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Par François Jarraud

La loi sur l’absentéisme n’est pas seulement inefficace. Elle instaure une sorte de « responsabilité familiale collective » en lieu et place de l’exercice d’un droit social. En cela elle rompt avec les principes des droits individuels qui fondent la République et installe une nouvelle morale tribale. Il existe pourtant des politiques alternatives.

Une méthode scolairement inefficace. Nul besoin d’attendre pour connaître l’efficacité des mesures proposés par la loi Ciotti. Cette politique de sanction familiale est appliquée en Angleterre depuis des années. Le pays a mis en place des mesures hyper répressives, qui vont d’ailleurs au-delà de la suppression des allocations familiales. De 2005 à 2007, pas moins de 133 parents ont été embastillés pour cette seule raison. Et près de 10 000 amendes sont distribuées chaque année. Or les derniers chiffres, publiés justement en mars 2010, montrent que cette politique est totalement inefficace. Jamais l’absentéisme n’a été aussi élevé en Angleterre qu’en 2008-2009. 1,05% des cours sont manqués sans autorisation, ce qui est le plus fort taux jamais enregistré. En 2007 il était de 0,97%. D’année en année, le taux d’absentéisme n’a cessé de progresser en Angleterre.

C’est que l’absentéisme a des causes nombreuses, certaines étant parfaitement légitimes comme la volonté d’échapper au racket, la nécessité de travailler, une situation familiale difficile, une orientation désastreuse etc.

La crise de la parentalité est d’ailleurs contestée par les sociologues qui montrent plutôt que les parents encadrent davantage leurs enfants que dans le passé. Ainsi les jeunes passent plus de temps avec leurs parents : 70% passent régulièrement du temps avec leur mère, contre 62% en 1986. 85% des parents veulent savoir où leurs enfants vont. C’était 79% en 1986. Alors comment expliquer la montée des comportements répréhensibles ? Les chercheurs incriminent la pression des groupes de jeunes et la culture jeune. Pas les parents. Punir les parents ne sert donc à rien. Bref, une petite visite sur le terrain, dans les établissements où ce taux est le plus important, pourrait amener les élus UMP à sortir de leur position de donneurs de leçons de morale pour aller sur le terrain social.

Quelles politiques alternatives ? Il se trouve que le bulletin d’avril 2010 (n°107) de l’Inspection académique du Nord est justement consacré à la lutte contre le décrochage. Il rend compte des efforts de l’académie dans un climat social difficile, par exemple à travers le SYMSER, système mutualisé de suivi des élèves en région et le plan d’action signé entre l’Etat et la région. Selon lui, « le décrochage génère des dégâts humains et sociaux considérables. Il interroge l’institution scolaire dans ses missions essentielles ».

Pour l’inspection académique du Nord, la lutte contre le décrochage repose sur 4 principes. Le premier est l’individualisation.  » L’important est de comprendre pourquoi un élève décroche » écrit Jean-Pierre Polvent, inspecteur d’académie. Et Serge Boimare montre que le décrochage se nourrit par exemple d’un véritable « empêchement de penser » chez certains élèves, une situation imperméable à l’autorité. D’autres critères, sociaux par exemple, peuvent intervenir. « La plupart des dispositifs expérimentés mettent l’accent sur l’individualisation de l’accompagnement des élèves concernés » conclut une réunion d ebassin. Le second principe c’est l’importance du lien avec la famille. « il faut veiller à maintenir ou restaurer un lien avec les familles » écrit la revue. « La lutte contre le décrochage doit nécessairement favoriser l’émergence d’un nouveau mode de coopération avec les parents ». Le troisième principe c’est l’effort pédagogique qui est nécessaire. « L’individualisation des parcours , pour les décrocheurs, amène à se demander si le dispositif d’enseignement de droit commun est suffisant », interroge la revue. Cette situation s’aggrave quand l’offre de formation se dégrade, ce qui est parfois le cas dans l’enseignement professionnel du fait des économies budgétaires. Enfin le dernier principe c’est le partenariat qui doit s’installer entre les différents acteurs, malgré les différences de « rationalité » comme le dit la revue.

A l’évidence la proposition de loi Ciotti ne teint pas compte de ces expériences. A l’individualisation il oppose l’automatisme. A la restauration du lien familial il préfère le conflit avec les familles et la fragilisation du lien familial. A l’effort pédagogique il oppose l’obligation scolaire. Enfin le partenariat entre institution est remplacé par l’obligation méfiante faite au fonctionnaire, placé dans une situation d’automate. Si la majorité adoptait la loi Ciotti, elle manifesterait sa rupture avec le principe républicain du droit individuel, une préférence « nationale » à l’idéologisation des rapports sociaux aux dépens de l’efficacité. Elle signerait également une étape sur le chemin qui la pousse à préparer en 2012 une alliance avec l’extrême droite. Adieu la République !

Bulletin départemental Nord

http://netia59a.ac-lille.fr/~siteia/bulletin_departemental/[…]

Faut-il punir les parents ?

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/10/19[…]

Sur le décrochage

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/84_M[…]

Les derniers chiffres anglais

http://www.dcsf.gov.uk/rsgateway/DB/SFR/s000918/index.shtml

1300 collèges expérimenteront la mallette des parents

Le ministère avait promis son extension à la rentrée 2010. Finalement c’est Le Figaro qui annonce que 1300 collèges seront désignés fin juin pour utiliser la mallette.

Testée dans l’académie de Créteil, la malette avait été mentionnée par le président de la République en janvier dernier. Elle avait fait l’objet d’une évaluation positive par des experts de l’Ecole d’économie de Paris (E Maurin, N Guyon, M Gurgand et F Avvisati). Il s’agit d’un « outil de communication partagé entre l’institution, les intervenants de laMallette et les parents pour faciliter leurs échanges », explique le rectorat de Créteil. « La réussite scolaire des élèves dépend d’interactions multiples entre la famille, l’école et l’environnement. La clarification des rôles de chacun a pour objectif de créer des synergies entre tous les acteurs, au service de la réussite scolaire des élèves ». Le dispositif consiste en trois réunions débats réunissant parents d’élèves de 6ème et acteurs du collège, axées sur l’aide que le sparents peuvent apporter aux enfants, les relations avec le collège et la connaissance de son fonctionnement. Selon l’étude, « le premier effet notable de ce programme est un surcroît d’implication des parents auprès de l’institution scolaire et un eplus forte implication auprès de leurs enfants à la maison ».

Article du Figaro

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/05/28/01016-20[…]

Les parents mieux accueillis ?

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/201[…]

Sur le site du Café