Le blog du Forum des Enseignants Innovants et de l'Innovation Educative 2013
Les fils de la sérendipité

Impressions de forum sur la route du retour lorsque la fatigue submerge de sa vague anesthésiante les émotions et les images, les mêlent dans un tableau pointilliste où chaque couleur devient partie de l’autre et ensemble du tout. En se haussant sur l’escalier de l’Hôtel de Région, on avait une vue plongeante sur les panneaux du forum. Dans l’avion du retour, au dessus de la mer de nuages, je me souviens de cette floraison de projets, ce mouvement perpétuel des idées et des paroles.

Je me souviens aussi et surtout de l’atmosphère de bienveillance, d’une arène où le taureau ne serait jamais mis à mort, d’une salle d’écho où les sons discordants deviendraient harmonie. Alchimie des idées qui étrangères les unes aux autres n’en sont pas moins familières, différences des individus, de leur origine, de leur métier, de leur façon de le vivre et pourtant, tant de notes communes qui donnent au final aux branches foisonnantes de l’innovation un air de composition florale, de jardin tropical.

Chaque forum possède son ton, chaque forum voit germer une idée fédératrice, un fil rouge entre les panneaux hétérogènes dans la cour miraculeuse de l’ingéniosité pédagogique. Cette année sans doute, le droit de se tromper, d’expérimenter, de revenir en arrière et l’intelligence collective seront ces jolis fils que l’on ne se lasse pas de suivre. Le droit de se tromper, c’est oser, tenter des expériences, admettre l’erreur chez les élèves et admettre la sienne, désacraliser l’omnipotence du savoir pour entreprendre une marche ouverte à la découverte, à l’inconnu.

« Rendons-nous disponibles à l’inconnu » proclamait l’affiche du formidable projet « Prof Lab » de Julien Gouriou. Ce slogan, qui pourrait être celui du forum, n’est pas un appel au n’importe quoi ni au n’importe commun. Il clame la nécessité de ne pas se conformer absolument au modèle ancien, au carcan qui cadenasse les œillères et empêche d’envisager les angles morts. Pour explorer sans se perdre, la nécessité d’un cap, d’un objectif s’impose. Pour l’atteindre, l’existence de voies multiples offre à l’apprentissage une liberté où chacun peut puiser pour trouver la clé des savoirs. Le forum montrait aussi cela : les enseignants innovants s’arment souvent de références scientifiques et pédagogiques pour construire un projet dont la solidité garantit d’autant mieux la réussite des élèves.

Apprendre à s’aventurer, à puiser dans l’intelligence collective les ressources pour élaborer et faire vivre son initiative : le forum a adopté la sérendipité. A l’approche de l’aéroport, l’amitié pédagogique gomme sur le thermomètre les degrés qui manquent au printemps. La sérendipité c’est cela aussi : saisir au vol les idées et poser les siennes dans l’arène apaisée des réflexions multiples, se souvenir à l’heure du retour que les fils déployés lors du forum restent intacts et s’enrichiront encore des échanges à venir. Le forum est une histoire de fraternité pédagogique qui est loin encore d’écrire le mot fin à son générique.

Monique Royer

Prof Lab : une invitation au doute et à l'intelligence collective

Et si un projet résumait à lui seul l’esprit d’un forum et ses promesses de suites ? Un panneau plein de post-it, un jeune enseignant qui raconte gestes à l’appui et le bouche à oreilles qui se propage. « Tu l’as vu Proflab ? Non ? Fonce ça vaut le coup, c’est génial ». Alors j’y vais.

Un prof d’anglais m’accueille dans la ronde des curieux, un large sourire fiché entre les oreilles « c’est mortel son truc ». Julien Gouriou, enseignant d’espagnol au collège Beaumont de Redon, élargit son cercle pour partager et expliquer encore et encore le fouillis apparent du Prof Lab, une invitation à laisser s’exprimer l’intelligence collective. L’idée de son projet lui est venue en échangeant avec un collègue philosophe. Comment partager l’innovation, comment développer une attitude réflexive face à des pratiques en classe ? Julien Gouriou est également formateur Tice. Entre ses deux missions il constate d’une part les changements des modes d’apprentissage induites par le numérique et d’autre part, la difficulté pour les enseignants à changer leurs pratiques en retour.

L’analyse, la construction collective et le partage sont pour lui les plus surs moyens d’évoluer ensemble, en amenant sa part de doutes et son once d’innovation. L’éducation 2.0 est un chantier méritant une mobilisation de toutes les énergies libre et spontanée pour nourrir la réflexion des acteurs de terrain. Avec le numérique, le concept même d’autorité est chamboulé, la relation avec les autres emprunte de nouvelles voies. Le constat posé, la question reste entière. Comment enseigne-t-on désormais ? Comment ne pas subir les failles dans ses cours que les élèves détectent et les analyser plutôt renforcer ses pratiques. Julien Gouriou prône une pédagogie de l’évènement, la recherche d’un déclic qui permet d’explorer, de comprendre ce qui motive à changer son enseignement. Et quoi de mieux que l’intelligence collective pour accompagner, étayer cette exploration ?

Ses idées, il les a mises en application au sein de son collège en invitant ses collègues à choisir une « pédagogie de l’avenir » misant sur la capacité collective à inventer méthodes et dispositifs pour répondre aux nouveaux enjeux de l’éducation au sein de la classe. Ils ont ensemble défini un cadre commun pour laisser plus de souplesse à leurs pratiques, une ouverture nouvelle vers le doute et les solutions partagées. Le projet Proflab est devenu une association pour élargir la réflexion et le partage. Il emprunte les outils et les supports d’une culture numérique qui n’en finit pas de se déployer : le wiki pour rassembler les références, le co-working pour mutualiser les énergies et les moyens ; le hacking pour s’approprier, transformer et remettre dans le pot commun les innovations des autres ; l’open source pour s’affranchir des barrières. La sérendipité s’inscrit au fronton du Proflab pour laisser une chance au hasard de laisser émerger des solutions puisées dans l’intelligence collective.

