Près de 90 000 enseignants de maternelle ont Ă©tĂ© consultĂ©s Ă l’automne sur le nouveau programme proposĂ© par le Conseil supĂ©rieur des programmes (CSP). La Dgesco publie la remontĂ©e des consultations acadĂ©miques. Si globalement ces programmes suscitent l’adhĂ©sion, les enseignants cherchent davantage de garantie d’une rupture avec les programmes de 2008.
« Les enseignants apprĂ©cient le projet de programme en tant qu’il favorise la libertĂ© pĂ©dagogique. Ils estiment que le texte est porteur d’ambitions fortes pour l’Ă©cole maternelle », Ă©crit la Dgesco. De fait les enseignants estiment que la spĂ©cificitĂ© de l’Ă©cole maternelle, niĂ©e si grossièrement par X Darcos, est bien affirmĂ©e dans le nouveau programme. La prise en compte de l’enfant dans sa globalitĂ©, et non simplement de l’Ă©lève, est bien accueillie. La place du jeu, l’idĂ©e de « apprendre ensemble pour vivre ensemble », l’insistance mises sur la bienveillance et la mise en sĂ©curitĂ© des enfants sont apprĂ©ciĂ©s. Les enseignants voient dans ce nouveau programme  » une reconnaissance du rĂ´le et de la spĂ©cificitĂ© de l’Ă©cole maternelle et des compĂ©tences professionnelles qu’elle implique ».
Des améliorations
Mais il attendent des amĂ©liorations. Le texte est jugĂ© « illisible » et les enseignants demandent « des tableaux synthĂ©tiques » et davantage d’information sur la mise en oeuvre du programme. Il y a aussi une demande de documents d’accompagnement. Surtout les enseignants veulent ĂŞtre rassurĂ©s sur al finalitĂ© du programme. L’insistance mise sur la fin du cycle maternelle fait toujours craindre le retour d’une « primarisation » de la maternelle. Selon la Dgesco,  » le nombre d’attendus de fin de cycle est trop Ă©levĂ©. Ils ne permettent pas d’organiser la progression et l’Ă©valuation des apprentissages sur la base d’observables prĂ©cis. Certains attendus sont inadaptĂ©s aux capacitĂ©s des Ă©lèves, ce qui peut sembler en contradiction avec la volontĂ© affichĂ©e de tenir compte du dĂ©veloppement de l’enfant « .
Restent des lacunes qui sont soulignĂ©es par les enseignants. Le numĂ©rique n’est pas traitĂ© Ă sa juste place, estiment les enseignants. Les moins de trois ans mĂ©riteraient aussi un dĂ©veloppement spĂ©cifique. La liaison maternelle – Ă©lĂ©mentaire Ă©galement.
Attention Ă l’anticipation
RĂ©agissant Ă cette publication, le Snuipp craint toujours  » une anticipation prĂ©maturĂ©e des apprentissages qui ne profitent jamais aux enfants plus fragiles ». Le syndicat demande  » des clarifications concernant l’Ă©valuation des Ă©lèves… Il est impensable d’imaginer un livret d’Ă©valuation comportant les 135 attendus de fin de maternelle. Il ne faudrait pas transformer la Grande Section en « classe d’Ă©valuation ». Il est indispensable de dĂ©gager des grandes compĂ©tences et des niveaux d’acquisitions valorisant les progrès. »
F. Jarraud
La synthèse de la consultation
http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/events/programmes-d[…]
Le nouveau programme de maternelle
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/07/04072014Article63[…]
Nouveau programme : Le dossier
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/matern[…]
 » Du fait mĂŞme de son existence, un texte qui entretiendrait la confusion constituerait un frein majeur au progrès de la didactique des premiers apprentissages numĂ©riques et, donc, au progrès vers une Ă©cole qui produit moins d’Ă©chec avec les nombres et moins d’inĂ©galitĂ©. » Revenant sur la consultation des programmes de maternelle, RĂ©mi Brissiaud les analyse au regard de ce qu’il appelle « la Renaissance de la pĂ©dagogie du nombre », issue du consensus des psychologues dĂ©veloppementalistes. Pour lui, « la version courte du projet de programme prend en compte certaines donnĂ©es de la recherche, mais pas la plus importante ».
