Trente ans après sa première mission, Luc Jacquet revient en Terre Adélie. Il nous fait partager ce retour sous une forme filmique très personnelle mêlant poésie et récit intérieur. D’où vient cette étrange attirance pour des contrées désertes et terrifiantes ? On ne revient jamais le même d’un long séjour sur le continent blanc. Avec « Voyage au Pôle Sud », Luc Jacquet, le réalisateur de « La Marche de l’empereur », prend la parole au nom de tous ceux qui ont succombé à cette addiction à l’Antarctique, en puisant dans sa propre expérience.
Cap au 180
Tel est l’ordre que donnent les capitaines qui appareillent vers le grand sud ! Voyage au Pôle Sud est une invitation au voyage au cœur d’une nature sauvage et grandiose qui n a jamais cessé de fasciner les hommes et d’attirer les plus grands explorateurs. En 1991, Luc Jacquet, âgé de 23 ans, effectue son premier séjour scientifique, et depuis 1991, il a passé pratiquement 4 ans de séjours cumulés dans cette partie du monde. Comme tous ses compagnons d’épopée polaire, il est incapable d’expliquer par des mots cette addiction qui attire et réattire immanquablement vers ces terres pourtant si hostiles et si éloignées. Ce voyage, en réalité, est un vagabondage, un florilège d’instants filmés sur des lieux emblématiques visités durant ces trente ans de fièvre australe, une quinzaine de déplacements. Luc Jacquet se concentre sur le rite initiatique qui se répète à l’infini et qui amène dans un état particulier, l’état polaire. Le choix audacieux du noir et blanc propose une esthétique puissante, Luc jacquet est le narrateur et seule apparaît sa silhouette éthérée dans les paysages démesurés de l’Antarctique.
Une terre de paix et de science
Avec sa superficie de 14 millions de kilomètres carrés, l’Antarctique est une terre de paix et de science dont il faut protéger la biodiversité et le statut unique établi par le traité de Madrid en 1991. Luc Jacquet évoque aussi dans ce nouveau long métrage, le réchauffement climatique, il y a huit ans déjà, il avait tiré la sonnette d’alarme et s’était fait le porte-parole des scientifiques de l’époque. Côtoyer les manchots, est pour lui une chance hallucinante, un privilège incroyable, et l’idée de les mettre en danger lui est insupportable. Mais cette espèce est dépendante de la glace de mer qui se réduit, et pourrait être rayée de la carte dans cinquante ans, si l’on n’agit pas. Luc Jacquet n’est pas guéri de l’addiction qu’il a interrogée dans ce film, il a encore des choses à aller chercher là-bas, il y retournera, car le continent magnétique fait partie de lui.
Béatrice Flammang
Film présenté au Festival de Locarno
Sortie en salle prévue le 20 décembre 2023