L’invitation de Julien Gouriou à quitter la solitude de la classe pour inventer ensemble une façon d’enseigner version 2.0 trouve un écho dans les allées du forum. En passant d’un stand à l’autre, en puisant des idées dans les projets de l’enseignement primaire lorsqu’on enseigne dans le secondaire, en s’inspirant des expériences menées en sciences lorsqu’on est prof de langues, et puis surtout en échangeant au cours des ateliers, le forum des enseignants innovants n’était il pas un vaste Prof Lab ? Il reste là aussi à inventer une façon de laisser l’énergie des rencontres se prolonger, vivre et vivre encore après le forum, de donner aux idées venues du terrain une chance de se rejoindre, de se fédérer, pour faire de l’innovation au quotidien une construction collective de l’éducation d’aujourd’hui, de l’éducation de demain. Alors oui rejoignons tous le Prof Lab.

Monique Royer et photo de Laurence Juin

Proflab

La carte du projet

http://www.forum-nantes2013.net/upload/142/prof_lab.jpeg

Pour s’inscrire au projet

http://proflab.org/

Le mobile pour passeport vers les savoirs

L’histoire de Wapeduc pourrait être celle des technologies de la communication à la mode profitable, celle de la bulle numérique qui rime avec profit. Mais non l’histoire de Wapeduc est celle d’une idée géniale devenue idée généreuse, tout simplement parce que pour son initiateur, Philippe Steger, l’apprentissage se partage sans calcul.

Philippe Steger est enseignant en marketing et en gestion au lycée Jules Guesde de Montpellier. Philippe est aussi l’initiateur d’un projet précurseur : donner accès à des contenus sur les mobiles. Wapeduc nait en 2006, trop tôt, trop en avance, selon son auteur, et propose en premier lieu de réviser le bac en utilisant le téléphone portable. Pour développer son idée, Philippe demande une disponibilité qui lui est accordée par le rectorat. Il créé sa société, travaille avec un ami qui vient de créer sa start-up et démarre le développement de la plateforme. Le coût d’accès est modique avec un abonnement mensuel de deux euros. Les enseignants contributeurs sont rémunérés. Le modèle économique est cadré mais le bilan souligne le peu de profits.

Et puis le profit, bien qu’agrégé d’économie, Philippe Steger ne le scrute guère. Lors d’une présentation de son projet au forum des enseignants innovants d’Afrique de l’Ouest à Dakar en 2007, il mesure tout l’intérêt de son projet. Dans des pays où l’accès au numérique se heurte à l’insuffisance des infrastructures, le téléphone mobile peut devenir un moyen d’accéder aux contenus disponibles par un seul clic dans les contrées arrosées par le haut débit. Il revient de cette rencontre avec une motivation renforcée : celle de contribuer à l’émergence d’une véritable accessibilité aux savoirs par tous.

Au forum des enseignants innovants de Nantes, Philippe Steger parle de son projet avec effusion. Il passe du coq à l’âne, montre les tours et les détours d’une initiative pleine de ressources. Il noue des contacts avec les enseignants qui souhaitent contribuer à son modèle désormais totalement gratuit. Philippe a repris son poste d’enseignant au lycée Jules Guesde par goût pour le métier. Il poursuit et enrichit Wapeduc en intégrant constamment de nouveaux contenus. Il compte désormais des contributeurs de Madagascar, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, d’Asie du Sud-Est aussi. Il fait visiter la page consacrée à la santé, concoctée avec un médecin sénégalais, qui dispense des informations utiles sur les morsures de serpent, la fièvre jaune ou encore le paludisme.

Le projet Wapeduc n’en finit pas de grandir, s’enrichissant des contributions d’enseignants conquis par l’idée. Des points clés de cours, des QCM du collège à la terminale, des conseils pour l’orientation et la santé et désormais une version pour l’enseignement supérieur, les rubriques sont multiples pour faciliter les révisions et s’informer tout simplement. En s’inscrivant, les élèves peuvent recevoir un bilan régulier de leur activité et suivre leurs progrès.

Au forum, Philippe Steger ne venait pas chercher un prix. Il souhaitait tout simplement partager son expérience, nouer de nouveaux contacts. Et puis dit il, entre deux échanges avec des enseignants curieux, il est là aussi pour montrer que dans son établissement, maltraité par les classements de la presse, il se passe beaucoup de choses. Et là encore, il en parle avec passion : les élèves issus des quartiers populaires de Montpellier et leur réussite, l’ouverture internationale, l’utilisation du numérique et les publications en ligne..

Alors oui, Philippe Steger avec son Wapeduc aurait pu afficher une success story du numérique. Mais voilà, avant tout il aime son métier d’enseignant. Rien d’étonnant alors que sur le forum son stand soit pris d’assaut.

Monique Royer

Wapeduc

http://wapeduc.mobi/xhtml/

Hypokhâgne et innovation : un cocktail à goûter sans modération

La cravate arrimée au col de chemise, le parler choisi, Franck Thénard- Duvivier pourrait dénoter par un certain classicisme et pourtant … Franck Thénard-Duvivier amène l’innovation là où elle ne parait guère attendue : dans une classe préparatoire. Enseignant d’histoire, passionné de l’époque médiévale, il propose à ses 45 étudiants en première année d’Hypokhâgne du lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne un module d’initiation à la recherche en histoire et en histoire des arts.