Les professeurs des Ă©coles ont Ă©tĂ© consultĂ©s sur le projet de programme maternelle et une synthèse de cette consultation est en ligne sur le site eduscol (1). Il faut se rĂ©jouir que, concernant le nombre Ă l’Ă©cole maternelle, ils aient manifestĂ© leur accord avec les principales Ă©volutions par rapport aux programmes de 2002 et 2008. Rappelons que deux nouveautĂ©s importantes sont d’une part le domaine d’Ă©tude des nombres et, Ă ce propos, le rapport note que « plusieurs synthèses dĂ©partementales expriment leur satisfaction concernant la limitation du cardinal Ă 10 », et d’autre part, l’importance soulignĂ©e de travailler les dĂ©compositions des nombres : lĂ encore, les professeurs des Ă©coles ont fait part de leur satisfaction. Dans un programme, les nouveautĂ©s sont toujours un sujet sensible et l’accord des enseignants est Ă©videmment de bon augure. Il y a cependant un point sur lequel il convient de revenir : la prise en compte des donnĂ©es de la recherche.
En effet, dans la synthèse, une affirmation avancée par les personnes consultées ne correspond malheureusement pas à la réalité : « Le projet de programme a pris en compte les données de la recherche » (en gras dans le texte). Il aurait été préférable de dire « La version courte du projet de programme a pris en compte certaines données de la recherche, mais pas la plus importante ».
Ce que la recherche scientifique a apportĂ© de plus important depuis 2008 : une dĂ©finition du dĂ©nombrement fondĂ©e sur l’itĂ©ration de l’unitĂ©
PrĂ©cisons d’emblĂ©e que les dĂ©veloppements qui suivent concernent les nombres Ă partir de 4 parce que tout laisse Ă penser que l’accès aux 3 premiers nombres sera bien dĂ©crit dans le programme maternelle. Explicitons ce que la recherche nous a appris de plus important depuis 2008 et, dans ce but, considĂ©rons une pratique pĂ©dagogique courante et très recommandĂ©e depuis 25 ans environ. Les Ă©tudiants des ESPE, après ceux des Ă©coles normales et des IUFM, apprennent que les Ă©lèves doivent dĂ©velopper des connaissances leur permettant de garder la mĂ©moire des quantitĂ©s. La situation pĂ©dagogique recommandĂ©e Ă cet effet est celle oĂą l’Ă©lève est devant une collection de pots de peinture et oĂą l’enseignant lui demande d’aller chercher Ă l’autre bout de la classe, en un seul voyage, une collection de pinceaux qui conduise Ă mettre exactement un pinceau dans chaque pot (correspondance terme Ă terme). Or, pour rĂ©ussir ce problème, il suffit de compter-numĂ©roter les pots (le 1, le 2, le 3, le 4, le 5, le 6, par exemple) et de compter-numĂ©roter Ă l’identique les pinceaux. La collection de numĂ©ros 123456 est ainsi utilisĂ©e comme collection intermĂ©diaire pour construire une collection Ă©quipotente (cet adjectif signifie : « qui peut ĂŞtre mise en correspondance terme Ă terme »).
