Que dit exactement le rapport de la commission Thélot ?
François Dubet, membre de la commission, dément certains extraits publiés dans Le Monde.
Le Monde du 25 aoĂ»t 2004 publie « ce que va proposer le rapport ThĂ©lot pour rĂ©former l’Ă©cole ». Le rapport de la commission doit effectivement prĂ©parer la future loi d’orientation sur l’Ă©ducation annoncĂ©e pour 2005.
Le Monde annonce que « le temps de prĂ©sence dans l’Ă©tablissement serait accru de quatre Ă huit heures pour les professeurs de collège et de lycĂ©e » ainsi qu’un recentrage de l’Ă©ducation sur les fondamentaux : « faire maĂ®triser par tous les Ă©lèves les savoirs et les compĂ©tences jugĂ©es indispensables ou fondamentaux et qui ne peuvent s’acquĂ©rir que durant la première partie de la vie ».
Pour L’HumanitĂ© du 26 aoĂ»t, « les membres de la commission sans dĂ©mentir la version publiĂ©e par le Monde, ont prĂ©venu qu’elle ne datait que de 24 heures et n’avait pas encore Ă©tĂ© validĂ©e ».
Pour François Dubet, la question des 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalaurĂ©at « n’a pas Ă©tĂ© discutĂ©e dans le rapport ». Quant Ă l’augmentation du temps de prĂ©sence, elle serait associĂ©e, dans le document,  » Ă une rĂ©munĂ©ration spĂ©cifique et Ă une baisse du nombre d’heures d’enseignement »; des propositions oubliĂ©es dans l’article du quotidien. Enfin, le rapport demande « un renforcement du contrĂ´le des Ă©tablissements » et non une autonomie intĂ©grale.
Pour François Dubet, l’article du Monde « isole certains Ă©lĂ©ments du document de travail, sortis de leur contexte, de manière Ă provoquer une rĂ©action largement prĂ©visible de la part des enseignants ».
Soutien scolaire : le marchĂ© de l’angoisse
 » L’angoisse existe, elle est normale et naturelle « . Reste Ă l’admettre. C’est par cette phrase forte que François DUBET, chercheur (UniversitĂ© Victor Segalen de Bordeaux II) ouvre la table ronde. Comment ne pas ĂŞtre angoissĂ© pour des parents lorsque l’on sait objectivement que les diffĂ©rences scolaires les plus fines au dĂ©part feront les Ă©carts scolaires les plus grands et des destins scolaires diffĂ©rents ? Les parents savent que les enfants n’hĂ©ritent pas de leur position sociale. Le changement considĂ©rable de l’Ă©cole induit ce comportement parental qui fait que chacun cherche Ă optimiser ce qui se passe Ă l’Ă©cole pour son enfant. Ainsi, plus il y a de mobilisation de sources Ă©ducatives, plus il y a rĂ©ussite scolaire.
T. Vlock, F. Dubet et G. Charvin
Il faut informer les parents sur l’Ă©tat de ce marchĂ© scolaire.
C’est la capacitĂ© stratĂ©gique des parents qui devient le gage de la rĂ©ussite scolaire de leurs enfants plus que leur bagage social ou intellectuel. Il faut donc informer les parents sur l’Ă©tat de ce marchĂ© scolaire qui existe, qui est une demande des parents ET une consĂ©quence de notre système Ă©ducatif qui hypertrophie le poids des diffĂ©rences scolaires. Il ne faut pas s’acharner sur la diffĂ©rence offre publique / offre privĂ©e sans ĂŞtre pour la marchandisation. En rĂ©alitĂ©, on ne sait pas si le soutien scolaire marche. Il rĂ©concilie au moins l’enfant avec l’Ă©cole. Mais ce marchĂ© n’est-il pas le prix Ă payer de notre incapacitĂ© Ă changer le cĹ“ur du système scolaire lui-mĂŞme ?
Ce marché répond à un vide et une angoisse.
Le marchĂ© scolaire, parascolaire est florissant (2 milliards d’euros par an) nous dit Thierry Volck (vice-prĂ©sident de la FCPE). S’il rĂ©pond Ă une angoisse, il correspond aussi Ă un vide. Les parents savent que la rĂ©ussite professionnelle de leurs enfants sera liĂ©e au niveau de diplĂ´me atteint. Mais pour autant, ce marchĂ© correspond-il vraiment Ă une demande des parents ? Non, pas prĂ©cisĂ©ment. Il s’agit plutĂ´t selon T. Volck de rĂ©pondre Ă une situation que les parents de maĂ®trisent pas. Il rĂ©pond au vide de l’institution qui laisse de cĂ´tĂ© ces difficultĂ©s des parents. Pour GĂ©raldine Charvin (Ă©ditions Magnard/Vuibert), le marchĂ© du parascolaire Ă©ditoriel est maintenant stable (sauf pour la maternelle oĂą il augmente encore un peu) autour de 100 millions d’euros par an. Cinq millions d’euros vont au marchĂ© de l’Ă©veil. En ce qui concerne les sites de soutiens scolaires, les chiffres ne sont pas accessibles. Ce qui est observĂ© par la maison c’est une porositĂ© qui naĂ®t dans cette frontière scolaire / parascolaire : il arrive que les enseignants utilisent les ressources parascolaires dans leur enseignement.
Des freins techniques et de contenus Ă l’utilisation des outils multimĂ©dias
Certaines collectivitĂ©s territoriales ont achetĂ© des contenus pour proposer de travailler sur les ENT (espaces numĂ©riques de travail) Ă certains Ă©tablissements. L’expĂ©rimentation picarde par les collectivitĂ©s territoriales est venue essayer de rĂ©pondre Ă deux objectifs : augmenter le contenu proposĂ© et favoriser l’utilisation des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication). Or le bilan de l’action rĂ©vèle trois types de freins. Freins techniques (salles informatiques non libres d’accès par les Ă©lèves par exemple), freins horaires (enseignants ne disposant pas toujours de temps ou de dĂ©charge pour accompagner les Ă©lèves), et de contenus (pas toujours en phase avec la progression de l’enseignant lui-mĂŞme). Le parascolaire doit permettre Ă l’enseignant de prescrire au plus proche des besoins de l’Ă©lève. Effectivement pour le CNED qui fait du soutien scolaire depuis 1939, ce qui a Ă©voluĂ© c’est qu’on trouve un nouveau prescripteur : les collectivitĂ©s territoriales (Marie-Claude Linskens, Directrice du CNED Rouen). Il s’agit de rĂ©pondre Ă un enjeu politique : Ă©lever le niveau de formation de leur population. Les nouvelles technologies amènent un changement dans les fournisseurs de contenu, or l’Ă©ducation nationale n’est pas encore un gros fournisseur. Le principe de gratuitĂ© prĂ©vaut pour les collectivitĂ©s locales et l’objectif est bien de diminuer les Ă©carts scolaires (C. Marre, conseil rĂ©gional d’Aquitaine). C’est pourquoi le Conseil RĂ©gional d’Aquitaine a choisi de proposer le produit Declic aux Ă©tablissements avec internat. La question que l’on peut poser c’est pourquoi est-ce nĂ©cessaire ? Parce que, par exemple, il n’y a qu’un documentaliste au lycĂ©e et que le CDI est fermĂ© Ă 17h00… comment accepter que l’Ă©lève qui rentre chez lui ait ses outils alors que l’interne en soit privĂ© ? Certes ces nouvelles possibilitĂ©s permettent une compensation, mais ce qu’observe la MAIF -qui a mis en place une assistance scolaire personnalisĂ©e- c’est que tous ces outils ne fonctionnement bien que s’ils sont accompagnĂ©s par les enseignants et par les parents… ce qui creuse encore l’Ă©cart vraisemblablement (M. Rigolot, Directeur de la communication, MAIF). Le grand dĂ©bat n’est donc pas sur le marchĂ© du soutien scolaire, mais sur la relation entre le système Ă©ducatif et l’offre privĂ©e ainsi que sur l’articulation du dedans et du dehors (de l’Education Nationale) !
Numérique : la traçabilité des élèves
Plusieurs expĂ©riences de mise en place d’ENT (espaces numĂ©riques de travail) montrent que l’utilisation de ces outils est facilitatrice. Par exemple ARGOS, ENT dĂ©veloppĂ© dans l’acadĂ©mie de Bordeaux, permet une mise en place simplifiĂ©e du B2i. L’intĂ©rĂŞt de l’outil est notamment de pouvoir suivre la validation des items demandĂ©e par chaque Ă©lève de l’Ă©cole primaire Ă la troisième. Les donnĂ©es sont cryptĂ©es et sĂ©curisĂ©es ce qui a permis d’obtenir l’accord de la CNIL. Ces propositions rĂ©pondent Ă de nouvelles demandes de l’institution qui sont tant le dĂ©veloppement d’acquisition de nouvelles compĂ©tences pour les Ă©lèves que la mise en place d’une nouvelle façon de travailler en Ă©quipe pĂ©dagogique (Alain Pomirol, dĂ©lĂ©guĂ© acadĂ©mique adjoint aux TICE au Rectorat de Bordeaux). Ces remarques sont appuyĂ©es par Alexandre Garcia de la mairie de Limoges. Lors de la mise en place de projets qui prennent appui sur les NTIC, ce n’est pas tant la maĂ®trise des outils qui est visĂ©e que rĂ©pondre Ă des besoins qui sont exprimĂ©s par les enseignants, les parents. Chaque nouveau dispositif mis en place implique de retrouver les diffĂ©rents acteurs autour d’une table. En revanche, pour lesite.tv (France 5), David Blanchard (chef de projet technique), ce qui importe Ă la sociĂ©tĂ© France 5, c’est de suivre les groupes d’Ă©lèves (les parcours individuels ne sont pas recensĂ©s) afin de comprendre l’usage du site pour en amĂ©liorer le fonctionnement et/ou le contenu.
Ce n’est pas tout de recueillir les donnĂ©es, c’est Ă l’enseignant de construire des outils pour les rendre interprĂ©tables
Si les logiciels TD maths, TD gĂ©omĂ©trie ou TD physique permettent de recueillir des donnĂ©es individuelles fines, il ne faut pas oublier qu’elles ne sont recueillies que parce que les enseignants ont au prĂ©alable, choisi les critères d’Ă©valuation et leur pondĂ©ration. Il s’agit donc en amont d’un choix humain. Ce n’est pas tout de recueillir les donnĂ©es, c’est Ă l’enseignant de construire des outils pour les rendre interprĂ©tables. C’est ce que Henri Verdier, directeur gĂ©nĂ©ral (Odile Jacob Ă©ducation) souhaite que l’on n’oublie pas. Les donnĂ©es qui  » sortent de la machine  » sont critiquables car les critères d’Ă©valuation ont Ă©tĂ© Ă©tablis de façon empirique.
HĂ©las  » les Ă©valuations en CE2 et 6ème sont très coĂ»teuses et ne servent Ă rien « , pense Alain Bentolila (Professeur, Observatoire national de la lecture – UniversitĂ© Paris Sorbonne). Pourtant on continue car la machine est lancĂ©e. Dans l’acadĂ©mie du Nord moins de 8% des enseignants utilisent ces rĂ©sultats pour mettre en Ĺ“uvre des parcours diffĂ©renciĂ©s. Deux Ă©lèves sur dix sortent du système scolaire sans diplĂ´me et on ne sait rien faire pour ces deux Ă©lèves. L’utilisation de l’informatique ne sert Ă rien, elle ne permet pas d’intervenir auprès de ces deux Ă©lèves.  » Inventer les ENT, c’est exclure encore plus sĂ»rement les exclus « . Utiliser les NTIC ouvre de nouvelles fractures.
Les ENT permettent de lier les acteurs sur la base d’un projet commun
Certes les nouvelles technologies de rĂ©solvent rien, mais les ENT permettent de lier les acteurs sur le partage de l’information et permettent de les mettre en communication les uns avec les autres sur la base d’un projet commun pour amener les Ă©lèves Ă atteindre un objectif, souligne GĂ©rard Puimatto (directeur adjoint du CRDP de Marseille). Jean-Louis Durpaire (IGEN), prĂ©sent dans la salle, conclut en disant que ses observations sur le terrain montrent que les technologies ne sont jamais utilisĂ©es pour les technologies mais qu’il a toujours assistĂ© Ă la mise en place de projet qui utilisent les technologies.