Correspondants TIC des directions régionales de la CDC,
Caisse des dépôts et consignation, conseillers TICE
du Ministère de la Recherche et de
l’Éducation nationale, « sherpas » TIC
de l’Association des régions de France, conseillers
TIC auprès des préfets de région
…Première évidence en, lisant le programme
des rencontres de la 22ème Université
d’été de la Communication de Hourtin en
Gironde placée sous le thème de « notre.vie
» : le territoire français est maintenant
quadrillé par un maillage serré de responsables TIC
dans chaque institution. Parallèlement à ce
réseau officiel et formel, un réseau informel tout
aussi présent et influent de compétences TIC,
composé pour une bonne part de ces « enseignants
nourris aux TIC », pour reprendre l’intitulé
d’un des débats. Et c’est tout l’art des
de cette manifestation annuelle d’organiser la libre
circulation des échanges, de faire en sorte que se
croisent, se parlent, se rencontrent sous les pins et les
chênes, réseaux formels et réseaux
informels.
Les technologies banalisées ?
Pivot des réseaux informels le stand de l’Association
nationale des acteurs de l’école. L’animation
y a toujours été articulée autour des
présentations de l’utilisation des TIC en situation
par les enseignants, formule reprise avec bonheur cette
année par le stand officiel du Ministère de la
recherche et de l’Éducation nationale, très
riche lui aussi en démonstrations concrètes du
savoir-faire enseignant à tous les niveaux, de
l’école à l’université. Sur le
stand de l’An@é, toutes les présentations cette
année avaient lieu sur l’ACTIVboard de Promethean.
Présenté l’année dernière
à Hourtin comme un outil révolutionnaire, il se
fond aujourd’hui tout naturellement dans le paysage de
l’école. Il en est de même pour le i-m@nuel d’Editronics : il y a un an,
c’était un prototype prometteur. Ce dispositif de
cours en ligne et son manuel papier (l’ensemble vendu au
prix d’un manuel ordinaire) est aujourd’hui un
support commandé par les établissements. Sur le
stand de l’Éducation nationale, le bureau virtuel
annoncé au Salon de l’Éducation arrive enfin
à maturité, et apparaît comme
l’indispensable commun dénominateur de la
communauté éducative, de l’enseignant «
nomade » dans son établissement et souvent aussi
dans son académie. Beaucoup d’enseignants se
pressaient autour de la CTICE de l’académie de
Toulouse pour savoir comment se le procurer rapidement. Six
recteurs d’académies ont répondu
favorablement à l’installation du serveur (pour
l’instant serveur académique, à terme serveur
national) et du dispositif. On peut intriguer pour avoir
accès à la démo sur le serveur de
l’académie de Toulouse et lire l’interview
Anne-Marie Gros, CTICE..
Signe révélateur de « notre.vie »
aujourd’hui : la technologie s’est banalisée.
Pas encore à l’échelle où nous le
souhaiterions dans notre vie professionnelle, sans doute, et il
était utile que Gérard Gonfroy, nouveau
Président de la CDIUFM (Conférence des directeurs
d’IUFM), qui décide la la formation initiale et
continue des enseignants, rappelle que : « ce n’est
pas parce qu’une technologie envahit notre vie quotidienne
qu’elle s’impose à l’école :
exemple la télévision ».
L’éditorial du journal Sud-Ouest du 20 août
sous le titre « Un autre monde » faisait état
d’un sondage révélant que « 73% des
Aquitains déclarent ne s’être jamais
connectés à l’Internet… »
La question du sens
Si les technologies sont en passe d’être
banalisées, si les élus des collectivités
rurales se battent pour avoir le haut débit dans le
moindre village, quel est donc la problématique qui a
agité les participants cette année à Hourtin
: la question du sens. Comme le dit Jean Heutte, formateur et
coordinateur de la formation ouverte et à distance dans
l’Académie de Lille: « Au début on ne
s’est pas posé la question du sens. Avant,
j’étais « formateur de disquette ! ».
