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Recette connue : prenez deux campagnes électorales, quelques fait divers et faites réagir les réflexes sécuritaires. Si la violence scolaire existe bien, la campagne sécuritaire impulsée par l’Elysée est-elle susceptible d’apporter des remèdes ?

28 mai : Le discours présidentiel

« L’aggravation du chômage des jeunes risque d’avoir un impact particulièrement néfaste sur les équilibres de notre société en favorisant un sentiment de frustration et d’exclusion chez ceux qui incarnent l’avenir. C’est un drame absolu qui mobilise le Gouvernement ». C’est par cette vision que le président de la République a débuté son discours le 28 mai. A quelques jours des élections, il a annoncé des mesures sécuritaires pour les quartiers populaires et surtout pour l’Ecole.

Le président affirme deux constats. Le premier écarte les politiques d’éducation et de prévention :  » la délinquance ne procède que très rarement de la souffrance sociale. La délinquance résulte simplement de l’attrait de l’argent facile ». Le second décrit une situation d’urgence : « Nous assistons à une banalisation de la présence et de l’usage des armes dans les établissements scolaires… Il faut mettre fin », ajoute-il, « tant qu’il en est encore temps, avant qu’une catastrophe ne se produise, avant qu’une catastrophe ne se produise il faut mettre fin à la banalisation du port d’arme dans la rue, les transports en commun, les établissements scolaires ».

Les mesures annoncées par N. Sarkozy sont celles présentées par X. Darcos le 27 mai. « 184 établissements parmi les plus sensibles vont faire l’objet d’un diagnostic de sécurité à l’issue duquel seront adoptées toutes les mesures nécessaires à leur protection contre les intrusions. J’invite les préfets, les recteurs, les procureurs à veiller au bon déroulement de cette démarche ».

Ces mesures sont précisées. Outre l’installation de portiques de sécurité, le président envisage de donner le droit aux chefs d’établissement de fouiller les élèves. Il annonce la création d’équipes mobiles d’agents « qui viendront épauler sur un plan pédagogique les chefs d’établissement en cas de difficulté ponctuelle relative à la discipline dans un lycée ou un collège ». Il s’agit de « sanctuariser » les établissements scolaires.

Le discours

http://www.elysee.fr/documents/index.php?lang=fr&mode=vi[…]

9 juin : Darcos lance le nouveau plan contre la violence scolaire

Des proviseurs formés par les gendarmes, des portiques, des équipes mobiles d’intervention : le 9 juin, Xavier Darcos a réuni les recteurs pour présenter ses décisions concernant la violence scolaire. Mais il ne fixe pas de calendrier.

« Xavier Darcos réaffirme son refus de voir se banaliser la présence d’armes en milieu scolaire et, plus largement, entend mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des élèves et des personnels de l’Éducation nationale ». Très mal accueilli par les spécialistes, qui le jugent inefficace voire contre-productif, ce 4ème plan Darcos part d’un constat biaisé.

Il comprend 4 volets. Le premier concerne les CPE et chefs d’établissement qui recevraient une « formation à l’exercice de l’autorité » qui pourra inclure un stage dans les services de police. Ils disposeront également du pouvoir de fouiller un cartable Le ministre annonce également une révision des règlements intérieurs et la création d’une équipe mobile dans chaque académie.

En 2002 lors de son premier plan contre la violence scolaire, Xavier Darcos prédisait son rapide effondrement : « L’objectif est de faire baisser la violence de moitié en cinq ans ». On sait ce qu’il en a été. Partant d’un constat erroné sur ce qu’est réellement la violence scolaire, ce plan est-il à même de résoudre cette importante question ?

Communiqué

http://www.education.gouv.fr/cid28418/reunion-avec-xavier-d[…]

La violence scolaire mérite mieux que des réponses démagogiques

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/05/22[…]

A côté de la plaque…

Eric Debarbieux, sans doute le meilleur spécialiste français de la violence scolaire, a l’habitude de dire que sur ce sujet il faut à la fois se garder de minimiser les choses, de les nier et de les sur estimer. C’est le privilège de Nicolas Sarkozy et de Xavier Darcos que de réussir à tomber dans ces deux pièges.

En affirmant que les armes sont devenues « banales » dans les établissements scolaires, Nicolas Sarkozy exploite de façon démesurée des incidents malheureux mais qui ne sont pas en progression. Car les statistiques officielles de la violence scolaire montrent une stabilité de ses manifestations. L’idée qu’il y aurait une urgence vitale à agir dans la précipitation n’est argumentée par rien de sérieux, au point que le président est obligé d’aller chercher ses exemples à l’étranger.

Pour autant, N Sarkozy, tout comme Xavier Darcos, sous-estime la violence scolaire. Tous deux ne réagissent qu’aux incidents les plus médiatisés et réduisent la violence scolaire à celle qui est exercée sur les adultes. Or chacun sait qu’elle se manifeste principalement, et de loin, par le harcèlement répété qu’exercent les jeunes sur certains de leurs camarades. On savait déjà que les mesures envisagées (portiques de sécurité, fouilles, agents spéciaux) étaient irréalistes et inefficaces (comment bloquer une intrusion dans un flux de 1000 élèves, combien de temps pour passer a la machine 1000 cartables à 8 heures ??). Mais le pire c’est qu’elles n’apportent aucun soulagement aux vraies victimes du harcèlement scolaire.

