18Ème Salon des apprentissages individualisés et personnalisés ICEM-Nantes 2008 

Lucie Gillet


Les 26 et 27 mars, Nantes accueillait le 18ème salon Icem. Un moment pour réfléchir à ses pratiques,échanger, débattre entre enseignants qui militent pour une Ecole formatrice et libératrice.


Questions d'Espace et Temps


Comme l'an dernier, le salon se tient à l'Hôtel de Région des Pays de Loire, le cadre est fastueux, imposant, l'aspect un peu pompeux du lieu (alors qu'après tout c'est lieu au service du peuple et de l'exercice de la démocratie) dénote un peu avec les représentations qu'on se fait d'une assemblée de militants Freinet. Certains et certaines regretteront le manque de « convivialité » de cet espace qui outre le fait qu'il interdise de pique-niquer dans le hall au grand dam des amateurs de sandwichs (dommage pour les jeunes stagiaires IUFM et autres inscrits fuyant la pluie ), ne permet pas vraiment de fonctionner en ateliers, on se retrouve vite dans une situation d'écoute de l'orateur où la discussion n'est pas facile à mettre en place. Mais des échanges entre participants aux ateliers (sans passer par les personnes de la tribune) s'installeront quand même, les uns se nourrissant des pratiques des autres aussi finalement on fait avec les contraintes du lieu en les contournant : on réorganise la disposition des chaises avant de commencer un atelier, et on utilise les micros mis à notre disposition pour mieux s'écouter. Voyons donc le côté pratique des choses : ce cadre permet des conditions d'accueil sans pareilles : 550 entrées sur les deux jours, des moyens techniques de haute gamme : micros, enregistrements des débats, salle de retransmission en vidéo des conférences tenues dans le grand hémicycle...La Région Pays de Loire offre par ce biais un réel soutien à l'initiative portée depuis 18 ans par l'IDEM 44.


 

Le grand hémicycle de l'Hôtel de Région des Pays de Loire, Nantes




 

Dans le vif du sujet, ou quand Freinet invite à « faire ses humanités »...

En préambule à l'ouverture on salue la mémoire de l'un des deux « créateurs » du salon, André Mathieu décédé l'été dernier. L'hommage rendu et par une camarade de l'ICEM au nom du mouvement, et par un ancien élève devenu enseignant, est vibrant, non feint, il met au coeur et comme un point d'ancrage à ce salon « l'humanisme toujours en marche ».


Dans son discours Muriel Quoniam, présidente de l'ICEM pose donc la question au centre du salon : « Une école pour tous? » elle souligne que dans l'actualité brûlante, la question est réellement pertinente. D'abord une attaque en règle, mais argumentée de la réorganisation du temps scolaire, où l'on ajoutera « des heures spéciales réservées à des élèves spéciaux (ce qui) ne fera que les isoler un peu plus. Or la séparation provoque la séparation ; toute l'histoire de l'éducation spécialisée nous apprend que les enfants ou adultes séparés pour des raisons de handicap ou de stigmates, même avec le beau prétexte de les aider à réintégrer le corps social...sont en général encore plus désocialisés par le traitement même qui est censé y remédier.


Comment peut-on confondre travailler plus et apprendre plus? L'apprentissage nécessite du temps, certes, mais aussi de la maturité, de la régularité et une organisation complexe qui ne se résume pas à un empilement de connaissances à ingurgiter.

N'oublions pas qu'en fait, cette réforme consiste à réduire le temps de classe pour la majorité des enfants. Le reste n'est que décoration qui disparaîtra au fil du temps et des évaluations (...) »

Muriel Quoniam évoque ensuite la réorganisation « révolutionnaire » (sic) des programmes, contre la libéralisation de l'école elle file une belle métaphore: « n'oublions pas que si les programmes sont une obligation institutionnelle ils ne sont pas méthode d'enseignement. Disons qu'ils constituent un cadre que l'on installe autour du tableau, rien de plus. Le cadre change avec les gouvernements, mais les tableaux sont toujours à peindre, et le seul art qui vaille en vérité. On ne peint pas à partir du cadre, on peint sous l'impulsion créatrice, sous l'exigence créatrice, dans la recherche de la plus grande perfection possible. Notre obligation institutionnelle et surtout professionnelle et éthique....c'est de permettre à tous les enfants, à tous les jeunes d'apprendre, de progresser, d'avancer dans leur scolarité et dans leur vie (...) ».


