Le 3 mars a été promulguée une loi qui crée le délit de harcèlement scolaire et le punit de lourdes peines : suffit-il cependant de judiciariser pour régler un problème qui relève de la pédagogie ? En voici un exemple, proposé par Jenny Morère, professeure de français au collège du Plantaurel à Cazères (Haute-Garonne) : elle a conduit ses 6es à concevoir, écrire et publier un joli recueil collectif de fables contre le harcèlement. Morale des élèves : « Ce n'est pas parce qu'on est différent / Qu'on n’est pas intéressant. » Morale de l’enseignante : « Parler du harcèlement, le dénoncer, c'est refuser d'être la fable de quelqu'un. Et lutter en écrivant une fable, c'est faire un joli pied de nez et choisir le chemin de l'intelligence pour argumenter en divertissant. » Eclairages sur un beau projet de citoyenneté créative : par le travail de l’écriture, il vient fortifier estime de soi, sentiment d’appartenance, conscience que "les mots ont du pouvoir et peuvent être utiles aux autres"

« Cris » est un roman de Laurent Gaudé qui tisse les monologues intérieurs d'une dizaine d'hommes au front de la Première Guerre mondiale. Comment vivre plus intensément cette expérience de lecture et enrichir sa perception de la guerre ? Comment faire résonner les voix de l’œuvre, en soi, pour les autres, ici et aujourd’hui ? Au collège Pablo Picasso de Montesson, Harold Richer, professeur documentaliste, et Lionel Vighier, professeur de lettres, ont amené leurs 3èmes à adapter le roman en fiction radiophonique en 9 épisodes, scénarisés, écrits et enregistrés par les élèves. Consigne : faire parler un personnage qui ne parle jamais dans le texte ou un personnage à un moment où il ne parle pas. « Cris étouffés » s’avère un projet d’écriture audio, immersive et interventionniste qui travaille bien des compétences, jusque d’empathie …

Ce matin-là, à Héricourt en Haute-Saône, des 3èmes sont convoqués à une réunion spéciale. Des spécialistes en Sciences de l’Education viennent recueillir leur avis sur la future réforme du collège : un salaire au mérite pour les élèves, une évaluation permanente grâce à une application numérique… Fausse réunion, l’imposture finit par se dévoiler : elle conduit les élèves à une réflexion collective sur la mécanique du faux et les techniques de manipulation, elle se prolonge par un travail de recherche et de création autour des infox, elle développe esprit critique et vigilance. Quoi de mieux que l’illusion théâtrale pour révéler le théâtre de l’illusion que sont devenus internet et les médias ? Claudia Corini, professeure de français, témoigne sur ce travail d’équipe …

« L'intelligence artificielle » (IA) évoque les prouesses de technologies capables d’imiter l'intelligence humaine. Elle nourrit bien des fantasmes dans les récits de science-fiction ou les essais philosophiques : peut-elle devenir un sujet de réflexion en classe ? C’est l’enjeu d’une séquence menée en 3ème par Laïla Methnani, professeure de français au collège de Faverges en Haute-Savoie. Au menu : exploration d’une fiction radiophonique inspirée d’une nouvelle d’Alain Damasio, écriture de variantes, mises en voix, échanges avec un robot conversationnel, atelier d’écriture via un programme d’IA … Et au final, par-delà les compétences travaillées, une distance critique des élèves sur leur relation à leur smartphone ou leur maîtrise de leurs données personnelles. Eclairages de l’enseignante …

Peut-on donner de l’air à un enseignement du français au lycée que le bachotage rend étouffant ? Peut-on donner du sens à des épreuves du bac qui semblent n’avoir d’autre finalité qu’elles-mêmes ? A Montpellier dans le quartier populaire de La Paillade ont collaboré en ce sens Nourdine Bara, auteur et animateur du projet « Cours dehors », et Marie-Hélène Gosse, professeure de lettres. Principe de « Cours dehors » : un groupe déambule dans la ville et au fil de son parcours rencontre 5 invité.es pour échanger sur un thème donné. Adaptation Epreuves Anticipées de Français (EAF) : le groupe rencontre 5 élèves qui présentent le livre choisi dans la 2ème partie de l’oral et s’entretiennent avec les marcheurs et marcheuses du quartier. Un dispositif inspirant pour travailler la prise de parole, donner un réel destinataire à la lecture, favoriser la mixité sociale et culturelle : et si on déconfinait le bac lui-même ?

