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Chapitre 4 de notre saga de l’été

Ainsi que l’on pouvait le constater lors de la dernière coupe d’Europe de football, non, les Suédois ne sont pas tous grands et blonds. Le dieu actuel des enfants est d’ailleurs Zlatan Ibrahimovic, dont les parents ont immigré de Bosnie et Croatie. Le foot n’est d’ailleurs pas pris du tout à la légère en Suède, et en particulier à Göteborg. La ville, qui accueille un championnat international de jeunes, compte un nombre impressionnant de clubs tenus par des entraineurs bénévoles ! À ma grande surprise, filles et garçons se passionnent à part égale pour ce sport ! Les enfants que je rencontre connaissent parfois très bien la géographie française… grâce à ses clubs de football !

Le cliché a pourtant ses fondements : le Suédois grand, blond, mangeur de Wasa et sportif se rencontre aisément. Les parcs pullulent de joggeurs aux cheveux clairs et à la ligne svelte. L’obésité de semble d’ailleurs que peu toucher ce pays, malgré la quantité importante de sucrerie que les enfants ingèrent (il existe même une expression désignant le samedi comme « le jour des enfants », celui qui autorise la consommation ces friandises). Mais qui sont donc les enfants suédois ?

Par sa politique d’accueil des populations, la Suède compte beaucoup de citoyens immigrés. Se voulant pays du multiculturalisme, ce pays s’est voulu terre d’accueil tolérante, qui respecte notamment les langues et cultures des immigrants. Cependant, sa politique sociale, très liée à la culture nordique, va parfois à l’encontre de certaines traditions étrangères. Les écoles de banlieues semblent parfois souffrir de cette différence ressentie par les enseignants. En effet, en raison de l’absence de carte scolaire et du manque de logement à bas coût en centre-ville, les populations originaires de l’immigration habitent souvent en banlieue, remplissant les mêmes écoles. C’est ainsi que je passe deux jours dans un établissement comptant près de 90% d’élèves originaires de familles issues des différentes vagues historiques de l’immigration (finlandaise après la seconde guerre mondiale, européenne et du Moyen-Orient dans les années 70, puis en provenance d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Afrique).

Les quinze élèves de la classe de 6ème grade d’Inger frappe par la diversité de leur origine. Seul Samuel est né en Suède ! Inger tire parti dès qu’elle le peut de cette richesse mais regrette que la mixité ne soit pas plus grande.

L’école de banlieue que je visite à Frölunda est une école publique. Elle est cependant dotée d’un staff de direction important : directrice, directrice adjointe, responsable pédagogique, secrétaire, comptable… C’est la conséquence de la grande autonomie confiée aux établissements. Et c’est cette direction qui se charge de la mise en place de projets qui teinte l’histoire et la vie de l’école. A Vättnedalsskolan, ainsi que se nomme l’école, afin de faire face à une surreprésentation de population non originaire de Suède (à titre d’exemple, la classe de 6ème grade ne compte qu’un seul élève né sur le territoire suédois), l’équipe dirigeante a choisi d’intensifier les contacts avec les parents.

Les parents d’élèves sont incités à pénétrer le plus souvent possible dans les bâtiments de l’école et à participer à de nombreuses opérations. C’est ainsi qu’au matin du second jour de ma visite je découvre que toute la cour de récréation s’est couverte de peintures. Dans la salle des enseignants, les membres de l’équipe exposent des photos de l’événement : la veille, tout l’après-midi, les parents qui le souhaitaient sont venus, en compagnie des enfants et de l’équipe pédagogique, nettoyer toute la cour et la couvrir de décorations colorées. « Cela permet de faire comprendre aux parents qu’ils sont partie prenante de l’éducation que nous apportons à leur enfant. Nous somme une même équipe », m’explique-t-on.

En un après-midi, la cour de récréation s’est parée de couleurs grâce à l’aide des parents !

Une ouverture et un rapprochement qui ne se tourne pas seulement à destination des populations d’origine étrangères : l’homosexualité est particulièrement tolérée dans ce pays nordique. Durant mon séjour à lieu l’équivalent suédois de la « Gay Pride ». A cette occasion, toute la ville se pare de drapeaux aux couleurs de l’événement, jusque dans les églises ! Toutes ces volontés d’ouverture m’apparaissent bienvenues… mais je reste sceptique. Le couple qui m’héberge confirme quelques unes de mes suppositions : le « politiquement correct » est monnaie courante en Suède. « On aime beaucoup dire que l’on fait tout pour le mieux, et on l’affiche. Ce qui se dit dans l’intimité des familles ressemble plus à ce qui se passe ces derniers temps dans les isoloirs de vote : un conservatisme montant. »

La Suède, pays de l’innovation radicale ou du conservatisme rigoriste ? Alors que sa situation sociale place ce pays dans un dilemme important, entre volonté d’accueil de toutes les traditions étrangères et nécessité de cohésion nationale, les choix appartiennent au pouvoir politique. A l’instar d’autres pays européens, les partis d’extrême-droite trouvent un écho grandissant au sein d’une partie de la population. Une tendance à suivre…

Eva Ruaut

Sur le site du Café