Dans une variante de la situation prĂ©cĂ©dente, l’enseignant rĂ©partit les rĂ´les entre deux enfants : celui qui est devant les pots doit rĂ©diger un message Ă©crit Ă celui qui est devant les Ĺ“ufs parce qu’il incombera Ă cet autre enfant de construire la collection destinĂ©e Ă ĂŞtre mise en correspondance terme Ă terme. On imagine facilement que les Ă©lèves vont progressivement prendre conscience que le message « 6 » fonctionne aussi bien que le message « 123456 » : quand on sait rĂ©citer les numĂ©ros dans l’ordre, il suffit de mĂ©moriser le dernier pour garder la mĂ©moire de ceux qui prĂ©cèdent. Les Ă©lèves vont ainsi apprendre Ă nominaliser leur reprĂ©sentation de la quantitĂ© : pour eux, le mot « six », le chiffre 6, vaut pour 123456, il devient le nom de la quantitĂ©. Quand on demandera « 6 cubes » aux Ă©lèves, par exemple, ils interprèteront le mot « 6 » comme un raccourci de 123456 et ils construiront une collection de cubes par correspondance terme Ă terme avec cette collection de numĂ©ros (c’est le comptage-numĂ©rotage). Dans un tel cas, on dira que l’expression « 6 cubes » renvoie à « une quantitĂ© reprĂ©sentĂ©e par une collection de numĂ©ros ».
Il faut le dire : les psychologues dĂ©veloppementalistes ont longtemps considĂ©rĂ© que la rĂ©ussite Ă ce genre de tâche (2) attesterait de l’accès au nombre. Aujourd’hui, cette confusion entre la reprĂ©sentation de la quantitĂ© par une collection de numĂ©ros et l’accès au nombre a cessĂ© : les chercheurs ont redĂ©couvert le rĂ´le fondamental de l’accès aux stratĂ©gies de composition-dĂ©composition et, notamment, de l’accès Ă ce qu’on appelle l’itĂ©ration de l’unitĂ© et dont nous allons rappeler la dĂ©finition parce qu’elle n’est pas tellement diffusĂ©e. Les chercheurs sont dorĂ©navant unanimes pour considĂ©rer que lorsqu’un enfant utilise l’expression « 6 cubes », celle-ci ne dĂ©signe authentiquement un nombre de cubes que lorsqu’il sait composer une collection correspondante en utilisant la propriĂ©tĂ© de formation successive des nombres par ajout d’une nouvelle unitĂ© : « 1 cube ; et-encore-1, 2 cubes ; et-encore-1, 3 cubes ; et-encore-1, 4 cubes ; et-encore-1, 5 cubes ; et-encore-1, 6 cubes ». Seul un tel comptage permet d’accĂ©der au « nombre de cubes », seul un tel comptage est un dĂ©nombrement.
Ces deux façons de compter sont complètement diffĂ©rentes parce que, selon qu’il utilise l’une ou l’autre façon, l’enseignant n’attire pas du tout l’attention de l’enfant sur les mĂŞmes propriĂ©tĂ©s. Le comptage-numĂ©rotage théâtralise la correspondance terme Ă terme 1 mot – 1 objet alors que le comptage-dĂ©nombrement théâtralise l’itĂ©ration de l’unitĂ© : chaque mot prononcĂ© dĂ©signe une nouvelle quantitĂ©, celle qui rĂ©sulte de l’ajout d’une nouvelle unitĂ©. Articulons encore mieux les notions de quantitĂ© et de nombre grâce Ă la notion de « nombre de… » : chez l’enfant, le nombre n’apparaĂ®t Ă©videmment pas sous la forme des nombres naturels manipulĂ©s par les mathĂ©maticiens, il apparaĂ®t en tant que « nombre de… » (« 8 cubes », par exemple) mais, dès ce niveau, sa nature est de mettre en relation des quantitĂ©s qui se suivent, du moins lorsqu’on a authentiquement affaire Ă un « nombre de… » et non Ă une simple « quantitĂ© de… ».