« Je souhaite que mes élèves aient un rapport doux avec ma matière » : tel est le vœu d’Amandine Micault, professeure au collège Le Mont des Princes » à Seysell en Haute-Savoie. Préférer le plaisir d’apprendre à l’angoisse de réussir : ne serait-ce pas le vœu de nombreux élèves ? Amandine Micault nous livre quelques clefs de son travail en ce sens : un cahier annuel d’écrivain en 6ème, des sujets d’écriture créative donnés chaque semaine, une grande importance accordée à l’image et au visuel jusque dans le travail de la langue, la mise en œuvre d’un climat et d’un espace bienveillants … Avec comme moteur et comme récompense, le bonheur de l’enseignante elle-même, portée par sa créativité, inventant des « façons détournées » de faire voyager ses élèves avec elle, « à la rencontre d'auteurs, de textes, de mots ».

Comment engager les élèves dans la lecture, collectivement et individuellement ? Peut-on imaginer pour cela d’autres voies que les traditionnels contrôles de lecture ou que les rituels quarts d’heures de lecture ? Au collège Didier Daurat à Mirambeau, pour vérifier l’appropriation par ses 4èmes de la nouvelle de Maupassant « La Rempailleuse », Aurore Delubriac a tenté la piste de l’escape game. En groupes, les élèves sont ainsi amenés à résoudre des énigmes pour témoigner de leur connaissance de l’œuvre et des notions travaillées au cours de la séquence. Le projet s’avère stimulant parce que fédérateur, vivant et ludique : transférable ? Eclairages et conseils de l’enseignante …

Professeure de français au collège Daniel Argote à Orthez, Marie Soulié partage sur son nouveau site « quelques idées pour engager les élèves dans la lecture »

« En épluchant un peu les résultats obtenus par mes élèves aux différentes évaluations académiques, j’ai pris conscience de leur grande difficulté en production d’écrit mais surtout du manque de progrès effectués. (…) J’ai donc décidé de consacrer des séances spécifiques à la production d’écrit pour redonner confiance et avancer étape par étape. En espérant que cela permette de dépasser certains blocages malheureusement bien tenaces. » Ainsi s’exprime sur son site « Segpachouette », enseignante en SEHPA depuis 5 ans.

Au collège André Boulloche à Bart dans le Doubs, les 6èmes de Benjamin Aubry ont réalisé des capsules vidéos autour de l’objet d’étude « Le Monstre, aux limites de l’humain ». Réalisé en fin de séquence, le travail constitue une démarche créative d’appropriation et de synthèse des connaissances.

Réaliser en 4 h un journal d’actualité de 20 minutes grâce aux tablettes numériques ? Défi collectif relevé par les 4èmes de Marie Dumaine, au collège André Malraux de Pontarlier, au terme d’une séquence sur le thème « Informer, s’informer, déformer ».

Au collège Les Acacias au Havre, les 3èmes d’Ophélie Jomat ont actualisé et enrichi le célèbre et toujours décapant « Dictionnaire des idées reçues » de Gustave Flaubert. Dans un premier temps, ils tirent au sort des définitions de l’ouvrage et doivent trouver le mot-entrée qui pourrait leur correspondre. Puis, ils tirent au sort des mots-entrées et doivent, à leur tour, inventer une définition. Enfin ils sélectionnent leurs meilleures définitions et en inventent encore quelques-unes pour les lettres manquantes afin de les publier dans leur « Dictionnaire des idées reçues du XXIème siècle ».

