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J. Friedrich : « Etre au plus proche de l’expérience dans l’analyse de l’activité ? »
fr Dans leur travail quotidien, on demande aux éducateurs d’être à la fois engagés et distants. Mais comment s’ils prennent-ils ? Quels problèmes rencontrent-ils dans leur activité ?
Un des premiers constats est que dans le centre que nous avons observé (« centre de jour » à Genève), l’organisation de la journée est constamment modifié, réorganisé, sans que l’origine des modifications soit toujours identifiable. De même, la coordination du travail, l’identification des différentes tâches à réaliser dans l’établissement ne sont pas toujours formalisées, ce dont se plaignent les personnels, en même temps qu’ils réclament contradictoirement de ne pas trop rigidifier le fonctionnement. Les règles de vie ne sont pas non plus très réglementées, et les écarts de comportement des élèves ne sont pas toujours sanctionnés à l’identique, malgré les fréquents rappels au réglement.
Si on peut penser que cette nécessité d’ajustement permanent pour des élèves en rupture scolaire, encore faut-il que les « règles d’action » soient intelligibles pour les personnels eux-mêmes comme pour les jeunes. Le travail avec les chercheurs permet de « faire voir » ou de « faire sentir » les « noeuds énigmatiques » de l’expérience des professionnels, dans le but que cette explicitation soit partagée avec les personnels pour qu’ils comprennent que les problèmes qu’ils rencontrent sont davantage liée à leur situation professionnelle elle-même qu’aux conflits de personne ou aux contingences locales. Sans cette dimension, on ne comprend que difficilement « ce qu’ils doivent vivre pour que leur activité soit viable ».
Jean-Luc Tomas et Bernard Prost : « construire des référentiels de dilemmes plutôt que des référentiels de bonnes pratiques »
fr Dans le monde du travail, dans la production comme dans les services, on parle souvent de référentiels d’activités, alors qu’en fait ce sont des référentiels de tâches. A l’inverse, les référentiels de qualifications ou les diplômes sont pensés comme un répertoire de compétences à déployer pour être qualifié, pas pour être efficace dans le travail.
Leur équipe travaille avec des syndicalistes CGC, eux-mêmes cadres salariés, qui cherchent à faire valider leur expérience syndicale dans un cadre de VAE. Ils co-construisent avec eux une analyse de leur activité de syndicaliste pour qu’ils puissent, à partir de leur analyse, construire des points de référence, des « dilemmes génériques ». Par exemple dans leurs fonctions de juge aux prudhommes, comment représenter en même temps la loi et les salariés ? Comment « appliquer le droit du travail » tout en développant de nouveaux espaces de droits à inversir ? Leur travail de recherche, ancré dans la clinique du travail chère à Y. Clot, ne produit pas de référentiel de concepts, d’invariants ou de « bonnes pratiques », mais un référentiel de dilemmes, comme des invariants historiques de métier se renouvelant sans cesse dans le travail. « Le dilemme n’est pas attaché à la circonstance, il est alors abstrait. En le testant dans le réel, on peut alors en mesurer l’efficacité pour permettre aux sujets de prendre conscience de leurs compétences et de leurs savoirs et développer leur métier, ce qui est l’essentiel ». Dans ce cas précis, comprendre qu’ils sont plus souvent « juges de paix » à la Salomon plutôt qu’exécutants spécialistes du Code du Travail, ça change tout…