Disons-le autrement : mettre la mĂŞme Ă©tiquette verbale, celle de « numĂ©rique », sur un usage de l’expression « 8 cubes » quand celle-ci dĂ©signe seulement la quantitĂ© (cas oĂą « 8 cubes » renvoie Ă 12345678) et quand elle renvoie Ă des relations entre quantitĂ©s (cas oĂą l’enfant sait notamment que 8 cubes, c’est 7 cubes et-encore-1), c’est faire obstacle Ă la comprĂ©hension du processus d’abstraction qui permet l’accès au nombre : chez l’enfant, le nombre prend naissance dans la construction d’un « nombre de… » diffĂ©rent d’une simple « quantitĂ© de… » parce qu’il participe de la mise en relation des diffĂ©rentes quantitĂ©s. La difficultĂ© pour les pĂ©dagogues rĂ©sulte du fait que la mĂŞme expression « 8 cubes » par exemple, doit ĂŞtre interprĂ©tĂ©e comme renvoyant seulement Ă une « quantitĂ© de… » dans la bouche de certains enfants alors qu’il s’agit d’un « nombre de… » dans celle d’autres.
Qui sont les chercheurs qui s’accordent sur cette dĂ©finition du dĂ©nombrement ?
Parmi les psychologues proches des problĂ©matiques Ă©ducationnelles, il faut distinguer Karen Fuson, Arthur Baroody et Catherine Sophian qui, mĂŞme s’ils n’exprimaient pas la distinction entre le nombre et la reprĂ©sentation de la quantitĂ© par une collection de numĂ©ros comme on peut le faire aujourd’hui, ont largement contribuĂ© par leurs travaux Ă donner accès Ă cette distinction. Dans une perspective plus gĂ©nĂ©raliste, il faut mettre en avant Susan Carey, professeure au MIT puis Ă Harvard ainsi que deux de ses plus brillants Ă©tudiants, eux-mĂŞmes devenus professeurs de psychologie dĂ©veloppementale respectivement Ă Irvine (Californie) et Mexico : Barbara Sarnecka et Mathieu Le Corre. Il faut distinguer Ă©galement Lance Rips (Northwestern University) ainsi que David Barner (UniversitĂ© de Californie), spĂ©cialiste du rĂ´le du langage dans les apprentissages. Et en France ? Il faut Ă©videmment parler de la position de Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France.
On sait que les bĂ©bĂ©s ont la compĂ©tence innĂ©e de se reprĂ©senter la grandeur des collections (en anglais magnitude), qu’ils sont capables de distinguer deux d’entre elles lorsque leurs tailles sont suffisamment diffĂ©rentes. PlutĂ´t que de parler d’un système innĂ© de reprĂ©sentation et de traitement des grandeurs, Stanislas Dehaene a prĂ©fĂ©rĂ© parler d’un système innĂ© de nombres approximatifs (« Approximative Number System ») qui constituerait la « bosse des maths » dont disposerait tout petit d’homme Ă sa naissance (3). Le rĂ´le d’un tel système innĂ© dans le progrès des enfants vers le nombre est très dĂ©battu aujourd’hui (4). Au sein de son laboratoire, certains chercheurs ont ressenti le besoin de disposer d’une autre façon de parler du nombre dans les cas oĂą le traitement Ă©tudiĂ© n’est pas approximatif. C’est ainsi qu’en 2008, Stanislas Dehaene a cosignĂ© avec VĂ©ronique Izard un article dans lequel celle-ci a introduit le concept de « nombre exact » (5).