Et finalement c'est bien de cela dont il sera question tout au long de ces deux jours : de savoirs accessibles à chacun-e, du droit à apprendre quelque soit ses origines, sa classe sociale ou sa langue, d'ouverture et de curiosité, de culture, de droits, de ce qui nous relie entre humains...


Durant ces deux jours, Jean-Luc Mahé, psychologue scolaire, psychanalyste, responsable du laboratoire du Centre Interdisciplinaire sur l'ENfant (CIEN) La Passerelle à St Nazaire aura été le « grand témoin » des débats et discussions en cours, il notera que ce dont il est question ici c'est d'orientation, de sens, de valeurs, d'une école de la vie, d'une pédagogie vivante.


Cela s'oppose à la tendance actuelle que J-L Mahé décrit comme une « médicalisation de l'école » : aux enfants en souffrance on ne propose qu'une réponse individuelle, individualisée en terme médicaux. On ne réfléchit plus à leur place au sein de la communauté du groupe. Au contraire il faut, comme Freinet, réaffirmer que c'est de culture dont on a besoin pour retrouver ce qui nous lie tous. C'est la culture qui permet d'amener les élèves à l'exercice de leurs facultés, ce qui leur permet de « faire chemin », de se déplacer dans l'usage qu'ils font de la langue, de passer de la langue intime telle que la définit Lacan à la langue commune.


Philip Lavis, président groupe IDEM44, les élus représentants la Région (M. Olivier Bulard), la mairie de Nantes (Mme Johanna Rolland), le Département (Mme Catherine Touchefeu), Muriel Quoniam, présidente de l'ICEM.



Clôture du salon : Marcel Thorel (enseignant, groupe scolaire Mons-en-Bareul), Guy Goupil (président de l'association « les amis de Freinet), Edmond et Janou Lémery (militants ICEM Puy de Dôme), Philip Lavis (IDEM 44), Anne-Marie JOVENET (maître de conférence Lille 3- équipe THEODILE)




 

Le Café vous propose des bribes, quelques synthèses d'exposés, une petite immersion au hasard des  ateliers, face à la Loire , à contre-courant des discours démagogiques qui croient proposer des réponses simples aux questions essentielles que se pose l'Ecole, cheminons un peu.


Ces notes n'ont pas été soumises aux divers intervenants et participants à cette journée.


D'autre part, le lecteur trouvera sur le site de l'ICEM des photos et le texte de quelques conférences :

http://www.icem-pedagogie-freinet.org/travail-cooperatif/e[...]



Conférence de Serge Boimare : « L'enfant et la peur d'apprendre ».



Le programme? Que les enfants restent assis !


« Directeur pédagogique du Centre Claude Bernard à Paris, Instituteur spécialisé, rééducateur, psychologue clinicien...Depuis plus de 30 ans il met en pratique une démarche psychopédagogique auprès d'enfants et d'adolescents qui ont pour point commun de refuser avec force les apprentissages scolaires. » Ainsi est présenté l'orateur dans le Chantiers 44 (bulletin IDEM44) numéro spécial salon.


Et l'on n'est pas déçu...

L'orateur charme, n'hésitant pas à relater ses débuts, premières expériences professionnelles face à un public pour le moins hostile : « la moitié de mes élèves dans la cour en train de jeter des pierres sur les fenêtres de la classe, l'autre moitié me mettant en garde : « On te prévient, on reste mais à condition de ne pas travailler » ». Quelle posture délicate pour un enseignant qui a à coeur de remplir la mission assignée par son ministère...

Et comment s'y prendre?


Serge Boimare aura tiré son épingle du jeu par le biais du conte. C'est un maître qui racontait des histoires aux enfants....Mais attention pas n'importe lesquelles, des contes, des récits mythologiques, ce patrimoine qui nous lie, qui nous restitue notre humanité commune, qui nous délivre de nos démons depuis la nuit des temps.


