Patrice Flichy publie “L’imaginaire d’Internet” (Editions de la découverte, Paris 2001). L’auteur nous invite à poursuivre avec lui le travail engagé dans son précédent ouvrage sur l’innovation technique, pour analyser ce qui se passe au sujet d’Internet. En utilisant le terme « d’imaginaire », l’auteur nous propose d’analyser des écrits sur Internet par des acteurs impliqués (entre autres ses fondateurs) exclusivement nord américain, pour essayer d’en extraire ce qui se cache derrière le discours.
L’imaginaire américain repose ainsi sur trois piliers : – la frontière comme valeur incitant à la mobilité plutôt qu’à la stabilité, – la communauté valeur qui n’est pas celle de la communauté d’intérêts, mais celle de développement communautaire – l’initiative individuelle comme valeur porteuse d’un modèle économique dans lequel chacun a le droit et peut créer son “entreprise” (au sens large du terme, symbolisé par son sens économique habituellement)
La France de son coté elle se trouve face à cet imaginaire américain avec son propre imaginaire. Bien que l’auteur n’ait pas mené d’étude précise en France, il émet des hypothèses.
– La question du “retard français” semble récurrente et indicative d’une forme d’attachement à la diffusion avant même de s’intéresser aux usages (ndr, l’étude des textes des ministres sur les TIC en éducation est assez révélateur).
– La question de la place des pouvoirs publics est omniprésente dans le débat français et semble contradictoire avec la réalité de l’impact des pouvoirs publics sur la diffusion d’une telle technologie (ndr sauf peut-être en éducation). –
– La France n’arrive pas à se doter d’espaces d’expérimentations durables de l’imagination (ndr, regardons ce qui se passe pour les établissements expérimentaux ou encore les structures d’aide à l’innovation).
Cet ouvrage qui tente de faire le lien entre les propos des “pères fondateurs” d’Internet et ceux des acteurs de ces outils ouvre des perspectives intéressantes sur le plan méthodologique, mais aussi sur le plan de l’action. En tentant de répondre à la question : “pourquoi toute notre société est-elle en train de basculer dans les technologies numériques de traitement et de transmission de l’information ?” l’auteur se situe dans un autre lieu que celui de D Wolton, P Virilio, P Levy ou P Breton. Il rend compte d’un fait et tente d’en démonter les mécanismes dans le lien d’un fait avec l’imaginaire collectif. Tous ceux qui veulent mener plus loin l’analyse de ce mouvement trouveront dans cette analyse un éclairage très riche.