Au collège Paul Cézanne de Montrabé dans l’académie de Toulouse, Nathalie Debruyne et Chloé Poujade ont amené leurs 5èmes à réaliser un dictionnaire étymologique autour de mots utilisables dans différentes disciplines. En travaillant ainsi sur « les mots de la 5ème », les élèves saisissent combien le français est une langue latine et développent une meilleure compréhension du vocabulaire scolaire, qu’il soit transversal ou disciplinaire.

Au collège Dupleix de Landrecies, Peggy Bernadat, professeure de français, Guillaume Dreumont, professeure d’arts plastiques, et Damien Gete, artiste plasticien, ont amené des 3èmes à réaliser leur autoportrait de plâtre et à les éclairer par l’écriture de poèmes.

Le lundi 14 mars, l’obligation de porter le masque en classe est levée. La possibilité de se démasquer génère des espoirs (adieu étouffement et bâillonnement, bonjour expression orale et communication non verbale), mais aussi des inquiétudes (risques sanitaires, malaise d’adolescents devant livrer à nouveau leur visage au regard des autres). Comment accompagner ce possible dévoilement collectif ?

Au cœur du théâtre : des conflits et des crises ? Au cœur des échanges en ligne : des clashs et de la haine ? Dans le cadre de leur projet i-voix, des 1ères du Lycée de l’Iroise à Brest ont abordé cette double question en reliant conflits littéraires et numériques pour en explorer les modalités et enjeux, traditionnels ou nouveaux.

Le site « Mémoires en jeu » propose des pistes pédagogiques et des propositions de séquences en donnant la parole aux témoins des grandes violences de l'Histoire et en donnant à réfléchir à la façon de transmettre ces voix. A explorer : des ressources autour de Svetlana Alexievitch, Robert Bober, Jan Karski, Joseph Bialo, Robert Antelme, Charlotte Delbo …

En février-mars 2022, « tous à la fenêtre » ? C’est la belle proposition des 2ndes du lycée professionnel Weil-Truffaut à Paris, de l’enseignante Thérèse de Paulis et de l’écrivain François Bon. Le projet fait advenir une écriture créative incluant vidéos (avec smartphones), textes brefs et enregistrements de la voix.

Au lycée Jacques de Vaucanson à Tours, les 1ères Humanités, Littérature et Philosophie de Claire Tastet ont lu le roman de Michel Jean « Kukum ». Sur une séance de 2 heures, ils ont créé, sur Genially, un musée numérique présentant les objets associés à un personnage.

Les programmes Blanquer du français au lycée ont restauré la vieille explication linéaire, autrement dit un exercice de soumission : du lecteur à l’auteur (dont il faut tenter de suivre le mouvement de l’écriture), de l’élève à l’enseignant (dont il faut adopter le questionnement et les analyses). Comment faire pour que l’explication de texte préparée par l’enseignant.e à son bureau ne soit, quasi mot pour mot, l’explication de texte récitée par l’élève à l’oral de l’EAF ?

Le 28 janvier, le ministre réduisait le nombre de textes pour l’oral de français au bac de 20 à 16 en voie générale et de 12 à 9 en voie technologique. Au cœur des vacances de février, la Foire Aux Questions du ministère est venue en ligne et en douce modifier certaines injonctions : dans la voie technologique, pour l’objet d’étude « Littérature d’idées », on exigeait « au moins 3 textes extraits de l’œuvre choisie et 1 texte pour le parcours », on exige désormais « au moins 3 textes dont 2 extraits d’une œuvre étudiée et 1 texte pour le parcours ». Un détail ? Pas pour les professeurs de français transformés en comptables, découvrant qu’une fois de plus les règles du jeu sont changées en cours de partie, contraints de modifier à nouveau leur programme de travail.

Interlignes, la revue des PLP Lettres-Histoire de l’académie de Versailles, propose aux enseignant.es de toutes les académies de participer à son Rendez-vous 2022. Il portera sur les « Pratiques de l’oral au lycée professionnel » et se déroulera par visioconférence le jeudi 12 mai 2022 de 16h à 18h. Avec Claudine Garcia Debanc, professeure des universités en Sciences du langage, interviendront des PLP lettres-histoire : Séverine Logereau présentera ses « ateliers spécifiques pour travailler sur le corps et la voix », Sophie Vittecoq proposera « l’analyse chorale et le théâtre d’objet pour apprendre à mieux parler », Séverine Albert montrera comment « l’oral questionne les ségrégations spatiales ».

