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La Peep , deuxième fédération des parents d’élèves de l’enseignement public, tient son 90e congrès à La Rochelle du 20 au 23 mai. 600 congressistes sont réunis pour élire leurs instances nationales, choisir une nouvelle présidence et échanger lors d’ateliers autour du thème de « mieux vivre dans l’école de demain : son handicap, ses difficultés, ses particularités ».

Le programme, au premier abord consensuel, est devenu au cours de la matinée d’ouverture un véritable opus politique.

Consensus local

Don son allocution d’accueil, la présidente de la fédération locale, voit dans la présence des élus locaux, Patrick Larible pour le Conseil Régional et Madame Gros pour la mairie de La Rochelle, la preuve que « la crédibilité de la Peep en Poitou-Charentes dépasse les clivages locaux ». Le thème choisi rassemble, « intégrer l’ensemble des enfants dans la République afin que les principes de la liberté, l’égalité et la fraternité ne soient pas bafoués dès l’enfance », un crédo rappelé à la tribune et généralement partagé. Madame Gros raconte la prise en compte des allergies dans les cantines rochelaises et les efforts réalisés pour assurer la scolarisation des enfants déficients auditifs. Monsieur Larible expose les dispositifs mis en place pour assurer la réussite scolaire de tous, au travers d’aides financières ou de soutien aux initiatives contre le décrochage scolaire, sans oublier la concertation avec parents et élèves au travers des budgets participatifs des lycées. Les forums participatifs sur le handicap ont préparé et développé l’agenda 22 adopté par l’assemblée régionale qui fait de Poitou-Charentes une région en pointe sur ce thème. Il se décline aussi au niveau éducatif avec notamment un diagnostic d’accessibilité des établissements et la diffusion d’un guide pour les enseignants afin de les aider au quotidien dans leurs classes.

Lorsque la présidente de la Peep, Anne Kerkhove, prend la parole, la note consensuelle perdure quelques instants. Elle souhaite dit elle « avoir une école où chaque enfant reçoit une réponse adaptée à ses besoins, ses particularités ». Il faut « donner le goût d’apprendre, construire l’avenir et non pas penser uniquement à passer dans la classe supérieure ». Elle poursuit sur le thème de la réussite scolaire, citant des études où la France est loin de la tête des classements, soulignant l’inefficacité des redoublements, évoquant la nécessité de mieux intégrer les Tice.

« Ni de droite, ni de gauche » ?

Mais est ce la présence de Xavier Darcos, accompagné de Dominique Busserau, président du Conseil Général et Secrétaire d’Etat aux transports, les propos de Madame Kerkove prennent un chemin plus politique pour clamer haut et fort à la fois son soutien aux réformes entreprises par le gouvernement Fillon et sa condamnation des mouvements lycéens et étudiants. « L’école n’est ni de droite ni de gauche c’est l’école de la République, peu importe la couleur politique du gouvernement, si il va dans le bons sens, la Peep est là pour l’appuyer » déclare t’elle sous un tonnerre d’applaudissements qui redoublent lorsqu’elle dénonce les « cours d’éducation syndicale donnés par les enseignants aux élèves qui ne sont pas en grève ». Elle s’exprime, dit elle, au nom de la majorité silencieuse qui souhaite poursuivre ses cours normalement. Les réformes doivent se faire, il faut lutter contre « les immobilismes des conservateurs ».

Les désobéisseurs , et leur appel à désobéir contre l’organisation du soutien scolaire font aussi l’objet de son courroux. « Pour être respecté, il faut être soi même respectable » dit- elle à son public conquis et, étude de l’observatoire de la Peep à l’appui, elle signale que la majorité des parents sont satisfaits des 2 heures de soutien scolaire organisé dans les écoles. Elle admet, que bien que les parents soient les premiers éducateurs de leurs enfants, leur engagement dans l’école est souvent trop faible, la faute aux contraintes de la vie professionnelle, aux pressions de la vie quotidienne mais aussi aux heures de réunion dans les établissements « incompatibles avec les horaires des parents mais compatibles avec ceux des enseignants ». Et pour clore son mandat, placé sous le signe du redressement de la fédération, elle déclare « Nous et nos enfants avons le droit inaliénable d’avoir accès à un service public d’éducation stable ».

Dominique Bussereau, qui prend la parole à son tour, revient vers des terres plus consensuelles, vantant les charmes du département et les vertus de l’école rurale. Il remporte l’assentiment en mentionnant le soutien de la Charente Maritime à la présence du bio dans les cantines et la pose d’éthylotests dans les bus scolaires du pays. Il ne peut s’empêcher toutefois de contribuer à l’ambiance générale en dénonçant « une autre fédération de parents d’élèves » qui a appelé à manifester devant le congrès. Retour de la politique locale, Ségolène Royal en prend aussi pour son grade, soupçonnée d’avoir fait affréter des bus par son organisation, Désir d’avenir, pour garnir les rangs de la manifestation. Lorsque Xavier Darcos prend la parole, il est clair que l’impartialité de la Peep n’est même plus un leurre.