Que reste-il alors de cette déclaration présidentielle ? Certainement rien de concret. Rien dans ce programme ne peut aboutir à des applications effectives. Le Snpden ne s’y trompe pas quand il relève qu’aucun budget ne l’accompagne. Rien si ce n’est la démonstration que pour la droite l’Ecole est devenu un objet électoral. Certes le rapport Apparu montre qu’il reste à droite des contributeurs de qualité aux débats sur l’Ecole. Ailleurs la droite libérale a su protéger l’Ecole des tendances les plus conservatrices au nom de l’efficacité. Mais l’exemple présidentiel peut nous faire craindre une utilisation politique « à la genevoise » des thèmes scolaires. On sait à quel point les campagnes politiques des conservateurs genevois et vaudois ont pesé négativement sur les systèmes éducatifs de ces cantons. On sait aussi ce que cela a signifié plus généralement dans ces cantons pour les enjeux de société en général de voir la droite autoritaire dominer la droite libérale.

Pour ces raisons là aussi, le discours présidentiel est une mauvaise nouvelle pour l’Ecole. C’est aussi un signal de sa radicalisation.

Dossier Violence scolaire

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Eric Debarbieux

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Changer de paradigme pour Claude Lelièvre

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Dossier : Le harcèlement enfin au grand jour

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/97[…]

Les réactions au discours de N Sarkozy

Pour le Snpden, premier syndicat de chefs d’établissement, la « sanctuarisation » « en plus des questions de choix éducatifs qu’elle soulève, nécessiterait la mobilisation de moyens financiers considérables qui peuvent être évalués à plusieurs milliards d’euros par an mais qui n’ont pas été évoqués ». La principale mesure effective, l’habilitation à ouvrir les sacs « n’est guère décisive… Actuellement, la prise en charge d’un élève soupçonné d’avoir une arme ne pose pas de difficulté même sans ce droit ». Le Snpden craint une mise en cause des chefs d’établissement. « Le risque de désigner par avance les responsables d’éventuels incidents dramatiques à venir, les personnels de direction qui n’auront pas fouillé, ou fait fouiller, ou pas assez ou pas comme il fallait, alors même que, comme pour d’autres missions qui leur sont confiées, ils ne disposent pas des ressources humaines nécessaires ». Le Snpden demande des mesures « réalistes ». Il souligne aussi que les violences en milieu scolaire n’ont pas augmenté.

Le SE-UNSA dénonce, à quelques jours d’une échéance électorale, « une opération de communication aussi démagogique que contre-productive… En s’entêtant à supprimer des milliers d’emplois à l’Education Nationale, le gouvernement prive l’Ecole d’autant d’adultes chargés de la surveillance et de la prévention au quotidien ».

Mis en cause par la politique élyséenne, les présidents de région réagissent au discours de Sarkozy en dénonçant des mesures inefficaces. « Plutôt que d’installer des portiques (…), le gouvernement ferait mieux de rétablir les emplois d’aides éducateurs, de surveillants et d’enseignants qu’il supprime année après année », a déclaré Jacques Auxiette, président de la commission éducation de l’association des régions de France. « Le président de la République et son gouvernement, en s’en prenant directement aux jeunes et faisant de leurs parents les seuls responsables de l’insécurité, piétinent les principes et les valeurs de notre République fondés sur les droits de l’homme et de l’enfant. Cette attitude est indigne ».

Seul le nouveau président de la Peep manifeste sa satisfaction.  » Qu’on donne des prérogatives juridiques pour permettre d’effectuer des fouilles dans les cartables ça va dans le bon sens. Qu’on puisse fouiller un élève avant qu’il ne commette l’irréparable est une bonne chose ».

La Peep

http://fr.news.yahoo.com/3/20090528/tfr-education-secu[…]

J Auxiette

http://fr.news.yahoo.com/3/20090528/tpl-education-secu[…]

Le Se-Unsa

http://www.se-unsa.org/spip.php?article1683

Violence scolaire : A la « précipitation » de l’Elysée, Paris oppose la concertation

« Plus que des réponses élaborées dans la précipitation et sans concertation, c’est un travail en commun sans cesse approfondi avec les services de l’Etat, les collectivités territoriales, les associations et les acteurs de terrain que nous appelons de nos vœux afin de construire des réponses pérennes et efficaces ». La municipalité parisienne, sous la plume de Colombe Brossel, Georges Sarre, Gisèle Stievenard, Myriam El Khomri et Bruno Julliard, réagit aux annonces élyséennes sur la sécurisation des établissements scolaires.

 » Nous regrettons l’absence de toute concertation avec les élus locaux, en préalable de ces annonces : ce sont pourtant les collectivités territoriales et en premier lieu les départements qui sont compétents et financent les travaux dans les collèges, y compris ceux destinés à leur sécurisation » soulignent les élus parisiens. Ils rappellent le rôle de l’encadrement.  » Qui d’autre que les enseignants, les Conseillers Principaux d’Education et d’Orientation, les personnels qualifiés de Vie Scolaire, les infirmières, assistantes sociales et psychologues scolaires peuvent contribuer au quotidien à la sérénité au sein des établissements ? »

Communiqué

http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?page_id=1[…]

Sécuriser

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