L’initiative peut sembler banale elle mise toutefois sur un pari : celui de placer dans une situation d’autonomie des étudiants habitués à être strictement encadrés. En début d’année, les élèves choisissent un sujet. Il est ensuite négocié pour vérifier qu’il est adapté aux objectifs fixés. Les choix peuvent être surprenants comme celui de la musique sérielle : mis en perspective de l’environnement urbain, il est accepté. Les étudiants produisent un compte rendu de lecture puis un mini mémoire qui doit respecter les normes de la recherche scientifique. L’honnêteté intellectuelle est également évaluée en vérifiant que le texte produit n’est pas la copie d’une publication sur le Net. Franck Thénard-Duvivier suit chaque projet par un entretien trimestriel. L’exercice réclame du temps mais permet de veiller à ce que chacun atteigne l’objectif dans les conditions fixées.

Le mini-mémoire est soutenu devant un jury extérieur à la classe préparatoire du lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne. Les Amis du Musée d’Art Moderne de Saint Etienne contribuent en masse au jury qui reçoit un mois avant la soutenance le document. Les étudiants participant ensuite à un concours de posters scientifiques. La diversité des situations de communication permet de valider le C2i. Le module d’initiation à la recherche s’inscrit dans une démarche plus large incluant des cours, notamment d’informatique. François Arnal, présent l’an dernier au Forum d’Orléans contribue aussi au dispositif en travaillant sur les compétences numériques. L’initiative, en liant d’autres modules du cursus d’Hypokhâgne et des acteurs externes, ouvre la classe prépa vers l’extérieur. L’ouverture est soulignée par une publication numérique des travaux, apportant ainsi une trace pour le futur des travaux menés pendant les études.

Franck Thénard-Duvivier prône la rigueur scientifique et la quête du sens pour des études estimées souvent austères. Apprendre la méthodologie de la recherche en explorant un sujet choisi tout en validant des compétences, l’objectif emprunte à la fois des chemins structurés et la route plus aventureuse d’un sujet librement choisi. Développer l’autonomie, et miser sur la logique de compétences, le projet « Synergies prép@s » porte l’innovation sur un terrain peu exploré : celui de la formation sur le mode de l’excellence.

Monique Royer

Le projet de Franck Thénard-Duvivier présenté à Nantes

http://www2.ac-lyon.fr/etab/lycees/lyc-42/fauriel/spip.php?article584.

Le projet de François Arnal présenté à Orléans

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/18062012Article634755997003732347.aspx

Allez les petits .... un projet pour deveinr grands

Sophie enseigne ou plutôt comme elle dit « guide, transmet, initie, éduque... » depuis une dizaine d'années dans une école maternelle de 10 classes dans un quartier ZEP de Nanterre...et c'est là où tout a vraiment commencé...

Elle mène avec ses élèves, dès 3 ans en petite section une initiation au rugby, étonnant, non ?

Comment une telle idée peut-elle germer ?

Le projet est né des élèves de ma classe de petite section quand en septembre 2007, des filles et garçons se sont enthousiasmés à manipuler librement les quelques ballons de rugby pourtant noyés parmi une foule de ballons ronds, gros, multicolores... Cet intérêt soudain ne faisant que s'accroître et créant des tensions (car pas assez de ballons en nombre), il paraissait incontournable de le développer et de ce fait devenait une source d'apprentissages évidente, ultra-simple, gorgée de liens, de sens et ... motivante!

Le projet a rapidement était inscrit dans le projet d'école. Nous avons porté un autre regard sur les activités motrices, davantage pris en compte l'intérêt et les apports du sport en général (pas uniquement le rugby) en maternelle. Puis nous avons développé des progressions par cycle, par niveau mais aussi en lien avec les autres domaines.

Plus spécifiquement au rugby, nous avons remarqué les apports bénéfiques pour les élèves ayant des difficultés comportementales et mis en place des décloisonnements.

Bien... mais il vous aura sans doute fallu vous initier plus avant, et en classe qu'est-ce que ça change ?

Au terme de mon premier projet, comme je n'avais jamais pratiqué le rugby, j'ai ressenti le besoin d'acquérir des notions plus spécifiques sur le rugby pour transmettre de bons gestes, de bonnes règles. La charge affective que représente le ballon de rugby a pu être un frein dans certaines situations d' apprentisages. Il a fallu par exemple temporairement le remplacer par un simple carton, un sac lesté... Ou le constat qu' il faut toujours prévoir en début de séance, un temps de manipulation libre avec un ballon au moins par enfant avant d'évoluer vers des situations plus complexes.

Il a toujours quelques parents réticents, à la réunion en début d 'année, à l'idée que leur enfant de 3 ans s'inscrive dans un projet sur le rugby. Mais ils sont très vite rassurés par des parents dont leurs aînés ont vécus le projet.

Comme chaque projet est unique et propre à chaque classe, il faut créer sans cesse, se remettre en question mais c'est ce qui fait la motivation du projet...

Et puis finalement, on ne fait pas que du rugby, l'intérêt de ce projet c'est qu'il soit aussi trans et pluridisciplinaire. Car en fait le rugby représente une entrée dans les apprentissages qui couvre tous les domaines et pas uniquement celui du sport. Par exemple les élèves sont amenés à correspondre par écrit avec un joueur professionnel, à résoudre des situations problèmes avec des chasubles ou bien résoudre des oeuvres de Land Art etc...

Comment ce projet évolue au cours du temps ? Quelles suites comptez-vous lui donner ou quels prolongement dans votre activité ?

Au fil des années, j'ai affiné ou abandonné certaines activités mais l'entrée dans le projet a toujours émanée des élèves et a été en lien avec les projets en cours. Ce qui fait que chaque projet est unique.

En janvier 2011, la société Baiacedez m'a proposée de réaliser un film documentaire. Il a été tourné de février 2011 à Novembre 2012 avec les élèves d'une même classe.