Désobéisseurs vs héros du quotidien

Ses premiers propos vont à Anne Kerkhove pour la remercier pour son action et pour son dialogue constant. « Les valeurs que vous défendez sont les nôtres » et il rappelle que c’est lors du congrès de la Peep à Clermont Ferrand qu’il avait annoncé une partie de sa politique. Ses réformes visent « la personnalisation, l’individualisation des services à rendre par l’école » aux enfants et aux familles. En deux ans de ministère, les réformes ont avancé dans cette voie malgré ceux pour qui « pédagogie rime avec gabegie et démagogie », un coup de griffe au « ministre perpétuel » Jack Lang. Puis, Xavier Darcos développe sa vision politique, basée sur la confiance dans la perfectibilité. C’est cette conviction qui préside à la réforme de l’école primaire Tout enfant doit apprendre et comprendre. Pour le ministre, c’est l’école qui est responsable des 15% d’élèves détectés en échec à la fin de l’école primaire. C’est donc à l’école de prendre en charge la remédiation et non à des structures extérieures. Cela reviendrait alors à « externaliser l’échec », ce que les désobéisseurs, une extrême minorité, n’ont pas compris. Mais magnanime, Xavier Darcos n’en veut pas aux enseignants qui protestent contre ses réformes, il les comprend car « ce n’est pas facile d’être enseignant aujourd’hui ». En majorité, les enseignants « sont des héros du quotidien « qui savent que la vraie idéologie, c’est « d’éclairer les élèves qui sont devant eux ». Que ce soit pour le soutien scolaire ou les stages de langues, c’est « un idéal social » qui anime les réformes : « donner gratuitement à tous ce que les familles fortunées offrent à leurs enfants », un « stage intensif d’anglais pour ceux qui n’ont pas les moyens de faire le voyage à Cambridge ou à Harvard ».

De Clermont à La Rochelle

Le principe est le même pour la réforme du lycée professionnel. « Il faut respecter le choix des élèves et des familles » et permettre à un maximum d’obtenir le bac. Accepterait on que seulement un lycéen sur trois obtienne le bac général ? Pour le ministre, la réforme a suscité peu de protestations d’autant plus que « les élèves qui sont dans les lycées d’enseignement professionnel ne sont pas les fils des faiseurs d’opinion ».

La réforme du lycée subit elle une pause, au grand regret de la Peep. Cette pause était nécessaire car « les jeunes étaient en pétard » en Grèce, en France et ailleurs. L’heure est à la concertation, orchestrée par Richard Descoings (« qui n’est pas un concurrent imposé contrairement à ce que disent les journalistes ») et à l’expérimentation dans les établissements volontaires. La responsabilité partagée entre l’école et les familles avance aussi malgré une certaine « résistance à l’entrée des familles » dans l’école. Les évaluations ont prouvé leur utilité pour les professeurs et sont devenues un droit pour les familles. Vraiment, pour le ministre, les choses ont bien avancé depuis Clermont Ferrand. D’ailleurs, « deux nouvelles libertés » ont été octroyées aux parents : l’assouplissement de la carte scolaire et l’accueil des enfants pendant les grèves.

Bien sur, il reste « des sujets à traiter » à commencer par l’orientation. Une plateforme est en cours d’expérimentation à Amiens. Elle permet avec un système de guichet unique de recueillir les questions des élèves et de leurs parents et de répondre de façon personnalisée sur un délai court. Une certaine transparence sur les débouchés devra être de mise afin d’éviter des orientations vers des métiers qui ne recrutent pas. Les liens avec le monde professionnel vont être renforcés, notamment en créant des banques de stages au niveau académique. Chaque élève aura bientôt un parcours d’orientation et d’insertion avec un suivi individualisé et continu. A la fin de ce discours, serions nous revenus vers des terres plus consensuelles, loin des polémiques ?

Bouquet Final

Pas vraiment, car Xavier Darcos réserve sa surprise du chef pour le bouquet final. La violence scolaire est pour lui le second sujet à traiter en priorité. Elle commence par les jeux dangereux, qui peuvent être favorisés par la « logique de destruction ludique » proposée par les jeux vidéos. Pour le ministre, les phénomènes de violence « sont plus spectaculaires que naguère », les exemples de ces derniers jours le prouvent. Il y a nécessité de chercher des solutions, pas nécessairement par une augmentation des moyens humains mais par une amélioration des moyens matériels et juridiques. Des forces mobiles pourraient être déployées auprès des recteurs pour intervenir de façon préventive ou curative dans les établissements. Les chefs d’établissements pourraient se voir octroyer des compétences d’officier de police judiciaire, les enseignants invités à la fouille des élèves et les établissements garnis de portiques de détection des armes. Pour Xavier Darcos, ce ne sont que des idées car « il ne faut rien s’interdire pour trouver des solutions » contre la violence. Mercredi, une réunion aura lieu au Ministère avec les fédérations de parents d’élèves et des associations impliquées par le thème.

La matinée s’achève par la remise de la médaille de la Peep à Xavier Darcos. Anne de Kerkhove et le ministre se congratulent dans un tonnerre d’applaudissements. Les personnalités présentes signent le livre d’or. Les congressistes partent déjeuner pour revenir plus tard vers leur sujet central : la scolarisation des enfants handicapés ; une pause méridienne pour laisser retomber la tempête des discours.

Monique Royer

Peep

http://www.peep.asso.fr/