Le numérique produit une « déstabilisation des espaces lettrés et savants » (Milad Doueihi). Et si ce désordre dans les apprentissages et les savoirs invitait non pas à une crispation identitaire et rétrograde, mais à un défi stimulant : réconcilier les cultures littéraire et numérique pour les revitaliser l’une l’autre ?

Sous la direction de Magali Brunel et Sébastien Hubert parait un ouvrage collectif : « Lire les œuvres littéraires au collège ». Essentiel et urgent ? Comme le rappelle Gérard Langlade, « pendant plus d’un siècle – pour aller vite, des Instructions Officielles de 1880 à celles de 1987 -, l’enseignement de la littérature a privilégié la lecture et l’étude d’extraits, sous la forme canonique de l’explication de textes » : il s’agissait de donner à admirer « les belles pages » d’un livre ou d’un auteur en tant que « modèles rhétoriques, esthétiques et éthiques ». C’est cette tradition désuète qui a fait son retour avec la réforme idéologique Blanquer des programmes de français au lycée.

Dans le monde internet, l’Ecole tend à réprouver la « copie » : parce que celle-ci brouille les cartes de l’auctorialité ? parce que s’y joue une nouvelle étape de « la mort de l’auteur » ? parce que l’Ecole elle-même y perd de son autorité ? Pourtant, la pratique de la « copie » est au cœur de nos traditions : prise de notes, citation, version, imitation, contraction, synthèse… Surtout, elle articule des compétences essentielles, donc à acquérir : rechercher, sélectionner, citer, sourcer, paraphraser, reformuler, relier, mixer, transformer, recréer, diffuser… Le nouveau numéro de la revue « Recherches » invite ainsi à dépasser la stigmatisation du plagiat pour travailler les bonheurs de l’intertextualité et de l’innutrition. Les pistes proposées et analysées sont variées…

La 24ème édition du Printemps des poètes a lieu du 12 au 28 mars 2022 sur le thème de « L’éphémère ». Parce que la succession de crises nous pousse à « ne pas attendre à demain », à « questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la plus secrète, la plus inouïe de nos existences » (Sophie Nauleau) ? De nombreuses actions sont programmées tout au long de la période.

Des enseignant.es utilisent d’ores et déjà le jeu vidéo comme support pour des apprentissages variés, mais peut-on en faire un objet d’enseignement en soi ? Professeur de français à Liège, docteur en infocom, Gaël Gilson partage en ligne son intéressante thèse sur le sujet.

« Les événements tragiques qui marquent notre actualité nous incitent à rendre hommage à ceux qui aujourd’hui sont pris dans la guerre et combattent avec un courage indicible pour leur liberté, notamment en Ukraine. » Le site Odysseum propose de faire résonner l’actualité avec l’Antiquité pour y retrouver de lointaines expériences de la guerre et du tragique, le sens de la désolation et de la résistance héroïque, la question de la confiance en l’humanité.

« Comment les enseignants aménagent-ils leurs enseignements pour laisser aux élèves le temps d’élaborer les productions nécessaires à leurs apprentissages et à leur développement de sujets ? Comment articulent-ils l’analyse de ce tissu langagier labile, difficile à saisir, et l’étayage patient des reformulations ? Comment accompagner et orienter le travail du langage en français, certes mais aussi dans les autres disciplines : quelle organisation pour le maitre ou pour l’équipe enseignante ? » Le mercredi 9 mars de 17 h 30 à 19 heures, l’Association Française pour l’Enseignement du Français (AFEF) propose en ligne présentation d’expériences et échanges.

"16% des jeunes n’aiment pas lire ou détestent lire", déplore le Centre national du livre (CNL) en se basant sur un sondage Ipsos. "Le décrochage de la lecture à l’adolescence est toujours bien présent et réel.