Aujourd'hui, dans mon groupe scolaire, il est possible de découvrir le rugby de la petite section au CM2 puisque depuis 2 ans les enseignants de CP, CE1 et CE2 organisent des cycles rugby et que la mairie de Nanterre en offre aux CM1 et CM2.

Nous avons également le projet d'ouvrir une classe à horaires aménagés « rugby » en cycle 3 et en sixième dans le collège du quartier.

Que constatez-vous des bénéfices de ce projet sur l'implication des enfants, des parents ?

Le projet étant créé sur mesure pour répondre au mieux aux besoins, aux envies des élèves et comme ils sont créateurs, acteurs de leurs apprentissages, ils restent motivés et donc les bénéfices sont importants. Au final les parents y prennent toujours part. Il leur permet d'une certaine manière d'entrer dans l'école et de participer à la vie de leur enfant.

Un petit mot de votre participation au forum et du prix obtenu ?

Intense, fort en choco...euh en échanges, en découvertes, en convivialité, en plaisir et bien sûr en rires! Bref, une excellente troisième mi-temps version Café! Merci ...

Propos recueillis par Lucie Gillet

Loïc Godet , un projet en Éducation au Développement Durable.
Loïc Godet est professeur de Lettres Classiques depuis 15 ans, avant d'arriver à Nantes il a connu le cadre des ZEP, RAR à Paris, la zone violence en Picardie... Son collège n'est pas « étiquetté » d'un label, ce qui ne veut pas dire que le quotidien soit un chemin pavé de roses... Il nous propose un projet « interdisciplinaire » dans le sens où il n'est pas centré sur sa discipline. Par le biais d'un « club horticulture et développement durable » où pouvaient s'inscrire élèves de SEGPA et d'enseignement général ainsi que par des cours de français en en liaison avec l'EDD, le but de Loïc est que les élèves aient un aperçu du monde professionnel et politique afin qu'ils puissent accéder à une compréhension fine des interactions de ces deux univers.

CP : Pouvez-vous nous indiquer ce qui vous a amené à mettre en place ce club et à l'inscrire sous cette double tutelle du champ professionnel et du politique ?

LG : Le club est né de la volonté d'une de mes collègues de SEGPA qui souhaitait s'ouvrir sur d'autres champs. Je souhaitais quant à moi retrouver du sens à mon métier mais aussi donner du sens aux apprentissages en modifiant la perception de ceux-ci par des activités hors cadre du collège : insérer l'espace public comme lieu de transformation par des activités pédagogiques en liaison avec le monde contemporain (supprimer l'aspect artificiel des enseignements). J'avais également l'ambition d'une première inscription dans le milieu professionnel pour éviter des "stages-kebab" en liaison avec le marché vert du travail. Enfin il s'agit de modifier la perception du collège en lançant un vaste programme de communication et insister sur le travail liée à la mixité sociale par l'EDD

CP : Ce projet a-t-il eu des incidences sur vos pratiques, sur votre façon de travailler ?

LG : Personnellement, oui ! J'ai construit des passerelles multiples avec le monde professionnel. (communication et interface,) Il a fallu en particulier que je me pose comme un professionnel également, face à des exigences sociales qui dénaturent notre métier. J'ai dû davantage utiliser les TICE, utilisation plus importante du Livret Personnel de Compétences. Certains collègues m'ont suivi (professeur de Segp, infirmière, un professeur de lettres) mais je peine à créer des éco-délégués et à convaincre du bien-fondé de ceux-ci. J'ai « perfectionné » mes méthodes de connaissances du terrain que j'avais mises en oeuvre lors de ma « période parisienne » : s'intégrer dans le terrain où évoluent les élèves, pacifier le territoire de recrutement en liaison avec des agents de quartier...

CP : A quels écueils avez-vous dû vous heurter ?

LG : La principale difficulté fut la question de la mixité sociale des élèves (et des familles) très difficile à obtenir. Le rôle du chef d'établissement est important, briser la réputation d'un établissement en voie de paupérisation d'une ville de province est difficile. Il y a peu de dispositifs que l'on puisse solliciter et on peut douter parfois de la réelle volonté de faire bouger les lignes, ainsi par exemple une formation pour devenir formateur en EDD a été annulée inopinément...Le gestionnaire a un rôle fondamental dans ce type de projet : il a une influence réelle sur le devenir de certaines actions, ce que l'équipe enseignante oublie souvent. L'EDD a cette particularité qu'elle est holistique : tout (humains comme terrioire, local comme mondial) est en interdépendance étroite.

CP : Comment ce projet évolue au cours du temps ? Quelles suites

comptez-vous lui donner ou quels prolongement dans votre activité ?

LG : On peut dire qu'un projet en amène un autre (6 autres !), mais il me devient très difficile de tout conjuguer car je suis plutôt seul à les mener... Un mi-temps ne serait pas superflu alors je crois que je vais m'économiser et ralentir sur les projets l'an prochain en 2013-2014. Pour l'heure, actuellement, je me proposerais sans doute d'accompagner les élèves dans la recherche de stages professionnels en liaison avec l'EDD et l'évènement « Nantes capitale verte de l'Europe ».

CP : Du point de vues des élèves, des familles, quelles « retombées »?

LG : C'est variable selon les classes mais tous les élèves partagent une attraction évidente pour rencontrer des professionnels et donner du sens concret aux contenus pédagogiques. L'aspect de la continuité des savoirs sur 2 ans (4ème et 3ème) est primordial et assure une cohésion de la transmission. La mise en relation de plusieurs matières participe également à cette cohésion mais ce qui fait aujourd'hui le plus défaut, à mon sens.

Les familles ne s'associent que de façon minoritaire, malgré une publication dans le journal de quartier.

CP : Quelques mots sur votre motivation à la participation au forum ?