Éclairages sur ce que sont ces enfants en difficulté, ces 15% d'enfants qui selon Serge Boimare sont « empêchés de penser » :

Ce sont des enfants qui arrivent en 3ème sans maîtriser les savoirs fondamentaux, c'est à dire par exemple qui suite à la lecture du début d'un conte ne sont pas en mesure de résumer de quoi il est question, qui ne font pas spontanément 'accord du sujet avec le verbe dans une phrase (ils peuvent se corriger, mais ils n'ont pas acquis l'automatisme de cette gymnastique de pensée), qui se caractérisent enfin par le non enchaînement de deux arguments pour défendre une idée essentielle. Ces enfants sont en grande difficulté pour s'appuyer sur des capacités réflexives, ils restent gouvernés par des sentiments parasites.

Ces 15% là trouvent leur équilibre dans l'évitement de penser, deviennent résistants aux apprentissages, des insoumis, des « intouchables », ceux sur qui la pédagogie semble vouée à l'échec, quelque ruse qu'elle s'essaie à employer à leur endroit.

Serge Boimare pour les repérer nous propose une typologie en 5 points : ces enfants peuvent se définir ainsi :

*   ils sont soumis à une curiosité primaire, c'est à dire qui reste au stade de l'instinct, du sadisme, de la pornographie etc.

*   ils ont une phobie du temps du doute

*  pendant le temps de la construction des savoirs , le relai est pris par les réactions corporelles : ce sont des enfants qui s'agitent, s'endorment, jouent avec leurs mains, ont des malaises (soif, maux de ventre, de tête)..

*  ils s'autodévalorisent, ont un sentiment de persécution quand on leur demande de réfléchir, ils pratiquent alors le retrait immédiat, remettent en cause le cadre institutionnel qui les contraint.

*  Leur langage est marqué par l'insécurité et sa pauvreté.


Quelles propositions le système éducatif, nos ministères émettent pour ces 15%? Des propositions qui semblent souvent généreuses : du plus, plus de temps, plus de faire : faire et refaire, s'entraîner...Mais des propositions qui vont provoquer des réactions de blocages « anti-apprentissages ».


Quelles propositions seraient alors plus « productives »? Dégagement de quelques principes à appliquer pour enseigner à ces « empêchés de penser »:

*  Pratiquer le « nourrissage culturel »: lectures de contes, de mythes afin de répondre à la curiosité primaire en lui donnant une dimension universelle.

 Proposer un support pour l'entraînement langagier

*  Créer une communauté, créer le groupe

*  Donner du sens aux apprentissages

*  Prolonger le travail pédagogique pratiqué au sein de la classe par un travail en équipe au niveau des enseignants...


Rien de nouveau sous le soleil?

Ben oui, mais il semblerait en ces temps où l'on ressort de vieilles recettes qui parait-il ont fait leurs preuves (mais pour combien d'enfants et dans quel contexte rappelle Serge Boimare, que sont devenus ceux que l'on ne présentait pas au certificat d'études?), il semblerait que ces principes qui ne disent pas que c'est en refaisant maintes et maintes fois, en pratiquant plus et encore, en redonnant « les bases », que ce n'est pas par l'entraînement et la répétition qu'on dépasse la difficulté, doivent être expliqués, affirmés au « grand public » si l'on veut garder face à nous des élèves et non des lanceurs de pierres.



Des questions, des échanges.

L'origine de l'enfant, en particulier la prise en compte de sa langue maternelle (ou sa non prise en compte) par l'institution scolaire a-t-elle à voir avec la « création » d'enfants empêchés de penser?

Serge Boimare préfère sortir des particularismes pour redéfinir les deux grandes causes qui génèrent ce type d'enfants :

* ce sont des enfants qui n'ont pas été assez sollicités dans l'interaction langagière dans les premiers mois et années de leurs vies (ce qui s'observe plus dans les milieux socio-culturels défavorisés, mais il y a quantités de cas d'exception)

* ce sont des enfants qui manquent d'initiation à l'épreuve normale de la frustration (ce qui s'observe dans tous les milieux socioculturels) soit par volonté de préserver ces enfants des difficultés d'un monde jugé trop hostile ou difficile, soit aussi par l'incidence de l'émergence des « nouvelles familles » dans lesquelles l'autorité est diluée .