Les intitulés des PAF (Plan Académique de
Formation) le révèlent encore aujourd’hui: la
formation des enseignants aux TIC est restée
centrée autour des « compétences
manipulatoires » qu’il fallait absolument
acquérir : utilisation du traitement de texte et du
courrier électronique pour la préparation des cours
comme pour la conduite des classes. Aujourd’hui on
s’avise de poser la question : comment les
élèves apprennent-ils ? Apprennent-ils mieux,
apprennent-ils différemment avec l’Internet.
où est la preuve de l’impact décisif des
technologies d’information et de communication à
l’école ? L’espace dédié
à l’analyse de ces nouveaux « modes
d’emploi » de notre vie, animé par Alain Braun
et le laboratoire Communication et Politique du CNRS,
s’articulait autour de 7 thèmes dont «
lire/écrire », « travailler/jouer » et
aussi « apprendre/.savoir, qui transmet quoi ? » Pour
Jacques Perriault, professeur des Universités et auteur en
particulier de « La communication du savoir à
distance », l’école n’est pas encore
entrée dans une vraie réflexion sur le sens. Il
faut savoir si on va sortir un jour de « l’effet
diligence » ou si on va accepter l’idée que
modes de transmission et savoirs changent avec les technologies :
des concepts tels que la pensée inductive, la «
serendipité » (l’art de construire une
cohérence entre des éléments
découverts par hasard), la représentation mentale
du cheminement dans les réseaux devraient entrer dans les
usages d’apprentissage avec l’Internet. A
l’école, selon Jacques Perriault, on apprend encore
trop souvent des procédures : « on apprend sur
l’écran ce qui concerne l’écran…
»
A l’école, hors l’école
A l’école il faut ajouter le hors
l’école, qui devient un champ de plus en plus
investi par les parents et les collectivités locales.
Ainsi lors de la thématique « l’aide aux
élèves en ligne » Michel Briand, adjoint au
maire de Brest a fait avec brio la démonstration sur le
stand de An@é du sens que peut prendre la conjoncture
idéale de la volonté d’élus
conjuguée à celle des familles, des enseignants et
des élèves. Le RASI , réseau d’aide
scolaire par Internet du collège de Keranroux, n’a
pas qu’une fonction d’aide aux devoirs, «
c’est un lieu d’expression, c’est aussi l’occasion de
recueillir des informations (questionnaire), de recueillir les
besoins des élèves, des parents ». On le
sent, on le voit, le dispositif interactif imaginé
correspond bien à la vie quotidienne de chacun, où
la maison est tout naturellement le relais du lieu
d’apprentissage et du lieu professionnel. Son concurrent
« Après l’école »,
édité par Wanadoo, qui a pourtant été
un des premiers à tenter d’investir le marché
éducatif, n’offre en comparaison qu’un
charmant méli-mélo de ressources colorées,
qui ne fait pas toujours sens. Une approche modeste de
l’équipement, puisque, sous le titre « 1000
ordis @ l’école », ce
sont des 486 achetés à bas prix par la ville de
Besançon (en partenariat avec Hachette Multimédia,
IBM, le Rectorat, des administrations, les collectivités),
qui ont permis de généraliser l’usage des
technologies et surtout de se concentrer sur la conception d’un
« bureau » qui reflète l’environnement «
élève-enseignant-famille-ville ». et
s’avère ainsi, on peut le penser, un continuum
porteur de sens, car il est sans doute aussi important pour les
élèves de connaître leur ville que de
connaître leur école. Dans les deux cas, il y a une
forte implication et une politique volontariste des
collectivités locales, associée à un
partenariat avec éditeurs, ministères, IUFM.
On le voit, de tels projets dépassent
l’échelon de l’établissement et posent
le problème du nouveau rôle de l’enseignant
– ou du chef d’établissement – porteur
de projet et « entrepreneur » en quête de
partenaires. Le réseau du CNDP, très présent
à Hourtin, venu pour détailler le plan pour les
arts et la culture à l’Ecole, a édité
un document de 64 pages avec fiches pratiques pour trouver
l’information, en particulier sur l’action en
partenariat. On peut aussi visiter très prochainement le site de l’espace arts et
culture du CNDP.