L'EDD est un facteur de réussite pour un monde en perte de sens comme le nôtre : un débat (une escarmouche plutôt) a eu lieu sur l'enseignement de la morale laïque, et pas une fois l'EDD n'a été signalée. Or, qu'est-elle sinon la prise en compte de l'autre et des interactions de notre monde de manière globale, et ce en proposant des actions locales de résolutions des problèmes ?

J'espère qu'un jour, l'EDD sera un ferment éducatif au territoire européen, une cohésion des actions pédagogiques dans une mise en oeuvre libre du carcan administratif. Notre schéma français d'éducation est bien trop artificiel, coupé du monde moderne : faire de l'élève un acteur de son apprentissage et du professeur un citoyen actif et reconnu car en liaison constante avec son territoire seraient mes deux priorités à l'heure actuelle.

Mon but est aujourd'hui de rechercher des passionnés comme moi, afin d'échanger sur ces pratiques, de créer les premières étapes d'un réseau national en instaurant un ordre de priorités, afin de comparer ce qui est mis réellement en place dans les Académies, derrière les effets d'annonce.

Propos recueillis par Lucie Gillet

Un blog en Maternelle avec une tablette tactile
 

Véronique Ribeira s'est déplacée à Nantes pour présenter le travail mené avec son collègue Philippe Guillem en région bordelaise. Ils se sont prêtés au jeu des questions-réponses en tandem, tout comme ils pratiquent leur classe au quotidien...

Pour Véronique l'enseignement est une bifurcation après une première vie professionnelle, elle enseigne depuis 12 ans, 7 ans passés en maternelle. Philippe lui a une plus longue carrière : il est enseignant en maternelle depuis bientôt 30 ans et Maître Formateur (en musique ), il dit avoir toujours essayé intégrer les nouvelles technologies dans sa pédagogie. Cette veille technologique l'a conduit aujourd'hui à s’intéresser aux réseaux sociaux et de façon plus générale à chercher sur internet des modèles de communication et de voir comment il était possible de les intégrer à une pratique de classe ou de formation.


C'est Philippe qui de par ses tâtonnements numériques a initié le projet :

« La problématique de départ était d'améliorer la communication entre l'école, les parents et les élèves. J'utilise déjà depuis plusieurs années un compte Twitter sur lequel les élèves publient des informations choisies sur les activités de la classe, mais le format twitter , très intéressant pour la production d'écrits par les élèves ainsi que pour le travail sur l'initiation aux réseaux sociaux reste cependant limité. L'utilisation d'une tablette tactile pour faire produire aux élèves, de façon quasiment autonome, des documents plus complexes tels que les livres numériques a ouvert le champ de nouvelles pratiques pédagogiques. »

Véronique Ribeira lui a emboîté le pas, l'utilisation de la tablette l'aidant à résoudre un obstacle de sa pratique, en maternelle la question de produire de l'écrit chez des enfants non scripteurs constitue en effet un sacré challenge pour bien des collègues : « Les élèves de l’autre classe de Moyenne et Grande Sections ont montré une grande autonomie dans leur découverte d’une tablette l’an dernier : intuitivité, peu de retenue dans leur accès à l’objet, ils ont vite découvert le fonctionnement de la tablette et en ont rapidement remontré au maître. Les applications sur tablettes étant très alléchantes, l’objet tout autant, j’ai voulu m’y intéresser. Or, une partie de ces élèves est dans ma classe cette année. De plus, la production d’écrits me posait des problèmes d’accès au sens. Tous ces questionnements se sont rejoints. »


Quand on les interroge sur les incidences de ce projet sur leur façon de travailler, s'il a modifié leur organisation, à l'interne de la classe, dans le quotidien du vécu, voici leur analyse :


Véronique : « Ce projet est chronophage par rapport aux activités habituelles d’une classe de maternelle. Il a fallu donc modifier les moments de langage pour les attribuer à la dictée des messages destinés au blog. Cependant, les progrès des élèves, leur intérêt, les interactions générées, l’accès au sens et à l’autonomie sont très motivants, tout comme le fait qu’ils soient acteurs de leurs apprentissages. Aussi, ce projet me conforte dans ces axes de travail.

Auparavant, la rédaction des compte-rendus d’activités de classe en direction de l’extérieur ne me satisfaisait pas : les parents trouvaient la feuille dans le classeur de travail à des fréquences trop rares, très décalées par rapport au vécu des élèves, et dans une présentation noir et blanc (photocopies) peu esthétique. Dans ce projet, la lecture des compte-rendus est quasiment immédiate, la couleur est de mise, la mise en page est facilitée. Les élèves sont davantage acteurs de la présentation des textes et l’administration du blog s’avère à la portée de tout enseignant. »


Philippe : « La création de ces livres numérique par les élèves a l'immense intérêt de susciter l'adhésion des élèves aux projets proposés. Actuellement deux types de projets sont menés dans la classe.


  • Les écrits de mémoires : garder des traces, et pouvoir présenter des productions éphémères  telles que celles réalisées au moment de l'accueil avec des jeux de construction, de l'argile ou lors des fabrication d'objets en trois dimensions... Dans ces activités les élèves prennent des photos de leur réalisation , les intègrent sur une page de livre et ajoutent leur prénom ; ils sont totalement autonomes dans cette activité.

  • Les « reportages » sur certains moments de classe : Comment avons nous décoré la classe pour Noël, comment avons nous fait pour réaliser une couronne des roi... Dans ce cas le la structure du document (chronologie, choix des illustrations...) est discutée en classe et les textes sont élaborés par les élèves sous dictée à l'adulte.