Sur le Café :

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2005/[...]



Conférence d'Anne-Marie Jovenet , « Pédagogie et prise en charge des enfants en souffrance »


Peut-on imaginer que des élèves soient en souffrance alors qu'ils sont dans une classe et dans une école qui pratique la pédagogie Freinet? Et peut-on imaginer que cette pédagogie agisse sur des enfants qui viennent à l'école avec leurs souffrances personnelles, familiales, sociales dans leur cartable? Ça se saurait ! Ce que présentera A-M Jovenet, c'est d'abord la construction d'une recherche pour voir et comprendre quelque chose de la souffrance des élèves en même temps que des réactions des enseignants à cette souffrance...


Il y a des enfants en souffrance à l'école Freinet de Mons en Baroeul. Deviennent-ils pour autant des élèves en souffrance?


Ancrant les bases théoriques dans la psychanalyse, Anne-Marie Jovenet présente le cheminement de sa recherche.

Elle expose la naissance de ses questionnements personnels, leur évolution, liée à ce que lui ont apporté les entretiens réalisés avec les enseignant-e-s, avec les enfants de l'école Helène Boucher, et les comparaisons avec ceux des enfants d'autres écoles.

Au bout de cette première étape de recherche, il apparaît que les enfants en souffrance ne sont pas pris en charge d'un façon particulière ...


Les prémices des questionnements ...


Comparant l'attitude d'enfants de l'école de Mons, et d'autres écoles comparables, un premier élément déclenche le questionnement de la chercheuse :

Deux camescopes filment les enfants : un pour leurs mains, l'autre pour leur regard. Ils doivent dessiner et manipuler des bout de bois pour réaliser le plus de figures symétriques possibles.

Les enfants de l'école Freinet osent dire « je ne sais pas », reformuler, demander d'autres explications. Les enfants des classes classiques ne montrent pas beaucoup d'enthousiasme; ils se contentent d'une seule réponse.


Il apparaît que les élèves en difficulté issus de l'école Freinet ne semblent pas en souffrance. Alors que les élèves des autres écoles, même s'ils ne présentent pas de difficulté ne semblent pas éprouver grand plaisir à cette situation scolaire.


Les entretiens avec les enseignant-e-s


La question ouvrant les entretiens était : « comment percevez-vous ces enfants-là ».

L'enjeu est de chercher quelles sont les explications, les interactions entre la souffrance de l'enfant et les difficultés scolaires. La souffrance est-elle compatible avec la réussite scolaire. Comment faut-il considérer la souffrance de l'enseigant-e, impuissante face à celle des enfants de sa classe? Quelles pratiques d'enseignement va-til/elle mettre en place pour tâcher de prendre en compte cette souffrance.


Les entretiens avec les enseignant-e-s ont permis la formulation de nouveaux objets de recherche.


Les entretiens avec les enfants


De très nombreux entretiens ont été conduits avec des enfants ayant changé d'école au cours de leur cursus scolaire.

Les changements d'école pouvant être dûs à un déménagement (changement non seulement d'école, mais aussi de quartier, de copains, ...); à une situation de souffrance dans l'ancienne école (tabassage de l'enfant lui-même ou d'un membre de sa fratrie); à une stratégie scolaire des parents. Lors de ces entretiens, les enfants disent comment ils vivent leur souffrance, et se questionnent sur ce qui leur arrive.


Anne-Marie Jovenet distingue quatre catégories d'enfants en souffrance :

* l'enfant se trouve devant un « pourquoi ». Exemple d'une petite fille que la mère ne peut parfois pas venir chercher, et qui attend, jusqu'à rentrer seule passé un certain délai. Incertitude quotidienne, sans explication.

* l'enfant pose une question mais n'obtient pas de réponse; il est une chose ignorée, marquée par la honte (les tabous de l'alcoolisme, de l'incarcération, ...)

* l'enfant pose une question et obtient une réponse fausse

* l'enfant pose une question, obtient une réponse vraie. Celle si peut être une source de souffrance; mais permet de reconnaître la souffrance même si on ne sait pas pourquoi on souffre.


Si l'on replace les enfants dans leurs écoles respectives...


