Par François Jarraud
Dans un communiqué, Luc Chatel pourfend le Se-Unsa qui affirme que près de 1500 classes fermeront à la rentrée dans les écoles primaires du fait des 5700 suppressions de postes décidées dans le primaire. Que nous disent réellement les remontées du terrain ?
En juin 2011, Nicolas Sarkozy avait promis de « sanctuariser » l’Ă©cole primaire c’est-Ă -dire de maintenir le nombre de classes. « Cet engagement sera tenu et cela contrairement Ă ce que certains, pour des raisons avant tout politiciennes, semblent affirmer en utilisant des enquĂŞtes Ă©tranges sans aucune traçabilitĂ© ou auditabilité », Ă©crit Luc Chatel dans son communiquĂ© du 29 fĂ©vrier. Les mots sont particulièrement durs, Ă la hauteur, peut-ĂŞtre, du problème soulevĂ© par le Se-Unsa.
Les chiffres. A la promesse prĂ©sidentielle, Christian Chevalier oppose les chiffres. Pour 91 dĂ©partements qui ont dĂ©jĂ rĂ©uni leur instance administrative (CDEN) et oĂą l’inspection acadĂ©mique a annoncĂ© ses dĂ©cisions, le syndicat trouve 3494 classes fermĂ©es et 1911 ouvertes. Le solde n’est donc pas nul. Ce sont 1582 classes qui devraient disparaĂ®tre Ă la rentrĂ©e. Pas partout il est vrai. Si dans le Nord Pas-de-Calais (une centaine d’emplois en moins dans chacun des deux dĂ©partements), en Picardie (63 fermetures et 8 ouvertures dans la seule Somme) ou en Limousin (15 fermetures dans la petite Creuse) les suppressions de postes sont massives, dans les Hauts-de-Seine, on enregistre 73 ouvertures pour 31 fermetures… De son cĂ´tĂ©, le 1er mars, s’appuyant cette fois sur 95 dĂ©partements, le Snuipp Fsu Ă©value les fermetures Ă 1407 classes.
Une argumentation ministĂ©rielle surprenante. Pris de court et coincĂ© par la promesse Ă©lysĂ©enne, Luc Chatel se dĂ©fend avec de curieux arguments. L’Ă©lecteur n’aurait dĂ» rien voir, explique le ministre. « Les 5 700 suppressions de postes concerneront dans le primaire des postes qui ne sont pas devant les Ă©lèves », explique-t-il. Et il dĂ©taille ces personnels invisibles et sans doute inutiles. « Cela est possible car nous recrutons aujourd’hui des professeurs des Ă©coles capables d’enseigner les langues vivantes Ă leurs Ă©lèves. Nous avons donc pu redimensionner le volume des effectifs d’assistants de langue. Car nous avons mis en Ĺ“uvre l’aide individualisĂ©e dans chaque classe. La difficultĂ© est prise en charge en amont par le professeur, directement dans la classe. Les RASED ont donc Ă©tĂ© rĂ©organisĂ©s et concentrĂ©s sur la grande difficultĂ© scolaire. Car, contrairement aux mensonges qu’on entend trop souvent, il y aura, selon les dernières prĂ©visions, autant d’Ă©lèves dans le premier degrĂ© public qu’Ă la rentrĂ©e 2011 ».
Accordons au ministre ce dernier argument. Qu’en est-il des autres ? L’Association des professeurs de langues vivantes s’est Ă©mue du premier argument. En se basant sur le très rĂ©cent rapport Halimi, l’APLV peut affirmer que « le manque de compĂ©tences en langues de la plupart des professeurs des Ă©coles ne permet pas d’assurer un enseignement de qualitĂ© pour tous ». En effet la très grande majoritĂ© des professeurs des Ă©coles n’a pas passĂ© le certificat de langues qui n’est demandĂ© que depuis 2005 aux futurs professeurs des Ă©coles. Mais l’APLV remarque, Ă la suite du rapport Halimi, que « les jeunes diplĂ´mĂ©s recrutĂ©s comme professeurs stagiaires, mĂŞme lorsqu’ils ont pu valider leurs compĂ©tences en langues, n’ont reçu aucune formation pour les enseigner ». Le rapport soulignait aussi l’intĂ©rĂŞt d’avoir des locuteurs natifs pour sensibiliser la mĂ©moire auditive des jeunes enfants. En rĂ©alitĂ© les professeurs des Ă©coles ne remplacent pas les intervenants en langues Ă©trangères.