Balises citoyennes.
La technologie est donc potentiellement omniprésente dans
la vie de l’élève. Elle ne lui sert pas
seulement à jouer et à apprendre, mais aussi
à placer des repères citoyens, autant de balises
utiles une vie d’ élève et dans une vie tout
court. L’élève « au centre du
système éducatif » qui a longtemps
été le slogan de l’école, est ainsi
matérialisé par cette constellation de
repères qui vont l’aider à se situer, car
comprendre et apprendre dans la société de
l’information, n’est-ce pas ce pas avant tout
s’y situer, y trouver sa place ? S’il arrive à
se sentir un peu mieux à l’école, un peu
mieux dans sa ville et dans sa vie, alors seulement , quand la
question de l’environnement est prise en compte, peut-on
poser la question des apprentissages. Dans le débat sur
l’ Ecole du Futur » organisé sur le stand de
An@é il était frappant, par exemple, que les
élèves surdoués (témoignages
rapportés par une psychologue) soient ceux qui arrivent le
mieux à imaginer l’école en 2021: pas une
école hyperbranchée, pas une école
superconnectée, mais une école où on laisse
aux élèves le temps de vivre, où on apprend
les langues par immersion, où enfin on se frotte
déjà très tôt au monde du travail, aux
« vrais » laboratoires quand on est chimiste en
herbe, aux « vraies » entreprises quand on a des
projets : cette description d’une scolarité
immergée dans la « vraie vie »
n’est-elle pas la description de ce que pourrait être
le lycée professionnel – de ce que sera ? – le
lycée des métiers élaboré par
Jean-Luc Mélenchon ? Même vision
décalée de l’école du futurologue
Joël de Rosnay qui surprend les participants en relativisant
la technologie et en mettant lui aussi l’accent sur la
pédagogie qui doit savoir orchestrer camera et photo
numérique, technique de mise en page, pour aider
l’élève à éditer un produit
fini satisfaisant « l’effort pédagogique doit
porter sur le rendu, plutôt que sur l’absorption des
connaissances.». L’enseignant doit donc
essentiellement savoir « contextualiser et gérer les
ressources, et surtout sortir de la donnée pour se
concentrer sur la méthodologie ». Description qui
n’est pas rappeler le discours de Jack Lang à
Hourtin parlant de l’enseignant : «
libéré de tâches documentaires
répétitives, il pourra encore mieux exercer son
métier de maître centré sur la construction
d’un savoir et sa mise en perspective ». Encore faut-il que
les structures se mettent au pas.
Pourquoi, mais pourquoi, cette nécessaire restructuration
de l’espace-temps demandée depuis des années
lumières par l’Inspecteur Général Guy
Pouzard – entre autres – est-elle si difficile à
mettre en place ? Pourquoi, pourquoi continue-t-on à
vouloir empiler la pédagogie d’hier et celle
d’aujourd’hui, à superposer la conception du
savoir des siècles passés et celle du siècle
en marche ? Pourquoi l’école s’obstine-t-elle
à cette parcimonie prudente dans ses réformes,
barrant ainsi la route dans les faits (et non bien sûr dans
le discours) aux dispositifs novateurs ? La question est
posée à Joël de Rosnay qui y répond de
façon directe : « Question de pouvoir ! Les
relations à l’école sont traditionnellement
fondées sur la notion de pouvoir. Mais le nouveau pouvoir,
c’est celui des réseaux». Alors, quelle est la
solution pour les enseignants pressés de mettre en
œuvre les préconisations théoriques du
discours officiel ?
Joël de Rosnay : « Soyez « cybversifs !