A l'école Freinet, dans leur vie d'ELEVES, les enfants ne sont jamais devant un « pourquoi ». La construction collective des règles, les pratiques de travail ne cèdent pas de place au « pourquoi ». L'élève trouve des réponses à SES « pourquoi »; s'il n'en trouve pas, l'adulte dit pourquoi il ne peut pas répondre.

Les « pourquoi » de la vie ordinaire ont droit de cité; les enfants ont les moyens de savoir pourquoi certaines choses sont possibles et d'autres non; et cette possibilité est transférable au reste de la vie d'enfant. L'enfant peut chercher, pour lui, les raisons d'être d'événements douloureux. Il est libre, de faire des choix, de reconstruire son unité intérieure.


dans cette école de Mons, il n'y a pas de prise en charge des enfants en souffrance. Mais l'enfant a le droit de chercher et de se reconstruire. Ailleurs, les souffrances restent dans le domaine du refoulé, et envahissent donc le présent.



Au bout de ce cheminement, Anne-Marie Jovenet considère que ce sont les réponses d'ordre pédagogique, le travail de la classe, le travail collectif, qui permet à l'élève de se reconstruire. L'enseignant-e n'entreprend pas de démarche interindividuelle.


Pour exemple, deux discours s'opposent : celui d'un maître de Mons : « la petite est en souffrance familiale... Elle aime bien l'école »; et celui d'une maîtresse classique : « ça ira mieux quand elle aura compris que... ». Pour Anne-Marie Jovenet, la différence réside dans le fait que l'enseignant en pédagogie Freinet de projette rien sur l'enfant en tant qu'enfant; il n'exprime pas de volonté pour que l'enfant change, que la famille change. IL n'apparaît pas que l'enfant doit être « traité » dans son milieu familial pour pouvoir devenir élève. L'enfant en souffrance peut être élève, comme un enfant sans souffrance.


Lors de la discussion qui s'ensuit avec la salle, Anne-Marie Jovenet insiste sur la non -importance du maître dans l'école Freinet de Mons. La relation interindividuelle importe peu; l'attitude des enfants de « plaire au maître » pour conserver/acquérir sa bienveillance ne se rencontre pas. Les enfants parlent bien davantage de leurs relations entre eux.


Se pose également la question de la place du RASED dans une telle équipe, avec de tels fonctionnement. A Mons, il est apparu que plus les intervenants prenaient en charge les enfants hors classe, ou étaient peu au fait de ce type de pédagogique, plus ils se sentaient exclus de l'école.

Par ailleurs, l'intervention hors classe est posée; ainsi que la question du collectif, du petit groupe : il n'est pas si évident de transférer en grand groupe les compétences acquises en petit groupe.


La question de la reconnaissance au sein du grand groupe passe par le fait que chaque enfant est responsable de tout lem onde grâce au changement de rôle pour tous, élèves comme enseignant-e. Il n'y a pas de sens unique dans les relations. Le changement de rôle participe de la construction du collectif.


Sur le café:

Des écoles Freinet sur la loupe de l'Université :

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/86_ICEM_Des[...]



Au hasard des ateliers :


Dans ces temps d'échanges, le cas pratique permet d'expérimenter la théorie...


1/ « Littérature de Jeunesse : quelle littérature au service de la diversité? » avec Chantal Balthazard (IDEM 44) et Lucie Desailly (IEN) formatrices à l'IUFM des Pays de Loire.


L'atelier se proposait de réfléchir et d'échanger sur les  médiations qui engagent les élèves dans leur diversité, à se construire un projet de lecteur.

Partant de l'exemple des élèves « à besoin éducatifs particuliers », réussir à accéder à un corpus adapté à tous, bâtir de la culture commune en somme.

Avec le support d'une vidéo reprenant une situation de classe : rituel de la lecture d'un album (toujours le même « Où est Spot? ») à deux enfants de 7 et 8 ans présentant des signes autistiques, on entrevoit comment la médiation d'un livre ouvre un espace culturel. On observe la posture de l'enseignante qui travaille avec ces enfants, aux premières lectures une table la sépare des deux enfants qui tournent eux-mêmes les pages du livre, elle se contente d'intervenir sur le plan langagier en lisant le texte ou mieux en le surjouant. La répétition induite par le rituel permettra au fil du temps de se rapprocher physiquement des enfants, voire d'interagir physiquement avec eux, dans le but de communiquer autour de l'histoire, ce qui était inenvisageable avec des enfants présentant de tels troubles au début de l'année scolaire.

