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François Jarraud

« Cette évolution de l’offre de formation induira une meilleure cohérence des filières professionnelles en créant des passerelles supplémentaires entre les deux grandes formations de l’enseignement professionnel que sont le C.A.P. et le Bac Pro ». X. Darcos a beau dire sa réforme qui consiste à diminuer d’un an la formation n bac pro mobilise des profs et des lycéens. Un compromis est-il possible ?

Le ministre s’explique

« Alors que la Nation s’est fixé comme objectif d’amener 80 % d’une génération au bac et que les attentes en termes de qualification professionnelle sont de plus en plus fortes, ce cursus d’une durée de quatre ans limite aujourd’hui le nombre d’élèves de la filière professionnelle susceptible d’atteindre le niveau du baccalauréat ». Alors qu’un nombre croissant de lycéens contestent la suppression du bac pro en 4 ans (2 années de Bep puis 2 années de bac pro) et son remplacement parle bac en 3 ans, Xavier Darcos s’explique sur cette décision.

« Cette évolution de l’offre de formation induira une meilleure cohérence des filières professionnelles en créant des passerelles supplémentaires entre les deux grandes formations de l’enseignement professionnel que sont le C.A.P. et le Bac Pro. Ainsi pour les titulaires de C.A.P., la possibilité de rejoindre le baccalauréat professionnel en cours de cursus sera créé… De même les élèves de seconde professionnelle (1ère année du baccalauréat professionnel 3 ans) qui ne souhaiteraient pas aller jusqu’au Bac Pro pourront rejoindre la seconde année de C.A.P. Le B.E.P. sera… délivré à l’issue de la classe de première professionnelle (2nd année de Bac Pro en trois ans) ».

Le ministre entend répondre ainsi aux critiques qui soulignaient la disparition des passerelles entre le BEP et le lycée technologique. Reste un point souligné par l’Inspection générale en 2005 : tous les élèves de 2de professionnelle n’ont pas le niveau scolaire suffisant pour atteindre le niveau bac en 3 ans. Faut-il pour autant les condamner au cap ?

Communiqué

http://www.education.gouv.fr/cid20533/valorisation-de-l-ens[…]

Quand les lycéens disent la même chose que l’Inspection générale…

Les élèves craignent une baisse de niveau de la formation et son inadaptation aux besoins des élèves les plus faibles. La réduction du bac en 4 ans sur 3 années seulement ampute en effet considérablement les heures d’enseignement. La Cgt Education a pu calculer que 612 heures de formation professionnelle disparaîtraient.

Ces revendications sont d’autant plus à prendre au sérieux qu’elles se recoupent avec les observations faites par l’inspecteur général Didier Prat au terme de 4 années d’expérimentation des bacs pros en 3 ans. Il écrivait, en 2005,  » il y a lieu de souligner qu’une grande majorité d’élèves ne peut pas suivre un parcours vers un baccalauréat professionnel en trois ans au terme du collège ». Sur ce point cet avis rejoint les remarques des organisations lycéennes. Et il ajoutait :  » l’enthousiasme suscité lors de la mise en place de cette expérimentation, a laissé place parfois à une certaine perplexité voire à une réticence de la part des enseignants, des élèves ou des apprentis et des responsables institutionnels, compte tenu des difficultés de recrutement et d’une insuffisance d’encadrement ». La crise semble donc venir de loin.

Finalement une réforme appliquée… Si la contestation a obtenu une mise en place plus lente que prévue du bac pro en 3 ans, le réforme est déjà largement appliquée sur le terrain. Fin mai 2008, le Snetaa Eil, majoritaire en L.P., le Snpden Unsa (chefs d’établissement) et l’Id-Faen et le Sgen Cfdt ont signé avec Xavier Darcos un protocole d’accord sur la rénovation de la voie professionnelle.

Ce document entend  » valoriser la voie professionnelle pour assurer au moins une formation de niveau V à tous les jeunes » et « valoriser la voie professionnelle en tant que parcours du CAP au BTS » appelle à « individualiser les parcours pour respecter les rythmes d’acquisition des élèves » et « développer les passerelles entre les formations de niveau V et IV et entre les voies professionnelle, générale et technologique ». Il promet notamment de « garantir dans chaque bassin de formation la possibilité d’une préparation d’un diplôme de niveau V, correspondant aux champs professionnels des baccalauréats professionnels qui y sont enseignés » c’est-à-dire d e maintenir partout la possibilité de passer le bac pro en 4 ans, une revendication très portée par les lycéens.