Les stratégies pédagogiques n'ont pas réellement été modifiées par l'utilisation des tablettes puisque la dictée à l'adulte n'est pas une pratique récente, elle est tirée des processus pédagogiques inspirés des pédagogies actives héritées elles mêmes des travaux de Celestin Freinet au début du 20eme. L'idée est avant tout de partir des idées, des productions et du désir des élèves, pour les accompagner dans leurs projet et y intégrer des apprentissages. Une pensée pédagogique préexistante utilise simplement de nouveaux outils. Twitter ou les tablettes ne sont que la déclinaison actuelle de l'atelier d'imprimerie de Freinet. »

Tous deux constatent que leur expérience fait tache d'huile au sein de leur équipe : leurs collègues semblent eux aussi vouloir apprendre à domestiquer la tablette et Véronique précise que les usages se développent : le matériel informatique et audio-visuel de l’école est utilisé de façon plus régulière.


On retrouve dans votre expérience le fait que l'enseignant, celui qui organise le cadre de la classe, accepte de ne pas tout maîtriser, de laisser place au hasard, peut être un petit bout de la sérendipidité telle que la présentait Laurence Juin également au forum … Penser l'imprévu... Une autre facette du travail de l'enseignant ?


Véronique : « En terme de « maîtrise », l’enseignant doit accepter de se décentrer, de se désengager des débats, en prenant le risque de laisser les élèves proposer des choses auxquelles il n’avait pas pensé. C’est un autre positionnement : laisser la parole aux élèves, avoir confiance en leurs précédents apprentissages et en leur capacité à s’appuyer les uns sur les autres.

L’accès au monde numérique ne me pose pas de problème, par contre, le côté tactile et intuitif me demande davantage d’adaptation. Les élèves ne pensent pas forcément, dans le contenu de leurs messages, à tous les détails nécessaires. Mais les réactions des lecteurs des messages sur le blog les amènent à prendre en compte leurs réactions. L’enseignant doit donc se mettre en retrait et être patient.

La fréquence des messages (1 par semaine en moyenne) fait que les élèves saisissent les textes rarement et oublient l’ergonomie de l’application. Leur autonomie n’est donc pas encore suffisante et devra être travaillée davantage.

La tablette tactile est un élément pédagogique intéressant : elle permet l’essai, l’erreur et la correction et autorise ainsi les élèves à s’engager dans l’action sans crainte. Mais elle ne doit pas faire perdre de vue qu’elle n’est qu’un outil qui doit se mettre au service des apprentissages, et non l’inverse. »

Philippe : « Avant tout cela demande une « auto »formation continuelle aux nouvelle technologies, et un questionnement permanent sur l'apport possible à la pédagogie. Cela suppose des essais, des fausses pistes bien sur et une remise en question professionnelle permanente. Cela demande aussi beaucoup de lâcher prise sur la maîtrise de la classe pour pouvoir intégrer rapidement les idées et propositions des élèves. »


Mais innover ce sont aussi des difficultés à contourner …


Philippe : « Les résistances sont venues particulièrement de l’accès au matériel, tablette et accès au réseau en classe mais c'est un élément contextuel, ce n'est pas le cas partout. Le réseau en maternelle n'est pas non plus une évidence pour tous. Du côté de l'institution, le fait que je sois maître formateur et localement considéré comme un « expert » en TICE fait que mes activité sont accueillies et soutenues avec bienveillance mais aussi avec une certaines prudence quant à la sortie du cadre expérimental. »



Au forum on présente des expérimentations qui suivent encore leur cours, alors dans votre cas, comment comptez-vous faire évoluer votre projet, quelles suites à venir, quelles nouvelles pistes à explorer ?


Véronique : « Lors de la saisie des textes, leur longueur a posé des problèmes, car la plupart des élèves sont très lents. J’ai donc choisi de prendre en charge une partie de la saisie, et de proposer de dicter des messages plus courts. Au bout de quelques mois de dictée de messages, certains élèves ont eu l’idée d’annoncer des événements de classe à venir. Nous avons donc abordé « l’annonce ».

Ce projet porte ses fruits en terme d’implication des élèves, il me permet de m’extraire de ma position de maîtrise en mettant les élèves au centre du processus d’apprentissage. C’est pourquoi je compte bien le poursuivre l’an prochain, d’autant plus que les futurs élèves de Grande Section auront, pour la plupart, travaillé avec Twitter. Cette continuité des apprentissages rend cohérente l’orientation vers le monde numérique que nous donnons dans l’école.

Il serait bienvenu de développer un échange avec les CP, mais le temps leur manque… »

Philippe : Tout évolue très vite... ! L'an dernier la tablette était utilisée comme cahier de vie numérique qui allait dans les familles, cette année les élèves l'utilisent de façon autonome pour produire des documents numériques. Je viens d'essayer récemment la plate forme « Storify » pour compiler les messages twitts écrits par les élèves sur un thème particulier. Cela a pour conséquence la mise en place de nouvelles situations d'écriture. Pour les projets à venir, cela déprendra des pratiques émergentes sur le réseau et de l'évolution du matériel ainsi que de la volonté des parents d'utiliser le web 2,0 pour entrer en relation avec l'école. Cela dépendra aussi des éléments imprévisibles qui feront qu'un projet particulier pourra voir le jour.

Ces derniers jours un concours de twitt lors de la semaine digitale à bordeaux (Festival de Twittérature) a débouché sur un projet inédit.

http://fragmentsdeclasse.blogspot.fr/2013/03/un-calli-twitt-vous-avez-dit-twitteraure.html

Difficilement prévisible mais tellement riche pédagogiquement ! »


Au départ votre but était de mieux associer les familles au travail mené en classe, alors pari réussi ?


Véronique : « Les élèves sont davantage impliqués dans la dictée des textes. Ils réutilisent des connaissances grammaticales (le «on » est remplacé par le « nous »), pensent les contenus en fonction de ce que vont recevoir les lecteurs, se questionnent sur ce qu’ils vont en comprendre.