Le livre (très basique dans sa structure) est questionné, fait-il partie de la grande famille de la littérature de jeunesse, est-ce vraiment un « album »? Y a-t-il un critère de qualité à respecter.

Le critère qui prévaut c'est le choix de l'enfant et bien sûr ce choix se fait cependant au sein d'une offre qui elle est du ressort de l'enseignant qui alimente lui-même sa BCD...Cette enseignante-ci a fait son choix : « Dans ma BCD rien n'est interdit »....Alors Spot a sa place, chaque matin, et par sa fréquentation instituée et ritualisée les enfants accéderont à d'autres types d'albums et entreront, chemineront en littérature.


Pour l'heure le public est nombreux, et captivé par un album découvert sur place : La plage magique, de Crockett Johnson, ed. Tourbillon, dont un scénario pédagogique d'exploitation en classe nous est soumis en direct live.

La salle est grande mais ne peut accueillir confortablement tous les participants intéressés, pas grave on supporte tout quand on est passionné !



2/Une séance de travail d'une classe de 6ème avec son professeur de français, Christelle Guillot.

Comme d'habitude dans leur classe, un élève introduit la séance par un exposé sur le sujet de son choix. L'orateur du jour, Maxence nous parle du tennis. Des images sont projetées à l'écran pour illustrer son propos. Il doit tenir 3 mn, y mettre le ton et bien sûr intéresser son auditoire. Au sein de celui-ci, au-delà du public nombreux du salon, quelques élèves ont une mission à remplir : l'une filme, l'autre chronomètre la prestation, une secrétaire prend des notes, une autre encore remplit une grille d'évaluation...

Au cours d'une deuxième étape, les élèves posent des questions


Après l'exposé, la classe analyse ensemble la prestation de l'élève à partir de la grille annotée par l'élève munie de la grille d'évaluation, dans une quatrième étape, la secrétaire synthétisera le tout avant de demander à la classe la validation avant publication sur le blog.

Pour en savoir plus sur la démarche, consulter directement le blog ici :

http://www.weblettres.net/blogs/?w=lesmotsalab[...]


Il suffira de les observer travailler quelques minutes pour se faire un avis, ils sont enthousiastes et ça se voit! Christelle Guillot, passionnée leur a insufflé une motivation certaine pour les apprentissages, il le disent d'eux-mêmes, ils ont plaisir à venir en cours de français ....d'ailleurs ce mercredi après-midi, temps ordinairement consacré au loisirs, 18 élèves sur les 23 que compte la classe se sont déplacés accompagnées de 3 mamans aussi convaincues de l'épanouissement de leurs enfants.

On peut consulter le blog de Christelle « Les mots à la bouche », sur weblettres:

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=lesmotsalab&e_id=5548

Le 3 mn de Maxence est en ligne :

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=lesmotsalab&e_id=5666


N.B, dernière minute. : le blog Les mots à la bouche récompensé trois jours plus tard au forum des enseignant innovants à Rennes :

http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forumdesenseign[...]



3/ La place du jeu.

Un groupe de travail de l'IDEM 44 a approfondi la question tout au long de l'année. Ses membres ont cherché à comprendre la distinction établie par Freinet entre travail-jeu et jeu-travail.

En résulte que par les jeux qui consistent à imiter le travail des adultes (jeux d'imitations, soins aux animaux, jardinage, cuisine etc) les enfants construisent des apprentissages et les réinvestissent, ils travaillent donc...et que lorsqu'on utilise comme supports d'apprentissages des outils que l'on peut par ailleurs appeler « jeux » il ne faut pas au sein de la classe leurrer les enfants mais leur dire qu'effectivement ils sont en situation de travail : en jouant au nain jaune, aux dames, aux dominos ils travaillent....Mais alors ils travaillent tout le temps?

Ben oui, mais dans le plaisir!


