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Peut-on passer à coté de l’enseignement mobile ? Dans de nombreux pays, comme le montre le séminaire international Mobile Learning Week organisé par l’Unesco du 18 au 22 février, la question ne se pose plus. Devant les expériences thaïlandaise, indienne ou nigeriane, les rares tentatives hexagonales font pâle figure. L’enseignement nomade semble bien être l’avenir du numérique éducatif.

Pourquoi l’enseignement nomade est-il une voie d’avenir ? Tout simplement parce que, selon l’Unesco, en 2013 il y aura sur terre autant d’appareils mobiles connectés que d’êtres humains . Dans de nombreux pays le téléphone portable est nettement plus présent que l’école. Dans les pays développés 4 personnes sur 5 possèdent un téléphone portable et une grande partie a des fonctions avancées. Dans les pays en voie de développement c’est déjà pratiquement 2 sur 5. Enfin s’ajoutent à cet arsenal les tablettes de tous types qui connaissent une diffusion supérieure à celle des ordinateurs PC.

La Mobile Learning Week réunie par l’Unesco réunit des experts pour échanger sur les pratiques éducatives. Comment ces technologies peuvent –elles servir l’alphabétisation de tous ? Comment peuvent-elles accompagner le développement professionnel des enseignants ? Dans quelle mesure peuvent-elles appuyer l’égalité et la parité ? Toutes les présentations sur la semaine tournent autour de ces problématiques. Elles réunissent plusieurs centaines de participants venus de 90 pays. Et quelques grands groupes d’où se détache Nokia, longtemps numéro un mondial du téléphone portable.

L’Unesco publie des « Principes directeurs pour l’apprentissage mobile » qui affirment que « la technologie mobile peut permettre d’étendre et d’enrichir les possibilités éducatives des apprenants ». L’organisation souligne l’avantage économique du portable « une technologie plus facile à acquérir et à utiliser soi-même que l’ordinateur de bureau. Au Pakistan, l’organisation soutient un programme d’aide à l’alphabétisation des filles. Dans les villages isolés et pour cette population marginalisée, le portable permet de s’entraîner à la lecture et à l’écriture et donc de ne pas perdre les quelques acquis obtenus à l’école.

Permettre l’alphabétisation de tous, soutenir la parité, le programme Nokia Life en est un bon exemple. C’est sans doute l’expérimentation la plus poussée. Nokia Life est installé en Inde, en Chine et au Nigéria et compte plus de 90 millions d’abonnés. Pour moins d’un euro par mois, les personnes louent mensuellement des services d’informations par SMS déclinés dans 18 langues. Les services les plus demandés concernent les activités économiques. Avec Nokia Life, on connait les cours du marché ou on apprend à épandre des produits phytosanitaires. Quand vous ajoutez le don d’un « Pink Phone » Nokia avec ces services , vous soutenez de fait la cause de la parité. Au Cambodge, le « téléphone rose » permet aux femmes de gagner de l’argent et donc de la liberté simplement par l’accès à l’information. Le téléphone a une belle coque rose pour éviter que le mari ou le grand frère le confisque… Au Nigéria, Nokia Life donne des cours par SMS à des femmes qui vont monter leur micro entreprise. « L’éducation est un investissement, les gens s’en rendent compte », souligne Bhanu Potta, responsable Nokia pour ce programme, « et ils paient de petites sommes pour le programme ».

Nokia Life sert aussi à la formation professionnelle des enseignants. En Inde, Mobil Train suit 2000 enseignants du sud du pays. Ils reçoivent des conseils sur leur téléphone portable par SMS en langue locale selon une progression réfléchie. Des tests réguliers permettent de faire le point. Dans un pays où 99% des enseignants ont échoué à l’examen se qualification, Mobil Train est un outil pour faire réfléchir à ses pratiques et les améliorer. Pour Bhanu Potta, le programme réussit parce qu’il ne dirige pas les enseignants. « Il faut mettre els enseignants dans un processus créatif dans leur salle de classe. Il faut équiper l’enseignant mais pas intervenir lourdement ». Pour lui les enseignants sont très conscients des compétences qu’ils gagnent avec ce programme. Nokia soutient aussi en Colombie un programme d’aide aux enseignants avec une tablette Elife Tablet for Teachers. Elle fournit aux enseignants des plans de leçons tout prêts qu’ils peuvent emmener directement en classe. Il s’agit surtout de cours de gestion d’entreprise ou de finances. Les enseignants utilisent aussi la tablette pour échanger entre eux. Au Sénégal, une expérimentation suit par portable une centaine d’enseignants de CE1 et CM2. Il s’agit d’aider les enseignants en leur proposant des ressources téléchargeables sur le portable depuis une plateforme Internet. Mais le portable suit aussi les élèves. Dans un pays où les classes ont 70 élèves, c’est un vrai avantage de leur donner la possibilité de recevoir des cours et des exercices sur un téléphone portable.

Face aux 90 millions d’abonnés de Nokia Life, les expériences francophones sont fort minces. A Madagascar , Orange soutient un programme d’aide aux enseignants en leur prêtant 500 portables. Ils peuvent échanger à tout moment des SMS et des messages audio entre enseignants ou avec les tuteurs. Les conseils, des quizz stimulent sans arrêt des enseignants souvent très isolés. L’expérience est en cours. Elle a déjà réussi à faire une grande découverte : 80% de ces 500 enseignants malgaches ont besoin de lunettes.

Ces lunettes, Orange pourrait les offrir aussi aux responsables français. Sous Darcos, la conseillère TICE du ministre s’opposait au développement de services éducatifs sur téléphone portable de peur que les élèves découvrent les services Internet… Alors que chaque collégien et lycéen possède un téléphone portable et très souvent un smartphone, l’institution scolaire ne s’intéresse qu’au téléphone des parents pour signaler les absences. Les réseaux d’établissement restent fermés et ne permettent pas la connexion de ces terminaux Internet qui, de toutes façons, sont encore traqués par les règlements intérieurs.

François Jarraud

Le programme de la Mobile Learning Week