Print Friendly, PDF & Email

Première réunion de travail mardi 10 juillet pour chacun des groupes de travail de la concertation pour la refondation de l’Ecole. Premières désillusions aussi. Interrogée par le Café, à l’issue de la réunion du groupe de travail sur la réussite pour tous, la sociologue Marie Duru-Bellat marque son pessimisme.

Pour le groupe de travail sur « la réussite scolaire pour tous » la question du jour c’est le socle commun. « Si le socle commun participe d’une évolution démocratique de notre système éducatif, le dispositif actuel est trop complexe », explique la brochure officielle de la concertation. « Son articulation avec les programmes n’est pas réussie, notamment au collège et entraîne des difficultés d’organisation et de mise en oeuvre pour les professeurs… Il paraît indispensable d’envisager l’évolution du socle commun dans sa conception comme dans ses composantes… Le groupe de travail s’interrogera également sur la certification en fin de scolarité avec les complémentarités à étudier entre l’évaluation du socle commun, le livret scolaire et le diplôme national du brevet ».

D’où vient le socle ?

Sans doute était-il difficile de marquer en termes plus diplomatiques l’échec de la mise en place du socle au collège. Institué par la loi Fillion de 2005, le socle commun de connaissances et de compétences a été d’emblée combattu par une partie de la majorité qui l’avait voté. Le jour même de l’installation du « gardien » du socle, le Haut conseil de l’éducation (HCE), G. de Robien annonçait la création des DIMA, un dispositif dérogatoire au « socle commun » ! Rien de changé sous Luc Chatel. Cette année encore, la définition du nouveau brevet mis en place en 2013 maintient l’ancien examen et exige une validation bureaucratique du socle…

Pourtant l’idée d’une formation de base que tout citoyen doit posséder s’impose dans de nombreux pays développés. Elle comprend à la fois connaissances et compétences. Au Québec, par exemple, c’est en 1996 qu’un consensus sur l’éducation a mis en place « le renouveau pédagogique ». Pendant les neuf premières années de la scolarité, on ne découpe plus l’enseignement en disciplines ou matières distinctes, mais en domaines d’apprentissage regroupant plusieurs matières, en fait les langues, la technologie et les sciences, « l’univers social », les arts et le « développement personnel » (EPS et enseignement moral). Cette organisation brise avec l’approche strictement disciplinaire habituelle ce qui facilite l’autre aspect de renouveau, l’approche par compétences : les compétences intellectuelles, méthodologiques, celles liées aux attitudes et aux comportements et les compétences linguistiques, c’est-à-dire la langue d’enseignement (français ou anglais) dans toutes les disciplines ou matières. Elles se font dans les domaines d’apprentissage. Une dizaine d’années plus tard, le Québec, comme le Canada, se situe au 5ème rang des résultats de Pisa 2009 avec un taux particulièrement peu élevé d’élèves faibles : ils sont deux fois moins nombreux que dans la moyenne de Pisa.

Une concertation en dialogue de sourds ?

Première constatation mardi 10 juillet : l’espoir est encore là ! Les personnalités participant à la concertation sont bien présentes. Pour le groupe « réussite de tous », la salle est pleine et on a du mal à trouver un siège. Après un exposé de Claude Lelièvre sur l’histoire du socle en France, la parole est donnée au public. En fait deux catégories de participants vont la monopoliser : des inspecteurs et, surtout, les syndicats. Les inspecteurs interviennent surtout sur l’application du socle, entre autre la place de la maternelle. Chaque organisation syndicale rappelle son point de vue sur le socle, souvent en lisant un texte préparé longuement à l’avance… Plusieurs marquent, sans surprise, leur opposition à l’idée de participer à l’évolution du socle. Peu, comme le Snuipp, appellent à dépasser les oppositions traditionnelles et à « sortir par le haut » en s’interrogeant sur l’échec scolaire. Cet éventail des opinions syndicales étant déjà largement connu antérieurement, la concertation semble partie pour piétiner. Le miracle n’est pas au rendez-vous.

Parents contre profs ?

Leur attitude tranche avec les positions des associations de parents qui sont favorables au socle mais dont les interventions sont noyées dans le flot syndical. Rendez-vous est pris pour deux prochaines réunions sur le socle dont on annonce qu’elles devraient être plus cadrées.

« Si je suis pessimiste c’est que la question est ancienne », nous déclare à la sortie Marie Duru-Bellat. « Le problème c’est pourquoi on n’y arrive pas. On n’y arrive pas parce que les instruments d’évaluation des résultats de l’Ecole ne sont pas au point et c’est fondamental. Ensuite il y a des intérêts divergeants entre les enseignants, certains contre le socle parce qu’il pourrait remettre en cause leur statut, et les parents qui ont un autre point de vue ».

Coincée entre ces oppositions, la concertation réussira-t-elle à  » faire émerger une responsabilité commune » comme le souhaite Vincent Peillon ? A défaut, elle pourrait laisser les mains libres au gouvernement pour désigner les processus permettant la réforme de l’Ecole.

François Jarraud

Dossier Québec