Lors de la lecture des commentaires de leurs lecteurs, ils cherchent à comprendre ce que ceux-ci leur disent, ce qu’il faut répondre lorsque c’est nécessaire.

Du côté des parents, les commentaires viennent toujours des mêmes familles, mais le blog est lu avec les enfants dans plusieurs foyers. Les retours parentaux sont positifs, l’ergonomie du blog et sa présentation étant jugés agréables. »

Philippe : « Les enfants sont un peu plus intéressés par le fait d'écrire, mais pas tant que cela ; ce qui me paraît important c'est que l'écrit prend véritablement prend plus de sens pour eux car ils sont installés dans une véritable pratique. Les élèves sont à même de penser de l'écrit de le formaliser ce qui est prépondérant dans l'apprentissage de la lecture. Les parents qui se manifestent sur le réseau et qui encouragent les travaux de la classe sont un facteur de motivation important pour les élèves (et pour l'enseignant). Il reste encore des représentations à transformer, des habitudes à changer pour amener plus de parents dans les mondes numériques de l'éducation. Cela viendra. »



Le blog de Philippe Guillem :

Fragments de classe : http://fragmentsdeclasse.blogspot.fr/


Propos recueillis par Lucie Gillet

Enquête au pays des papilles ...

Elvire Bornand n'est pas enseignante, mais sociologue. Elle explique avoir participé à la création de l’association APRES en 2010, juste après sa thèse, alors qu'elle était enseignante à l’IUT d’Aix-en-Provence. L’objectif majeur de l’association est de promouvoir la réussite éducative en mobilisant tous les acteurs qui y contribuent : École, collectivités, associations et familles. Elle est devenue présidente de l’association en 2012. La même année son association a étendu son activité de la région PACA vers les Pays de Loire.

CP : Vous êtes sociologue, responsable associative, comment ça se met en place le travail avec le monde enseignant ?

EB : C'est avant tout une rencontre avec Lydie Fredj, enseignante et SVT, Jaouad Belkassem, enseignant en maths et Jean-Pierre Le Menaheze, proviseur du collège des Sables d’Or, à Thouaré sur Loire. Au sein de l’association, nous avions envie d’intervenir avec les enseignants et non pas entre leurs cours. De leur côté, Lydie et Jaouad avaientt envie de trouver un liant à leurs enseignements et de construire quelque chose avec les élèves participants. Un sujet central de la vie du collège, de n’importe quel collège, nous a donné l’impulsion qui nous manquait : la cantine. Nous avons décidé de donner aux élèves de cinquième participant à l’IDD « Enquête au pays des papilles » l’opportunité de mener une enquête sociologique sur les goûts de leurs camarades et leurs connaissances en matière d’équilibre alimentaire. Les SVT sont mobilisés en amont pour donner aux élèves les connaissances nécessaires à la conduite de l’enquête. Les mathématiques sont mobilisées en aval pour analyser les réponses données au questionnaire (pourcentage et représentation graphique). Tout au long de l’IDD, les élèves font connaissance avec les sciences sociales que certains d’entre eux retrouveront au lycée. Après analyse des résultats de l’enquête et grâce au soutien du gestionnaire et de l’équipe de la cantine, 4 menus sont réalisés et proposés aux élèves durant une semaine thématique IDD.

Pour moi, cette expérience me permet de faire ce que je préfère : transversalité et interdisciplinarité tout en rendant les élèves acteurs de la vie de leur établissement. La participation active des élèves est le domaine qui me préoccupe le plus à l’heure actuelle, de même que le lien à faire pour impliquer les familles dans les réalisations de leurs enfants.

CP : Comment avez-vous penser votre co-intervention aurprès des élèves et la conception de séances ?

EB : Tout au long du projet, nous avons eu des échanges pour réfléchir à l’ensemble des matières qui étaient abordées dans l’IDD. Le rayonnement a été beaucoup plus large que ce que nous avions imaginé, le travail sur les logiciels et sur les recherches documentaires sur le web par exemple mais pas que cela. Cela m’a aussi conduit à voir la sociologie autrement. Tout le travail de catégorisation des réponses au questionnaire, une habitude pour le sociologue… Je le vois maintenant également comme un travail lexical ayant trait au travail des élèves en classe de français. Le principal changement pour moi c’est le fait de partir d’un objectif collectif : faire des menus de cantine bon au goût et à la santé et ensuite de se dire : quels savoirs disciplinaires allons-nous mettre en jeu et là l’association APRES prend tout son sens : faire du lien, faire une médiation scientifique entre les disciplines.

CP : Pouvez-vous mesurer un certain impact de votre action ? Du point de vue des élèves, des familles ?

EB :Les séances sont très variées. La participation individuelle des élèves varie beaucoup selon l’intérêt qu’ils trouvent dans la séance, on voit se révéler des affinités et des tempéraments au fil des activités proposées. Je trouve cela très riche. De manière très égoïste, j’aime le placement libre car je vois le premier rang vide de la première séance se remplir ensuite et j’adore les forêts de mains levées. Aujourd’hui ma principale frustration tient au lien avec l’extérieur. Nous avons mis en place un blog pour donner à voir ce qui se faisait au sein de l’IDD, aussi bien pour les participants que pour d’autres visiteurs. Je voudrais surtout toucher les familles. Nous avons eu après la fin de la première session des réactions d’élèves disant qu’ils avaient modifié leur façon de manger à la maison. Je voudrais en savoir plus…. J’ai en tête le modèle de la classe inversée, je voudrais que certaines activités débordent le cadre de l’école, de la même manière que nous avons su déborder les champs de chaque discipline.

CP : Comment ce projet évolue au cours du temps ? Quelles suites comptez-vous lui donner ou quels prolongement dans votre activité ?