»
« Soyez cybversifs ! » La visibilité des
réseaux informels, leur pouvoir, se situe donc dans le
cyberespace. Ce n’est pas par hasard si Gérard
Gonfroy, regrettant que le CAPES de français,
contrairement au CAPES documentation, n’ait pas encore
intégré la dimension « TIC », cite le
site lettres.net, composé d’un réseau
d’enseignants comme un modèle intelligent de
formation et d’auto-formation, ayant réussi à
établir une vraie « connivence » avec les
enseignants.
C’est aussi, pour les enseignants, une façon
d’exister et d’être reconnus puisqu’il
n’existe toujours pas de validation des acquis
extra-statutaires dans la carrière des enseignants,
thème souvent abordé dans les débats
à Hourtin. Les compétences
développées et reconnues en TIC, parfois
validées par un diplôme universitaire
spécialisé, DESS, DEA, doctorat, sont toujours
ignorées dans la gestion administrative de la
carrière de l’enseignant – et, on regrette
d’ajouter, ignorées par les syndicats L’
utilisation « intelligente » de ce réseau
informel d’ enseignants comme formateurs, comme relais et
maillons actifs de l’avancée des TIC sur le terrain
est pourtant un besoin commun à toutes les
académies. Le privilège de l’orchestration de
l’e-éducation sur le terrain revient donc au
réseau formel de l’inspection, de l’Inspecteur
de l’éducation national à l’inspecteur
général. Tout dépend donc pour
l’enseignant « sous couvert »
hiérarchique de la sensibilité personnelle
d’un proviseur, d’un Inspecteur pédagogique
régional (IPR) de leur formation aussi, à la
culture technologique et pas seulement à la manipulation.
Le réseau des CTICE, co-pilotes hybrides, un pied dans le
terrain, l’autre dans la sphère administrative,
s’avère donc toujours indispensable, au moment
où vont être lancés les nouveaux plans
triennaux académiques.
Les réseaux : la thématique des prochaines
manifestations TIC
Le thème des réseaux sera donc repris dans les
prochains évènements TIC concernant le monde
éducatif. Le terme « réseaux » ne
recouvre plus seulement la définition habituelle de
connexion des individus ou des établissements, mais
surtout la notion de travail en réseau et de forces
à mettre en œuvre pour constituer des
communautés virtuelles d’apprentissage, pour
redéfinir les savoirs en fonction de ces nouvelles
redistributions des circuits de l’information et de la
connaissance. Pour rester en Gironde, à Pessac aura lieu
le 21 septembre à la Maison des Sciences de l’Homme
une « Journée Réseaux » qui
s’interrogera sur « les approches
non-linéaires et les manifestations de
créativité et d’auto-organisation
suscitées par l’architecture hypermédiatique
des réseaux. » An@é annonce un colloque
à la Maison de la Promotion sociale à la Maison de
la Promotion Sociale à Artigues le 14 novembre 2001 qui
aura pour thème « De nouveaux défis :
travailler en réseaux ». Avant-programme sur le site
de An@é.
On mesure toute l’urgence pour le système scolaire
de se doter d’un véritable réseau de
communication à l’intérieur même des
établissements, qui rende visible et intelligible dans
pour les enseignants le bouillonnement d’initiatives, y
compris pour les non connectés (car il faudrait mesurer le
nombre d’enseignants qui utilise actuellement les sites des
serveurs académiques et des serveurs institutionnels), qui
devraient être par définition le premier public
cible à informer. Se doter aussi d’outils de
réflexion qui puisse extraire un sens ou des sens –
et des pistes – transférables à tous. Il est urgent
d’établir une passerelle entre le monde le la
recherche et le « terrain ». Faute de quoi
l’intelligence collective sera réservée
à un réseau d’initiés et la question
du sens restera limitée aux débats dans les
séminaires et n’atteindra pas le cœur du
système : la salle des profs et l’imaginaire des
écoliers.
Janique Laudouar
Dates de la prochaine Université d’été
de la Communication : du 26 au 30 août 2002. Le titre :
« Futurs ? »
Comptes-Rendus des débats « éducation »
à Hourtin sur le site de l’An@é :
http://www.acteurs-ecoles.org