La politique ministérielle et gouvernementale expliquée.
« En matière de justice sociale on ne peut pas faire plus important que les dédoublements ». Présentant les mesures de rentrée, JM Blanquer a fait du social le fil conducteur de son intervention cet argument passant dorénavant avant celui du « pragmatisme ». Moins surprenant, parce qu’il avait agi de même entre 2010 et 2012, le ministre a vivement défendu la multiplication des évaluations les présentant comme des modèles scientifiques enviés du monde entier et déclarant vouloir en finir avec « le venin de l’angoisse des évaluations ». L’année scolaire verra aussi de nouveaux programmes en maternelle avec des repères annuels et tout un enseignement de la langue. Là aussi ça rappelle la période d’avant 2012…
« Nous ne ralentirons pas ». Dans Ouest France et dans un communiqué officiel, le premier ministre confirme l’accélération du rythme des réformes éducatives. Le premier ministre affirme vouloir faire « de profondes transformations, pas de petites économies ». Mais en fait il prolonge le gel salarial et annonce des suppressions de postes dans le second degré, alors que le nombre d’élèves augmente. La prime de Rep+ sera bien donnée en fonction des résultats des élèves. Le mouvement se heurtera à un nombre accru de postes à profil.
Après des années de forte croissance depuis 2012, le budget de l’Education nationale devrait connaitre une quasi stagnation dès 2019 et ce sur plusieurs années. Ce qui équivaut à une baisse relative compte tenu de l’inflation. C’est un des enseignements qui résultent des premiers documents de la loi de finances 2019 qui viennent d’être dévoilés devant le Parlement.
« Nous assumons une politique de transformation et de maitrise des dépenses qui privilégie la rémunération de l’activité ». Dans un entretien donné au Journal du Dimanche le 26 août, Edouard Philippe présente les grandes lignes de la loi de finances 2019. Elle est marquée par de nombreuses suppressions de postes dans la fonction publique, la baisse des retraites et en conséquence la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires.
Le paysage scolaire change. On le savait depuis la laborieuse publication du budget. L’année 2018 rompt avec un quinquennat de créations de postes. La nouvelle carte scolaire, présentée le 20 décembre, montre que, presque partout, il faudra de grands efforts pour adapter le nombre de postes d’enseignants aux besoins. Les créations de postes dans le premier degré ne suffiront pas à faire face aux dédoublements voulus par le ministre. Dans le second degré c’est pire : les rares ouvertures de postes sont compensées par des fermetures dans d’autres académies. Certaines académies semblent particulièrement visées comme Caen et Rouen. Est-ce parce que ces académies expérimentales annoncent l’avenir ?
Les « projets d’ajustement et de clarification » des programmes de la scolarité obligatoire ont été publiés fin juin par le Conseil supérieur des programmes. Ils ont ensuite été présentés au Conseil supérieur de l’Education du 12 juillet où ils ont été salués par un geste unique des syndicats : à l’exception du Snalc, de la CGC et du Snpden, tous les autres syndicats ont quitté la séance. Mais pourquoi ?
« On va établir pour chaque élève à chaque moment un état des lieux de ses forces et de ses besoins. C’est le sens des évaluations auxquelles je fais référence ». Dans son discours de Ludovia, le 21 août, le ministre de l’éducation nationale est revenu sur la place qu’il entend donner aux évaluations nationales mises en place à la rentrée 2018. JM Blanquer répond ainsi à une promesse électorale du président de la République. Mais il leur donne une place plus grande. Pour lui, ce sont elles qui doivent piloter la pédagogie, leur exploitation permettant de déceler les difficultés des élèves et d’ordonner des pratiques pédagogiques.17 ans après les Etats-Unis, la France pourrait basculer dans le pilotage par les résultats. Une vision de l’éducation qui est pourtant très critiquée.
« Il existe des principes d’évaluation des compétences scolaires plus favorables aux apprentissages que ceux trop souvent en vigueur dans l’école française ». Avec ce nouveau livre (Les pratiques d’évaluation scolaire, PUF), Pierre Merle propose une véritable synthèse sur l’histoire et les différents types d’évaluation. Il montre aussi que l’évaluation évolue dans l’école française au bénéfice d’une évaluation formative plus adaptée aux besoins des élèves. Surtout il nous fait découvrir beaucoup de choses sur les différents types d’évaluation et leurs effets sur les élèves et les correcteurs. Des effets qui posent notamment la question de la « note juste ».
En annonçant début juin 2018 que les concours d’admissibilité des enseignants auraient lieu au niveau de la licence (L3), JM Blanquer fait bien plus que prendre une mesure technique. C’est le statut des fonctionnaires stagiaires et peut-être à terme celui de tous les enseignants qui pourraient être modifiés.
La Cour des Comptes rend public le 4 juin un référé envoyé le 12 mars aux ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sur les écoles de formation des enseignants (ESPE) et la réponse des ministres. La Cour demande une « rationalisation » de l’offre de formation avec mutualisation inter académique et le développement de la bivalence chez les enseignants. Mais on retiendra surtout la demande du report en L3 des épreuves d’admissibilité des concours d’enseignants. Dans leur réponse, les ministres confirment qu’ils vont changer les concours pour mettre les épreuves d’admissibilité en L3. La question de la rémunération des futurs enseignants va se poser dans de nouveaux termes.
