord après accord. L’erreur orthographique, hier socialement discriminante, est maintenant bien davantage partagée. C’est bien le statut de l’orthographe qui est interrogé. Baisse continue du niveau Comment connaitre le niveau en orthographe des…
- Les disciplines -
L’absence d’efforts semble devenir de plus en plus la norme chez nos jeunes… Face à ce constat et l’enjeu d’une éducation à l’effort, il s’agit bien de penser les pistes pour atteindre cet objectif ! Justement, Marion Ayral, (agrégée d’EPS au collège Jean-Jaurès au sein de l’académie de Versailles) et Teddy Mayeko, (maître de conférence…
- Le système -
Trois syndicats de la fonction publique, la Fsu, la Cgt et Solidaires, saisissent par un référé liberté le conseil d’Etat en raison des « multiples carences dans l’organisation et le déroulement » des élections professionnelles. Le vote en ligne a carrément été annulé pour les directions départementales interministérielles du fait d’erreurs dans les liste sélectorales. Des dysfonctionnements…
« Les mesures de sécurité ne semblent pas avoir été envisagées à la hauteur des conséquences produites par ces coupures », affirme ID FO, un syndicat de personnels de direction. Il relève quelques failles : « comment concevoir que les collectivités territoriales auront le temps, d’ici le mois de janvier, de procéder aux vérifications demandées dans tous les…
Quand on réforme, on peut consulter le personnel directement ou par le biais des organisations syndicales représentatives. C’est un autre chemin qu’emprunte le ministère de l’Enseignement et de la Formation Professionnelle. Il a confié à Stephenson Etudes, une entreprise privée spécialisée dans les tests marketing et les études de consommation, la réalisation de « focus…
« Un autre enseignement privé « hors contrat » reste dans l’ombre alors qu’il ne cesse de prendre de l’ampleur : c’est celui qui existe et prospère sans bruit dans l’enseignement supérieur », écrit Claude Lelièvre. Il souligne que le privé scolarise 25% des étudiants avec des domaines où il domine. Il s’agit de fondations, d’associations, mais…
« 4,8 millions de personnes sont pauvres en France en 2020 selon l’Insee (donnée communiquée pour information, mais non validée, voir page 34). Autrement dit, 7,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté fixé à 50 % du niveau de vie médian, soit 940 euros par mois pour une personne seule en comptant…
- La classe -
« Lorsqu’il est question de « coopérer pour apprendre » il semble y avoir une réticence : celle de laisser les enfants construire leurs savoirs individuellement et collectivement. Est-ce que l’enseignant craint de perdre une partie de son pouvoir ? ». Il aurait tort à la lecture de Educ’Freinet n°260 qui défend la coopération «…
« Trois niveaux de valeurs peuvent être distingués dans le capitalisme : les valeurs profondes et cachées (la violence et la perversion), les valeurs « humaines » affichées (la liberté individuelle, essentiellement) et les valeurs fonctionnelles (rendement, progrès, concurrence, etc.) qui sont régulées par une valeur apparemment neutre : l’efficacité. Dans ce contexte économique, l’éducation…
- L'élève -
Quel cadeau pour un enfant rêveur ou qui aime la géographie ? « Les plus grands fleuves du monde » l’emmènera en voyage sur 18 grands fleuves. Un voyage documenté qui raconte tout ce qui vit autour du fleuve, la faune, la flore, l’histoire. Amazone, Saint Laurent, Congo, Mékong, Nil (en quadruple plage ! »…
- Les disciplines -
« À l’heure où nos politiques s’apprêtent à célébrer le 60° anniversaire de la signature du traité de l’Élysée, nous ne pouvons plus nous contenter de déclarations d’intention et de belles paroles. La France et l’Allemagne se sont engagées au « développement de l’apprentissage mutuel de la langue de l’autre » (Traité d’Aix la Chapelle-…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud