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Sans reprendre toutes les analyses faites sur la massification de l’enseignement secondaire, il faut rappeler brièvement que les collèges et les lycées accueillent parfois des élèves qui ne savent pas vraiment comment réussir à l’école, comment tirer profit de leurs propres erreurs, comment bénéficier des conseils qui leur sont prodigués. Les premières démarches d’accompagnement ont été souvent mises en œuvre pour aider tout simplement les élèves à comprendre ce qu’on attendait d’eux, à faire le point sur leurs résultats, à prendre le temps de réfléchir à la conduite à tenir dans les mois qui suivent un bilan ou un conseil de classe. Ces premières procédures, qui n’étaient d’ailleurs pas spécialement nouvelles, pouvaient être assimilées à du suivi ou du conseil. Elles présentaient toutefois deux particularités : L’apparition dans les textes officiels de la notion de projet personnel de l’élève et l’arrivée en France des démarches d’orientation venues du Canada (ADVP) ont permis aux équipes enseignantes de formaliser une pratique d’accompagnement pour leurs élèves. Cette pratique cherche simultanément à résoudre les problèmes professionnels précédemment évoqués et à favoriser la maturité et l’autonomie des élèves face à leurs résultats, leur orientation et leurs décisions. Accompagner un jeune, c’est lui permettre de tenir dans sa main du temps rassemblé : la relecture des mois ou des semaines écoulés, la clarification de sa situation actuelle, la projection de ce qu’il envisage pour l’avenir, à court et à moyen terme. Accompagner un jeune, c’est prendre le temps de l’écouter, de l’entendre, c’est-à-dire de le comprendre. C’est lui donner les moyens de relire et de discerner pour donner du sens à ce qu’il fait et tisser des liens entre tous les éléments d’information et d’évaluation dispersés sous forme de remarques, d’annotations, d’évaluation et de commentaires. Sans cette culture de la relecture et du discernement, les jeunes, pris dans le tourbillon de la société actuelle, ne peuvent plus donner sens ni à ce qu’ils vivent ni surtout à ce qu’ils choisissent et décident. À tous ceux qui souffrent d’une certaine rupture entre l’univers des adolescents, étiré sur 10 ou 12 ans, et celui des adultes, l’accompagnement permet de rejoindre les jeunes là où ils sont pour leur donner la possibilité de se mettre en route ou de repartir, sans faire peser le risque de la dépendance. Est-elle nécessaire avec tous les ados, dans la mesure où ils sont différents ? Est-elle envisageable dans les classes les plus difficiles ? Spontanément, j’aurais envie de répondre oui. L’accompagnement n’a rien à voir avec le niveau des élèves. Nous parlons d’ailleurs d’accompagnement des jeunes ou des adolescents, ce qui veut bien dire que l’accompagnateur participe au développement et à l’épanouissement d’une personne. En fait, tout être humain au long de sa vie gagne à être accompagné. Chacun de nous a besoin de passer par ces moments précieux où quelqu’un d’autre, qui ne cherche ni pouvoir ni intérêt, nous offre la possibilité de relire une partie de notre vie ou plus simplement une situation dans laquelle nous sommes fortement impliqué. De cette écoute bienveillante, enrichie de questions qui visent à clarifier la situation, émerge presque toujours, pour celui qui est écouté davantage de compréhension des événements traversés. La démarche d’accompagnement d’un élève peut prendre en compte différents domaines de projets : On peut accompagner un jeune par rapport à son projet d’apprendre, par rapport à son projet d’orientation ou son projet professionnel ; certains vont même jusqu’à l’accompagnement de son projet de vie. De fait, rien n’est vraiment hiérarchisé et il est facile de comprendre que ces projets sont parfois interdépendants les uns des autres. Pour des élèves en grande difficulté, l’accompagnateur ne va peut-être pas rentrer par le projet d’apprendre, comme il le fait habituellement avec des élèves en fin de trimestre ou au moment d’échéances importantes. Il va plutôt rentrer par son projet d’orientation voire par son absence de projet d’orientation. Il va entrer dans l’écoute du jeune là où celui-ci a choisi de s’exprimer : Accompagner un élève en grande difficulté c’est souvent accepter de construire avec lui la capacité à se projeter, à envisager l’avenir, à ouvrir tout simplement le monde des possibles. Lorsque la vie a toujours contrecarré vos souhaits et vos désirs, il faut souvent du temps pour reconstruire l’espoir d’un nouveau départ possible. L’accompagnement s’inscrit toujours dans la durée. Ce qui est certain, c’est que face à une classe difficile, l’accompagnement se déclinera d’abord sous sa forme individuelle. Dans un de nos ouvrages, nous avons présenté, Gérard Wiel et moi-même, une démarche pour accompagner le groupe classe. Nous nous adressons bien sûr à des enseignants qui travaillent dans une classe disons normale. Si l’atmosphère de la classe est ingérable, si la confiance entre les jeunes est pour le moment inenvisageable, il est bien évident qu’on ne parlera pas d’accompagnement du groupe classe. Il faudra tendre vers cet objectif à travers des entretiens individuels d’accompagnement qui me paraissent, en contrepartie, absolument indispensables. Comment mettre en place ce dispositif dans un établissement ? Nous avons décrit ces démarches, Gérard Wiel et moi, mais nous sommes loin d’être les seuls. Comme nous, Christiane Durand et Yves Mariani, par exemple, alors formateurs à » Equipes et Projets « , ont publié un cahier avec des apports théoriques et pratiques ainsi que des outils à usage des enseignants et des éducateurs : » Fonder et animer le groupe classe » (juillet 1998). Il est évident qu’un enseignant tout seul ne peut pas se lancer dans cette démarche. Naturellement il peut toujours proposer des entretiens d’accompagnement qui seront très utiles aux jeunes qui en bénéficieront ; mais l’accompagnement ne prend véritablement tout son sens, dans un établissement que s’il fait partie intégrante du projet d’établissement. Concrètement, cela suppose deux conditions : L’heure de vie de classe ? Poser la question de l’heure de vie de classe après ce que nous nous sommes dit sur l’accompagnement, c’est déjà tisser des liens évidents entre ces deux interrogations. L’heure de vie de classe n’est pas une fin en soi, elle est un moyen mis à disposition de projets tels que celui de l’accompagnement des élèves et du groupe classe. Mais pour cela il faut bien sûr qu’il y ait projet. Si l’on veut réaliser tout ce qui vient d’être décrit précédemment, il est même évident que le nombre d’heures légales de vie de classe ne suffit pas. Pour certaines classes qui souhaitent l’intervention de partenaires extérieurs : Une dernière heure de vie de classe, avant les vacances de Noël, permet de faire une relecture du trimestre pour le groupe classe et pour se donner si nécessaire de nouvelles règles du vivre ensemble. Si le chef d’établissement ne veut pas épuiser les professeurs principaux mais au contraire leur permettre de trouver beaucoup d’intérêt dans cette fonction et de construire de nouvelles compétences, il est indispensable que les équipes enseignantes soient elles-mêmes accompagnées, par un accompagnateur extérieur. C’est l’expérience d’être accompagné qui permet de devenir soi-même accompagnateur. Christian Philibert Observatoire National de Pédagogie Présentation de l’ouvrage de Christian Philibert et Gérard Wiel, Accompagner l’adolescence. Du projet de l’élève au projet de vie, Chroniques Sociales, 2002. |
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