Le 4 juin, en réponse à un référé de la Cour des comptes, les ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont annoncé que les futurs enseignants seraient recrutés par des épreuves d’amissibilité en fin de L3 comme la Cour le souhaite. Les épreuves d’admission seraient placées « en M1 ou en M2 ». « L’annonce ministérielle va reposer la question de la rémunération des futurs enseignants », écrivions-nous. « Peut on étendre d’une année la formation avec une épreuve d’admissibilité passée en L3 et ne prendre en charge le futur enseignant que sur une année ? » C’est sur cette question que nous invitons le lecteur à nous suivre. L’enjeu , on le verra, va bien au-delà de la rémunération des stagiaires et touche à l’avenir de l’Education nationale.
La question est un peu provocante. Mais elle se pose après la décision de porter en L3 les épreuves d’admissibilité des concours enseignants. Le 6 juin le Café pédagogique a expliqué que cette décision alignerait le fonctionnement de l’éducation nationale sur celui de l’enseignement privé sous contrat. Les professeurs du privé reçus au concours doivent trouver un établissement d’accueil qui valide leur concours. Alors poussons encore un peu plus loin la réflexion. Dans ce cas, à quoi sert le concours ?
Il y a ceux qui s’attaquent au statut de la fonction publique. Et il y a ceux qui s’obstinent sur celui des seuls enseignants. Au Sénat, le 30 mai, sous couvert de suivre l’évolution des contractuels, enseignants et non enseignants, la Commission des Finances du Sénat, dominée par Gérard Longuet (LR), et la Cour des comptes ont lancé des banderilles sur le statut des enseignants. Ils ont ainsi amené le ministère à évoquer ses actions pour modifier les obligations de service et ses pratiques pour la gestion des contractuels. L’autre sujet c’était le devenir des élèves handicapés dont l’évolution est jugée préoccupante.
Et de trois. Le ministère de l’Education nationale publie le troisième rapport en moins de six mois sur l’organisation territoriale de l’Education nationale. Particularité : cette fois ci il ne s’agit pas de donner des idées générales sur la territorialisation mais d’organiser concrètement le passage de 26 académies métropolitaines à seulement 13 en fixant les étapes. Ce nouveau pas organise l’application des idées du ministre et fixe l’horizon 2021 pour la disparition des académies actuelles. Le rapport de l’IGAENR met au centre de ses préoccupations la fusion de la gestion des personnels avec tout ce que cela comportera pour les enseignants par exemple en ce qui concerne leur affectation.
Dans un nouveau document proposé aux syndicats le 25 mai, le ministre de l’action et des comptes publics envisage la suppression des instances paritaires des fonctionnaires, notamment ceux de l’Etat. Ce sont ces instances qui sont légalement consultées sur l’avancement et les mutations par exemple. Leur suppression permettrait, selon le ministre, d’alléger la gestion des personnels, de permettre une gestion locale et de récompenser le mérite individuelle. Trois jours après une grève et une manifestation qui n’avaient pas fait le plein , le gouvernement envisage de supprimer les fondements mêmes du statut des fonctionnaires. Ceux ci sont maintenant au pied du mur. La FSU appelle dès maintenant « les agents à réagir à cette attaque frontale contre leurs droits ».
« L’heure est grave pour la fonction publique ». Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, première fédération de l’éducation nationale, revient sur le document ministériel remis le 25 mai aux syndicats et les menaces sur le paritarisme. Elle envisage les réponses à apporter.
« Baisser structurellement le poids des dépenses publiques, de 2 à 3 points de PIB sur cinq ans, n’a rien d’inatteignable : Italie, Belgique, Danemark et France exceptés, tous les pays européens y sont parvenus au moins une fois au cours des vingt dernières années », estime France Stratégie dans une nouvelle étude. Certes, l’organe de réflexion du gouvernement estime qu’il n’y a aucun modèle à suivre. Mais tous les exemples donnés invitent à réduire la masse salariale de la fonction publique en commençant par la dépense d’éducation. Des analyses commandées par le premier ministre et qu’il pourrait bien entendre.
C’était en un temps déjà ancien. François Hollande était président. Najat Vallaud-Belkacem était ministre de l’Education nationale et elle encourageait les dispositifs de mixité sociale afin d’en finir avec les collèges-ghettos. Dans le cadre du renouveau en marche, on s’est demandé ce que devenaient ces dispositifs. On a cherché, cherché, cherché..
Prononcé à l’université d’été de Ludovia le 21 août, le premier discours de JM Blanquer sur le numérique marque la rupture avec la politique menée sous le gouvernement précédent. Le ministre s’engage dans une politique de protection des données personnelles des élèves avec la nomination d’un Délégué à la protection des données en la personne de Gilles Braun. Il annonce aussi son intention d’exploiter les données des évaluations nationales grâce à de nouvelles applications financées par le PIA, un programme lancé par le gouvernement précédent. JM Blanquer a mis en avant également l’enseignement de l’informatique dans le lycée réformé. Pour le reste, tout le secteur de l’EdTech est mis à la diète. JM Blanquer promet des expérimentations à intervalles réguliers. Les collectivités locales sont invitées à utiliser les outils numériques des élèves (le BYOD) plutôt qu’acheter des tablettes. Les smartphones seront interdits mais sollicités en classe…
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