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Comment faire évoluer les conceptions sur l’évaluation sans tout changer ? Comment choisir l’évaluation par compétences tout en supprimant un Livret personnel de compétences abhorré ? Comment supprimer le brevet tout en maintenant un examen final ? Les « premières propositions » du Conseil supérieur des programmes (CSP) cherchent un équilibre qu’il appartiendra à la ministre de valider ou non.

Publiées le 1er décembre, les « premières propositions du CSP pour l’évaluation et la validation du socle commun » avancent à pas feutrés vers la réforme de l’évaluation voulue par la loi d’orientation et la volonté ministérielle sans rompre avec l’existant. Le Conseil fixe des « idées directrices » avant d’entrer dans les propositions concrètes et une grille de la « maîtrise attendue » qui laissera le lecteur sur sa faim.

La fin de la moyenne des moyennes

Des « idées directrices », dont l’objectif est « d’engager une discussion indispensable », on retiendra surtout le refus des moyennes de moyennes. Sur ce point le CSP rompt avec une tradition française qui s’est instituée aussi pour permettre des évaluations encyclopédiques. « Si le recours à une note chiffrée peut être en certains cas pertinent », note le CSP, « la pratique des moyennes de moyennes qui a pour conséquence un système de compensation généralisée, ne fournit aucune indication sur les apprentissages de l’élève et devrait donc être abandonnée ». A l a place le CSP invite à « un travail collectif au sein des équipes éducatives au service d’une conception renouvelée de la notation » à l’échelle d’un établissement ou d’une académie.

S’agissant de la validation du socle commun, le CSP propose qu’elle vaille attribution du brevet. Il propose de mettre fin à la dualité absurde du système actuel où compétences et examen final coexistent chacun dans son coin. Si le socle n’est pas validé en fin de 3ème, « des solutions de poursuite » doivent être proposées à l’élève par exemple en 2de.

Supprimer le LPC ou pas ?

En apparence c’est la fin du Livret personnel de compétences (LPC). Mais la validation du socle se fait par la validation de 8 blocs de compétences pour lesquels le CSP propose des niveaux de maitrise. Ainsi la maitrise de la langue française suppose la capacité à présenter des informations, interagir à l’oral de façon argumentée, utiliser l’écrit pour stabiliser des connaissances, rédiger des textes structurés ». Utiliser des langages scientifiques aboutit à « Maîtriser le calcul et contrôler la vraisemblance des résultats. Utiliser et produire des représentations (graphiques, tableaux, schémas …) adaptées à la situation : organiser, analyser, exploiter des données. Schématiser des relations de cause à effet. Réaliser des programmations simples à l’aide d’un logiciel ». La formulation de ces niveaux de maitrise reste bien générale. Pour ces 8 blocs de compétences, le CSP refuse toute compensation entre els blocs.

Une évaluation nationale ou pas ?

En apparence c’est la fin du LPC. Car la CSP suggère des bilans de fin de cycle avec des « situations d’évaluation sommative » et des exercices « choisis dans une banque nationale » permettant « un suivi des progressions de l’élève ». En clair le CSP propose des batteries de tests nationaux permettant une évaluation nationale informatisée axée sur 4 niveaux de maitrise. ON a donc bien un document d’évaluation des compétences même s’il n s’appelle pas LPC. « Cette information n’a pas à faire l’objet d’une exploitation administrative qui pourrait conduire à une comparaison des résultats entre établissements », souligne le CSP. Le risque est bien perçu…

Un brevet final ou pas ?

En fin de cycle 4 le brevet a disparu. Mais pas les épreuves finales. Le CSP propose deux « projets personnels conduits l’un en classe de quatrième, l’autre en classe de troisième, impliquant une production (sur tout support), inscrits dans des champs disciplinaires différents et présentés oralement devant un jury ». S’y ajoute « une épreuve terminale d’examen anonymée, définie nationalement, à sujet national ou académique » évaluant plusieurs compétences. Et enfin « des situations d’évaluation certificative mises en oeuvre au cours du cycle 4, conçues collectivement par les enseignants de chaque établissement à partir d’une banque nationale ou académique d’exemples ». Si le brevet a disparu, l’épreuve finale portant sur des compétences phares avec sujet académique reste. Le CSP y ajoute deux exposés qui rappellent les Itinéraires de découverte.

Au final les propositions du CSP trouvent un équilibre entre des exigences opposées. Entre les partisans d’un contrôle continu des compétences et ceux de l’examen final, le CSP choisit… les deux. Entre l’évaluation sommative et l’approche par compétences, il marie là aussi les deux. Entre l’évaluation locale et le pilotage national d’indicateurs, il tente aussi d’atteindre les deux. Comme les degrés de maitrise attendus éclairent peu l’évaluation finale, les propositions du CSP laissent un large choix à la définition ministérielle de la validation du socle. Car c’est bien la ministre qui aura à décider le maintien ou non de cet équilibre fragile. Pour les enseignants le principal changement serait le refus de la compensation entre compétences. Avec elle il n’y aurait pas de socle commun. Sans elle, comment valider le socle ? Le CSP ne le dit pas…

François Jarraud

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