Sur le plan pédagogique, le relevé de conclusions est plus prolixe, mettant en avant le travail en groupe, les projets (PPCP), les dispositifs de soutien (aide individualisée, modules de remédiation) et des « modules d’accompagnement » destinés à aider les élèves dans la poursuite de leurs études. Il vise à augmenter le nombre de bacheliers professionnels poursuivant dans des formations supérieures courtes (Bts, Dut).

Mais tout un volet concerne les enseignants. Le protocole promet « d’instituer une indemnité spécifique d’enseignement en terminale professionnelle, de reconnaître matériellement le suivi du Contrôle en Cours de Formation, de revaloriser, pour les mettre en cohérence avec celles des autres niveaux, les indemnités de professeur principal en baccalauréat professionnel ». La possibilité d’enseigner dans l’enseignement supérieur sera reconnue aux PLP.

Reste maintenant à faire appliquer cet accord, ce qui, au regard des pressions exercées sur les établissements et des fermetures annoncées au printemps 2009, semble mal parti.

Protocole d’accord

http://media.education.gouv.fr/file/05_mai/61/8/Protocole_d_accor[…]

Relevé de conclusions

http://media.education.gouv.fr/file/05_mai/62/0/Releve_de_conclus[…]

Dans le Café,le rapport Prat

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2005/ac[…]

Pour en savoir plus sur l’enseignement professionnel, deux dossiers du Café

Enseignement professionnel : « ici, tout est plus fort qu’ailleurs… »

Parce que s’y cristallisent toutes les contradictions de l’Ecole (réussite de tous contre sélection sociale, égalité filles/garçons contre division du travail, éducation bienveillante contre instruction structurante, normativité scolaire contre normalisation et contrôle social), tout y est plus fort qu’ailleurs, les réussites comme les échecs.

Travailler dans l’enseignement professionnel, ce peut être sortir de classe émerveillé par la capacité d’une classe de CAP à s’approprier la richesse des points communs de la langue d’Abdelmalik ou celle de Jacques Brel, ou exténué par une lutte sans fin contre 30 individus qu’on n’a pas réussi à mettre au travail. Ce peut être offrir des voies de réussite par une insertion professionnelle réussie, ou constater l’étendue de ravageurs clivages sociaux qui cantonnent les « dominés » dans la reproduction des conditions de vie de leur famille.

La transformation des Bac Pro en trois ans, en lieu et place des deux années de BEP suivies de deux années de Bac Pro, en est une incarnation : sera-t-elle une occasion de « revaloriser les formations en LP », comme le pense une chef d’établissement engagée dans son métier, ou la machine à exclure les plus en difficulté par la suppression des BEP, comme le pense certains syndicats non-signataires ?

Evoquer l’enseignement professionnel, c’est évoquer les destins de ses élèves, dont une partie grossira les rangs des « sans qualification », n’ayant pu trouver dans ce que propose l’école une alternative à leurs difficultés. Problème essentiel dans la perspective d’une « société de la connaissance » qui ne peut tirer sa richesse future que de la qualité de ses cerveaux, il ne saurait être renvoyé à la seule responsabilité des enseignants des filières professionnels, sommés de « faire réussir » par un système qui peine souvent à reconnaître leur « égale dignité » avec leurs pairs du collège et du lycée « général ».

Parce qu’il a su, depuis des décennies, construire malgré tout de grandes réussites, en inventant plus que d’autres des techniques et des manières de faire qui favorisent la mobilisation intellectuelle, l’enseignement professionnel regorge de minuscules succès, de tours de main, d’expériences. Ce dossier en donne quelques uns à voir, si tant est que la richesse des métiers puisse s’écrire…

Un dossier du Café

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/94_sommaire.aspx

Enseignement professionnel : Une institution en mutation

Plus qu’aucun autre secteur éducatif, l’enseignement professionnel est traversé, voir déstabilisé, par des dysfonctionnements, des réformes, des évolutions rapides. La publication du livre d’Aziz Jellab nous donne l’occasion de revenir sur cet enseignement à la fois exemplaire et en crise. Françoise Lantheaume présente les divisions qui fracturent un enseignement marqué par traditionnellement par une unité inscrite dans sa relégation.

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/101_D[…]