Les échanges entre participants montre que parfois le support du jeu n'est qu'un prétexte finalement, il permet bien d'autres finalités que le plaisir du jeu, soyons clairs sur nos objectifs au sein de la classe...Et en dehors : dans la cour offrons à nos élèves de quoi mener des activités « décompensatrices », de quoi créer, patouiller : des coins terre, eau, sable, des petits bâtons pour trifouiller le sol, etc de quoi s'occuper pour ne plus avoir à recourir aux querelles stériles qui mènent aux comportements violents.


4/ Parcours en pédagogie Freinet « Vers l'autogestion ».

Jean Le Gal (IDEM 44), docteur en sciences de l'éducation, responsable des droits de l'enfant à l'ICEM recontextualise une lutte du mouvement Freinet : contre l'instruction civique et morale, pour une éducation à la citoyenneté. Il démontre comment la première, pourtant sous les feux de l'actualité, est rétrograde.


Les échanges avec les participants sont emprunts de cette obligation qu'ont les fonctionnaires à se soumettre à leur autorité hierarchique. Comment faire pour résister, aurons-nous besoin de résister, la force d'inertie du milieu enseignant suffira-t-elle à ne pas s'embrigader dans ce mouvement réactionnaire (chacun-e continuant sa cuisine personnelle dans son coin?), quelles pressions sur le corps enseignant émergent-elles déjà? A quelle loi se soumettre? Comment appliquer ces nouveaux programmes qui rétablissent les maximes? Quelles maximes choisir? « Bien mal acquis ne profite jamais »? « Ma liberté s'arrête là où commence celle de l'autre »? Point toute s'insurge un prof de segpa, ma liberté doit s'articuler avec celle de l'autre afin que nous vivions ensemble...

Les exemples fusent, l'ironie pointe, les sourires se dessinent face à l'absurdité de la situation: le droit dit : « Nul ne peut être puni pour un tort qui ne porte préjudice qu'à lui-même », comment appliquer cette règle du droit en classe? Un élève qui dort sur sa table, il ne porte préjudice qu'à lui!...


Des préoccupations très pratico-pratiques sont soulevées aussi, au sein des classes Freinet il a été fréquemment dit durant ces deux jours que l'une des règles de fonctionnement consiste à ne parler qu'en chuchotant afin de garantir des conditions d'écoute satisfaisantes pour tout le monde et ainsi garantir le droit d'apprendre de tout un chacun dans de bonnes conditions. Une prof de collège s'interroge, « comment faites-vous au primaire pour que les élèves construisent cette règle? J'enseigne les langues, je mets en place des situations de dialogue dans ma classe où les élèves sont amenés à se lever dans la classe afin d'aller échanger avec un autre...Et déjà il faut pour réussir cela, lutter quelques semaines pour que les élèves fassent leur cette règle de fonctionnement qui en début d'année peut les déstabiliser: avoir le droit de se lever pour discuter n'est pas dans leurs habitudes!


Au cours de ces séances où les élèves sont actifs, très vite le volume sonore est insupportable et si je veux discuter en relation duelle avec un élève, je ne dispose pas de conditions me permettant de travailler correctement. Quand j'en parle avec les élèves, eux me disent que non ça ne les gène pas....comment faire pour qu'ils comprennent que ce brouhaha nous empêche pourtant de travailler correctement? ».


On resitue la place de l'enseignante comme partie prenante du groupe, donc elle a son mot à dire si ce bruit la dérange, d'autre part elle peut exiger dès la mise en place du cadre en début d'année que cette règle soit appliquée, mais doit ensuite s'acharner à la faire respecter....

Au sein de cet atelier, on tâtonne ensemble, les exemples fusent, des expériences sont relatées, on coopère pour chercher ce qui peut permettre aux élèves d'exercer leur citoyenneté, ce qui leur permet de s'auto-organiser.


L'esprit militant domine, il s'agit bien de résister en premier lieu à l'aberration de ces « nouveaux » programmes en matière d'instruction civique et morale.


Lucie Gillet

 

 

Liens :

Le programme

http://www.icem-pedagogie-freinet.org/travail-cooperatif/espace_o[...]



Par lucieromanegillet , le mardi 01 avril 2008.

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