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Par Françoise Solliec

Quels sont les besoins des acteurs de terrain en termes de ressources numériques ? Peut-on en déduire un modèle éditorial ? Ces ressources changent-elles la pédagogie ? Pour qui sont-elles le plus efficaces ? Les échanges autour de ces questions devraient induire quelques recommandations.

Dans l’atelier ressources numériques, animé par Thierry de Vulpillières (Microsoft) et Jean-Marc Merriaux (France Télévision), ce sont les utilisateurs qui ont initié la discussion.

Pour Gilles Moindrot, secrétaire national du SNUipp, la situation dans le 1er degré est assez hétérogène et d’ailleurs pas très bien connue du ministère. Si la plan d’équipement lié au dispositif Ecole numérique rural a donné un coup d’accélérateur, ce n’est pas pour autant que les TICE sont partout facteur de changement. Malgré l’engagement personnel important des enseignants, il est absolument nécessaire de consentir un effort important de formation, tant initiale que continue.

Fabienne Saint-Germain, professeur d’histoire et de géographie dans un collège des Landes, reconnaît bénéficier d’une situation exceptionnelle aussi bien pour les équipements que pour les ressources (portables individuels des élèves de 4ème et 3ème, projection dans toutes les salles, manuels numériques). Elle estime cependant que les manuels ne sont pas encore assez enrichis et qu’il faudrait développer des ressources audio et vidéo nouvelles chaque année, adaptées à des outils de plus en plus nomades et à des handicaps spécifiques des élèves.

Pour Patricia Humann, de l’Unaf, beaucoup de problématiques éducatives témoignent de la distance famille école. Mais le travail en commun peut entraîner de nombreuses avancées. Les ressources numériques offrent un sujet intéressant pour une telle collaboration car elles peuvent faciliter la communication et apporter une motivation aux élèves.

Les éditeurs présents (Didier, Nathan, Hachette, Jériko) estiment avoir une idée assez précise des désirs des enseignants, mais se trouvent confrontés à un modèle de production. Faut-il aller vers des ressources plus interactives et plus fines évoluant plus rapidement, destinées à des publics plus restreints, ou conserver un public large avec un fonds commun nécessairement moins évolutif ? Pour ajouter encore à la difficulté, les pratiques des enseignants sont très différentes selon leur niveau d’utilisation des outils numériques, notamment le TNI. Même s’ils sont très conscients de la nécessité d’offrir davantage de services personnalisés, les éditeurs restent très attachés au principe du manuel scénarisé, garantissant une cohérence pédagogique. Le lien avec les ENT va-t-il bouleverser ces représentations ?

Les 40 ans d’expérience dans le domaine de l’informatique de Bernard Cornu, directeur de l’innovation au CNED, lui font poser la question de ce qui a vraiment changé. On a numérisé le tableau, la craie, les manuels, mais cela a peu changé l’école en profondeur. Sur quels axiomes devraient se fonder des politiques éducatives efficaces ? Est-il raisonnable de laisser les élèves se confronter seuls aux apprentissages alors que le travail est de plus en plus en collaboration ?

Le numérique représente un changement de fond dans la société, affirme le délégué de Renaissance numérique, une association « focalisant ses réflexions et ses actions sur la réduction des fractures numériques ». On est dans une phase où la transmission des savoirs n’est plus seulement descendante : les grands apprennent aussi des petits.

Pour Jean-François Cerisier, directeur d’une unité de recherche à l’université de Poitiers, Il faut introduire dans la boucle de définition des ressources tous les acteurs, enseignants, élèves, parents, éditeurs, … en donnant à chacun sa place et en capitalisant les expériences. Les utilisateurs souhaitent disposer de ressources à haute valeur ajoutée : il serait donc efficace d’identifier les situations dans lesquelles elles seront le plus utiles, notamment pour certaines difficultés comme la dyspraxie.

Elena Pasquinelli, du groupe Compas, de l’ENS, estime que le numérique facilite la décentralisation de l’école, mais que son développement doit s’accompagner de protocoles précis d’évaluation, avec des batteries de tests rigoureux, et de partage, avec des espaces de diffusion de bonne pratiques.

Claudio Cimelli, conseiller TICE du recteur de Créteil décrit brièvement deux des expérimentations dans lesquelles est engagée l’académie. La mise ne place de collèges numériques, bénéficiant d’équipements, de contenus et d’outils comme l’ENT, montre la nécessité d’un projet animé par la plus large partie de l’équipe éducative, si l’on veut que les enseignants s’approprient les ressources et que les élèves puissent bénéficier d’un enseignement où elles soient intégrées. De même l’utilisation du jeu sérieux est une façon d’aborder différemment les modalités d’apprentissage, en donnant aux élèves un rôle actif, qui stimule en même temps leur réflexion.

Jean Denis, DGESCO, estime que le rôle de l’école n’est plus de former des citoyens pour l’état, mais des citoyens de l’état. Pour les 12 millions d’élèves, le ministère ne peut qu’avoir un rôle de prescripteur de contenus. C’est ensuite aux acteurs de terrain qu’appartient concrètement la définition de la transmission des savoirs.

Pour Gilles Braun, de la SDTICE, qui doit d’ailleurs prochainement être intégrée dans la DGESCO, les produits numériques diffusés doivent d’abord être bien adaptés aux supports, TNI ou outils nomades. Les manuels numériques et les parcours pédagogiques doivent être davantage pensés en direction des élèves. La réflexion sur le soutien personnalisé est à poursuivre avec sans doute l’élaboration de plates-formes internes à l’établissement.

Malgré les avancées technologiques en termes d’animation 3D ou d’élaboration de jeux sérieux, les fondements pédagogiques ne sont pas assez présents. L’apport pédagogique du 3D n’est pas souvent justifié, et les éléments qui pourraient faire d’un jeu sérieux un bon outil pédagogique comme l’utilisation de stratégies variées ou des passages de niveaux sont peu fréquents.