EB :Nous avons changé certaines choses entre la première et la seconde session : les séances ont été rallongées d’une demi-heure. Nous avons fait un nouveau carnet de bord avec moins de texte et plus de pictogrammes et d’émo-icones pour encourager les élèves à garder leur propre trace de cette expérience tout en sortant du cadre de la prise de notes.

Nous nous demandons aujourd’hui jusqu’au nous pouvons creuser sur trois aspects :

1/ L’implication des élèves dans la vie de l’établissement pourrait être approfondie si on pouvait leur donner la possibilité de plus s’investir sur la préparation des repas qu’ils ont conçus mais nous nous heurtons au règlement très strict d’hygiène de la restauration collective.

2/ Le lien entre santé et comportements alimentaires des élèves est une autre dimension à approfondir mais en trouvant les bonnes limites. Nous sommes parfois tenté d’écouter plus les conseils diététiques que les résultats des questionnaires qui plébiscitent Kebab, Hamburger et frites. Nous tâtonnons vers un juste milieu.

3/ Créer encore plus de transversalité en faisant vivre le projet au delà de l’IDD, les résultats du questionnaire peuvent servir à l’ensemble des enseignants en math à élaborer des exercices pour leurs élèves. Nous aimerions travailler ça avec eux.

CP : un petit mot de votre motivation à proposer ce projet au forum ?

EB : Avant tout c'est l'opportunité de solliciter des regards extérieurs sur le projet et j'espère de l'enrichir au fil des rencontres. Voir ce qui se fait ailleurs, parfois pas très loin. J'ai hâte de rencontrer les autres nantais. La plupart des "communautés " sont aujourd'hui de matérialisées et se construisent sur les réseaux sociaux. Le forum c'est aussi l'opportunité de partager des intérêts " en chair et en os ".

Propos recueillis par Lucie Gillet

Les jeux sérieux donnent le sourire

Depuis quelques années les jeux sérieux ont conquis une place de choix dans la galerie des innovations pédagogiques. Supports d’évaluation ou d’apprentissage, ils empruntent le graphisme et les stroyboards des jeux vidéo pour mettre en activités les élèves autrement. Dans les allées du forum, les jeux étaient présents, forcément. Michel Rogier, enseignant et chef de projet « jeux sérieux » à la Matice de l’Académie d’Amiens en présentait deux.

Le premier a été conçu pour évaluer le thème « architecture et habitat » nouvellement mis en œuvre dans le programme de technologie en 5e. La situation proposée est celle d’une visite de chantier. Le personnage commence par s’équiper puis passe en revue un par un les éléments de la maison qui vient d’être construite. Des problèmes sont exposés à l’élève qui doit y remédier. Chaque problème correspond à une séquence pédagogique incluant des exercices et des corrections. Comme dans un vrai jeu vidéo, le personnage peut perdre la vie si par exemple il se met en situation dangereuse ou manipule des fils électriques au risque de s’électrocuter.

A son bonheur évident de présenter le jeu, de s’y exercer, on devine que Michel Rogier a pris plaisir à le construire. En fait, nous explique t’il, c’est par ce jeu qu’il est devenu chef de projet. Pour aider les enseignants à mettre en œuvre le thème « architecture et habitat », la Matice a constitué un groupe de travail pour élaborer les séquences et le scénario pédagogiques du jeu. Le groupe a travaillé durant une année scolaire et Michel y a pris goût, s’est fortement impliqué et finalement a été recruté à mi-temps comme « chef de projet jeux sérieux et monde virtuel ».

Le jeu sur le chantier a été testé par cent élèves pour vérifier qu’il était facilement utilisable et que les situations problèmes permettaient réellement d’évaluer. Entre temps, Michel Rogier a été contacté par un inspecteur et huit enseignants d’anglais qui souhaitaient élaborer un jeu sérieux. Là, il ne s’agissait pas de trouver un moyen d’explorer de nouveaux contenus mais d’aborder autrement un contenu déjà existant. Le jeu propose de visiter la Maison Blanche et lors de cette visite virtuelle d’acquérir des savoirs et de mettre en œuvre des compétences en communication.

D’un jeu à l’autre, le graphisme a évolué, le monde virtuel s’est rapproché du monde réel. Ils seront mis en ligne tous les deux au mois de juin pour les enseignants.

Monique Royer

Palmarès
Grand Prix pour le « Tour du Monde en 80 jours » de Sylvie Favre et Christian Vinent. http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2013/Lists/Billets/Post.aspx?ID=13
Grand prix du public pour Marie Soulié et son agence de communication http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2013/Lists/Billets/Post.aspx?ID=3
 Prix du public pour Monique Argoualc’h et ses portraits numériques http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2013/Lists/Billets/Post.aspx?ID=7
Prix du public pour « on joue ensemble » de Maryse Charmet http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2013/Lists/Billets/Post.aspx?ID=12
Prix de l'innovation pédagogique "les ecolos majolans" de Barbier, Bacherot, Doyen, Memet-Bouvier

Prix intercycles, pour Martial Gavaland, « sciences partagées entre petits et grands » http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2013/Lists/Billets/Post.aspx?ID=18
Prix de l’innovation pédagogique « chercheurs en herbe » de Ange Ansour http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/03/27032013Article634999653135328379.aspx
Prix de l'interdisciplinarité "Trophée Douar Ha Mor » de Fabien Liger
Prix de la réussite éducative pour le projet "allez les petits" de Sophie Andreu
Prix du détour pédagogiques « les p’tits loups des voix » de Sébastien Rome http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2013/Lists/Billets/Post.aspx?ID=20
Prix numérique pour Pascal Bihouée et sa classe inversée http://www.forum-nantes2013.net/view.php?id=103
Prix de la parité "L'image de la femme et de l'homme dans le sport et la société" Emmanuel Antoine et Jean-Baptiste Prévot

Lucie Gillet et Monique Royer 
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