L’aide individualisĂ©e peut-elle remplacer les enseignants des Rased ? Les Rased sont spĂ©cialisĂ©s dans les difficultĂ©s Ă©ducatives graves : soit ils travaillent sur la pĂ©dagogie, soit ils interviennent en rĂ©Ă©ducation sur le relationnel. Ces types d’aide dĂ©passent largement ce qu’il est possible de faire avec un enseignant non spĂ©cialisĂ©. De surcroit, l’aide individualisĂ©e est gĂ©nĂ©ralement compartimentĂ©e en 4 demi-heures prises sur le temps du dĂ©jeuner au coeur des longues journĂ©es imposĂ©es aux enfants depuis X Darcos. Or ce sont près de 2000 postes de Rased qui sont supprimĂ©s Ă la rentrĂ©e (1949 selon le Snuipp). Dans certains dĂ©partements il ne restera plus aucun maĂ®tre G, ces enseignants spĂ©cialisĂ©s qui font de la rĂ©Ă©ducation relationnelle (par exemple dans le Finistère ou la Manche). Les autres postes « invisibles » supprimĂ©s Ă la rentrĂ©e ne passeront pas plus inaperçus. Les 846 remplaçants manqueront dès la première Ă©pidĂ©mie de grippe. Les 460 enseignants en soutien dans des Ă©coles d’Ă©ducation prioritaire manqueront aux Ă©lèves dĂ©favorisĂ©s.
Un dĂ©sintĂ©rĂŞt pour le primaire. Luc Chatel paye Ă©videmment le choix de gestion qu’il a tant vantĂ© : s’en remettre aux recteurs pour faire passer ses mesures de restriction, les inviter Ă trouver eux-mĂŞmes les solutions. S’ils ont obĂ©i aux consignes de frapper lĂ oĂą l’Ă©lecteur ne regarde pas, ils n’ont pas rĂ©ussi Ă Ă©viter toutes les fermetures de classes. Mais il paye aussi le curieux dĂ©sintĂ©rĂŞt de N Sarkozy pour le primaire. Dans son discours de Montpellier, le candidat UMP n’a pas du tout Ă©voquĂ© le primaire, oubliant mĂŞme ce qui devait ĂŞtre une vĂ©ritable annonce : la promesse de revenir sur la règle du 1 sur 2 au primaire pour la rentrĂ©e 2013.
DĂ©brouillez-vous ! Finalement tout semble remis en question. Le 1er mars, SĂ©bastien Sihr a demandĂ© au ministre « de procĂ©der Ă la rĂ©vision des mesures de carte scolaire ». Dans Le Journal du Dimanche du 3 mars, Luc Chatel semble accepter. « La carte scolaire n’est pas Ă ce jour figĂ©e. Je vous garantis qu’à la rentrĂ©e 2012 il y aura le mĂŞme nombre de classes qu’à la rentrĂ©e 2011, n’en dĂ©plaise aux oiseaux de mauvais augure ». C’est reconnaĂ®tre que la carte scolaire n’est pas viable. Incapable de faire face aux besoins Ă©ducatifs actuels, le ministre laisse au nouveau ministre de l’Ă©ducation nationale issu des Ă©lections la charge de se dĂ©brouiller…
François Jarraud
Liens :
Communiqué Chatel
http://www.education.gouv.fr/cid59476/reaction-de-luc-chat[…]
Les chiffres du Se-Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article4337
Les chiffres du Snuipp
http://www.snuipp.fr/Carte-scolaire-2012-Toutes-les
Chatel dans le Journal du Dimanche
http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/[…]
Luc Chatel visite « l’Ă©cole du futur »
L’Ă©cole du futur est forcĂ©ment dans les Hauts-de-Seine ! Mardi 6 mars, le ministre de l’Ă©ducation nationale visitait l’Ă©cole Robert Doisneau de Boulogne-Billancourt, une Ă©cole Ă©lĂ©mentaire bilingue qui est la vitrine de la politique des langues du ministère. Mais chaque vitrine a ses reflets…
« Bienvenue Ă l’Ă©cole du futur ! » C’est par ces mots que Luc Chatel a introduit la presse dans l’Ă©cole primaire R. Doisneau de Boulogne-Billancourt. Une Ă©cole qui pousse au coeur d’un nouveau quartier construit sur les anciens terrains Renault. Une Ă©cole neuve au milieu d’immeubles neufs, oĂą la cour de rĂ©crĂ©ation est au coeur du bâtiment, comprenez au 3ème Ă©tage. L’Ă©cole compte 200 enfants en maternelle et 190 en Ă©lĂ©mentaire.
