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Par François Jarraud

« On dialogue c’est mieux. On a des déclarations positives, c’est mieux aussi. Mais on attend toujours des résultats ». Mardi 6 juillet, au lendemain d’une victoire au Conseil d’Etat sur la question de la formation des enseignants, Jean-Jacques Hazan, président de la Fcpe, et Patrice Portula, nouveau secrétaire général, recevaient la presse pour faire le bilan de l’An I de Luc Chatel à la tête de l’éducation nationale. Plus qu’un point de la situation, la Fcpe s’interroge sur l’avenir.

Rentrée : des difficultés à venir. Cette année encore l’affectation des élèves est difficile dans plusieurs académies du sud (Montpellier, Toulouse, Aix Marseille) dans l’enseignement professionnel, affirme JJ Hazan. Plus de deux mille élèves seraient en attente à Toulouse à l’entrée en seconde et première. « L’éducation nationale ne sais pas tirer parti des erreurs passées » souligne JJ Hazan qui rappelle que la situation était identique l’an dernier. En maternelle la dégradation continue. Dans plusieurs académies les enfants ne sont scolarisés qu’à 3 ans révolus. « Comment fera l’Education nationale en 2011 ? » interroge-t-il, « sachant qu’il y aura 50 000 enfants de plus du fait du mini baby boom de l’an 2000 ? »

Une question non résolue : les manuels de seconde. La FCPE a, à de maintes reprises, fait part au ministère de ses inquiétudes sur le coût pour les parents de l’achat des manuels de lycée à la prochaine rentrée, qu’elle évalue à environ 240 euros par élève entrant en seconde (plus de deux fois le coût habituel supporté par les familles). « Ce coût se répétera en plus sur trois années pour une même cohorte d’élèves qui suivra la mise en place progressive de la réforme en première puis en terminale », insiste JJ Hazan. La FCPE demande un remplacement échelonné des manuels scolaires sur plusieurs années, comme cela se met d’ailleurs en place à certains endroits. Actuellement les familles sont prises dans une confrontation entre l’Etat, qui ne veut rien entendre, et les régions. Or ces dernières ne pourront pas payer le surcoût des manuels. « Rien qu’en Ile-de-France il faudrait que la région paye 125 millions d’euros de frais supplémentaires , ce n’est pas possible ».

Remplacements : Faire respecter le droit à l’éducation. Patrice Portula rappelle le chiffre donné par le ministère : 90% des heures sont remplacées dès la première heure. Un taux qui semble très positif, mais qui montre que 10% des heures ne le sont pas. Au total on atteindrait 2,2 millions d’heures perdues, ce qui fait beaucoup pour un pays qui menace de sanctionner les familles au bout de quelques demi-journées d’absence. Sur son site « Yapacours » , la Fcpe a recueilli 25 000 déclarations d’absences non remplacées. Elle n’hésitera pas à faire condamner l’Etat si c’est nécessaire pour faire respecter le droit à l’éducation. La Fcpe veut « des actes ».

Evaluations : Revenir à des évaluations diagnostics. La Fcpe participe aux discussions avec le ministère sur la redéfinition des évaluations de CE1 et CM2 entreprise par Luc Chatel. Elle « ne cesse de réaffirmer l’intérêt qu’elle porte à des évaluations dont l’objet serait d’estimer où en sont les élèves de primaire à différents moments de leur scolarité dans l’acquisition des objectifs attendus en fin de cycle, dans le cadre du socle commun. Ceci permettrait de lutter contre l’échec scolaire et de mettre en place une pédagogie différenciée pour aider les élèves à effectuer leur scolarité, et en particulier leur passage dans le cycle suivant, dans de bonnes conditions ». Elle souhaite qu’elles soient placées au début du Ce1 ou Ce2, début Cm2 ou début 6ème, début 3ème ou début 2de.  » Des évaluations de rentrée sont les seuls qui serviraient réellement à l’enseignant pour mettre en place des dispositifs pédagogiques afin de remédier aux difficultés des élèves ».

Réformes en cours : passer des paroles aux actes. JJ Hazan souligne le changement d’ambiance avec Luc Chatel. « On dialogue. Le ministre fait des déclarations globalement positives, par exemple sur le remplacement , où il juge nos demandes « justifiées » ou encore sur le temps scolaire. Mais il faut maintenant que les actes suivent les paroles ». Or la Fcpe fait part de ses inquiétudes. Sur la réforme du lycée que la Fcpe a soutenu parce qu’elle apporte accompagnement et tutorat. « Où est l’impulsion ? » demande JJ Hazan. Inquiétude aussi sur les rythmes scolaires. « Les discussions au ministère ont été très intéressantes. La FCPE a obtenu que, dans la circulaire de rentrée 2010, le ministre de l’Education nationale rappelle, qu’il est possible de répartir les heures sur quatre jours et demi et incite les recteurs et inspecteurs d’académie à favoriser les projets des écoles qui souhaiteraient fonctionner ainsi. Elle regrette néanmoins que les inspecteurs d’académie n’aient pas favorisé les demandes de passages à la semaine de quatre jours et demi, contrairement aux injonctions de la circulaire de rentrée. Ainsi, dans les Deux-Sèvres, l’IA a même bloqué les demandes de dérogation à la semaine de 4 jours ». La Fcpe demande que l’intérêt des enfants prime sur celui des adultes, en clair, le retour partout aux 4 jours et demi par semaine au primaire. Pour tous, l’allongement deux semaines des congés de Toussaint, c’est-à-dire le raccourcissement d’autant des congés d’été.

« Le bilan de cette première année de Luc Chatel est très différent de celui de Xavier Darcos« , estime JJ Hazan. « Des choses ont bougé et avancé comme la mise en place de l’accompagnement personnalisée et du tutorat au lycée. Il faut maintenant réaliser concrètement ces décisions. Or on est inquiet pour les suppressions de postes et les fractures qui se développent dans l’Ecole. L’éducation nationale reste au milieu du gué ».

François Jarraud