Un projet pédagogique
Pour Luc Chatel, l’Ă©cole du futur est celle « de l’autonomie et des moyens nouveaux pour le chef d’Ă©tablissement ». Dans cette Ă©cole qui utilise l’article 34 de la loi de 2005 (article qui permet l’innovation pĂ©dagogique contrĂ´lĂ©e), les enfants reçoivent un enseignement renforcĂ© en anglais. Cynthia Davigny, professeure en CM1, nous explique qu’en plus de l’enseignement d’anglais rĂ©glementaire (1h30), les enfants bĂ©nĂ©ficient du soutien de locuteurs natifs. Mais, avec cette maitresse totalement bilingue, l’anglais s’insinue partout. Les enfants bĂ©nĂ©ficient d’un accueil de 30 minutes le matin qui est en anglais et toutes les consignes durant toute la journĂ©e sont donnĂ©es en anglais. « Cela encourage les enfants Ă parler » note-elle et effectivement les enfants interviennent volontiers dans cette langue. Elle note aussi d’autres effets positifs. « Cela dĂ©veloppe leur Ă©coute et leur attention. Ils sont plus concentrĂ©s ».
Initiateur et porteur du projet, le directeur, Pierre Gain, a Ă©tĂ© nommĂ© Ă la tĂŞte de l’Ă©cole pour le construire. Pour enseigner Ă Doisneau il faut ĂŞtre bilingue et s’impliquer dans le projet. Toute l’Ă©quipe enseignante est recrutĂ©e sur postes Ă profil. « Cette annĂ©e nous proposons 4 postes et nous avons dĂ©jĂ 35 demandes », nous confie-t-il. L’objectif c’est bien sur d’assurer aux enfants un bon niveau d’anglais. Mais au-delĂ de favoriser leur spontanĂ©itĂ© et d’impliquer les parents dans leurs apprentissages. La sensibilisation Ă l’anglais commence en moyenne section de maternelle. En grande section les enfants ont deux heures d’anglais par jour « ce qui leur assure un vrai bain linguistique » avec l’aide des assistants linguistiques.
Un partenariat local
Car l’Ă©cole repose sur un important partenariat avec la ville de Boulogne-Billancourt. Le maire , Pierre-Christophe Baguet, vante les 34 millions d’euros investis par la commune dans l’Ă©ducation. Elle emploie 600 agents dans els Ă©coles, alors que l’Etat n’y fait travailler que 400 enseignants. Dans ce projet, la ville paye 10 des 13 assistants de langues et les loge tous.
M. Guéant dans la vitrine
Pourtant l’Etat fait des efforts pour les Hauts-de-Seine. C’est un des très rares dĂ©partements Ă compter plus d’ouvertures que de fermetures de classes dans le primaire et c’est celui oĂą l’Ă©cart est le plus positif avec 42 ouvertures. Alain Boissinot, recteur de Versailles, nous a confiĂ© qu’il a du supprimer une soixantaine de postes d’assistants de langues dans son acadĂ©mie. Mais « cela n’aura pas d’effet  » car les postes supprimĂ©s « n’Ă©taient pas utilisĂ©s ». A Boulogne, comme Ă Levallois-Perret, la municipalitĂ© a de toutes façons largement remplacĂ© l’Etat.
Luc Chatel explique qu’il applique les recommandations du rapport Halimi en faveur d’une sensibilisation prĂ©coce aux langues vivantes. Qu’il rĂ©duit au seul anglais. « Qu’on le veuille ou non il se trouve que l’anglais est la langue de communication internationale et les enfants auront un jour Ă l’utiliser », explique-t-il. Le rapport souligne pourtant que la grande majoritĂ© des professeurs des Ă©coles ne sont pas capables d’enseigner une langue vivante et que les « locuteurs natifs » ne savent pas enseigner. Deux affirmations reformulĂ©es par une assistante de langue qui a regrettĂ© de na pas avoir Ă©tĂ© formĂ©e. Elle a remerciĂ© les enseignants français pour leur aide au quotidien et saluĂ© leurs efforts pour enseigner une langue qu’ils maitrisent si mal… Le ministre a dĂ©clinĂ© toute question sur le primaire et l’enseignement des langues. Il a remerciĂ© Claude GuĂ©ant. C’est l’appui personnel du ministre de l’intĂ©rieur, candidat Ă Boulogne, qui a permis de faire entrer les assistants de langues Ă qui on refusait un visa. L’Ă©cole du futur c’est aussi cela.
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