Qu’est-ce qu’un nombre exact ? Quand on s’exprime de façon quotidienne un nombre est nĂ©cessairement exact, le nombre 4 est exact, par exemple. En fait, il est impossible de comprendre pourquoi certains chercheurs ont introduit un tel concept si l’on ignore qu’ils voulaient diffĂ©rencier les « vrais nombres » des nombres approximatifs qui seraient innĂ©s. Un « nombre exact » est donc un nombre, tout simplement, et, dans l’article cosignĂ© par Stanislas Dehaene, il est dĂ©crit comme rĂ©sultant chez l’enfant de l’appropriation de… l’itĂ©ration de l’unitĂ© (6). Ainsi, Stanislas Dehaene et ses collaborateurs participent de l’unanimitĂ© Ă©voquĂ©e ici : dans leurs Ă©crits, il suffit de remplacer « nombre exact » par « nombre » et l’on retrouve la dĂ©finition qui fait l’unanimitĂ©. Ayant intĂ©grĂ© aujourd’hui le laboratoire de Psychologie de la Perception Ă l’UniversitĂ© Paris 5 – Sorbonne, VĂ©ronique Izard collabore avec Arlette Streri et publie des Ă©tudes parmi les plus intĂ©ressantes permettant de distinguer le concept de quantitĂ©, qui se fonde dans la correspondance terme Ă terme, et celui de nombre qui se fonde dans l’itĂ©ration de l’unitĂ©.
Il faut enfin citer Jean Piaget et, plus encore, Pierre GrĂ©co qui fut le premier, dans les annĂ©es 1960 Ă souligner qu’il n’y a pas d’accès authentique au nombre possible sans l’appropriation de l’itĂ©ration de l’unitĂ©, et qui est Ă l’origine de l’usage de cette expression en psychologie. Entendons-nous bien : tous les chercheurs prĂ©cĂ©dents ne seraient assurĂ©ment pas d’accord si on les interrogeait sur la meilleure façon de favoriser le progrès vers le nombre chez l’enfant. Mais tous sont d’accord sur la dĂ©finition qu’il convient de donner du dĂ©nombrement, Ă savoir qu’il faut rattacher cette notion Ă celle d’itĂ©ration de l’unitĂ©. Or, il n’y a pas d’accord envisageable sur le premier point sans un accord sur le second. Il est absolument nĂ©cessaire qu’un mot donnĂ© (nombre, dĂ©nombrement) qui renvoie Ă une notion dont le rĂ´le est central dans les diffĂ©rentes thĂ©ories appelĂ©es Ă se confronter, Ă©voque les mĂŞmes idĂ©es chez les scientifiques, sinon, c’est source d’imbroglio et toute science devient impossible.
La définition du dénombrement issue de la recherche crée une rupture avec celle qui prévalait chez les auteurs des programmes de 2002 et 2008
Cette dĂ©finition du dĂ©nombrement issue de la recherche n’est toujours pas admise par des auteurs Ă l’origine des programmes de 2002 et 2008. L’un d’eux, par exemple, a rĂ©cemment fait une confĂ©rence Ă l’ESEN devant l’ensemble des inspecteurs responsables de la rĂ©flexion sur la maternelle et sur les mathĂ©matiques au sein des diffĂ©rentes circonscriptions. Dans cette confĂ©rence, il qualifie un comptage permettant de rĂ©ussir le problème des pots et des pinceaux de dĂ©nombrement alors qu’il s’agit seulement d’un comptage-numĂ©rotage « performant » (il n’y a nul besoin de savoir que « 5, c’est 4 et-encore-1 », par exemple, pour garder ainsi la mĂ©moire d’une quantitĂ©). Il ne met pas en avant la propriĂ©tĂ© d’itĂ©ration de l’unitĂ©, celle qui fonde le nombre, et, donc, il ne peut pas distinguer un comptage-numĂ©rotage d’un authentique dĂ©nombrement. De fait, il utilise l’expression comptage-numĂ©rotage quand il s’agit d’un comptage-numĂ©rotage mĂ©canique et le mot dĂ©nombrement quand il s’agit du comptage-numĂ©rotage « performant » qui permet de rĂ©ussir le problème des pots et des pinceaux : le progrès est donc dĂ©crit comme visant l’accès Ă un comptage-numĂ©rotage « performant ». Il a donc exposĂ© aux inspecteurs un cadre thĂ©orique dans lequel l’avenir des Ă©lèves de maternelle est, au mieux, l’accès Ă un comptage-numĂ©rotage « performant », pas Ă un dĂ©nombrement.
PrĂ©cisons : bien sĂ»r que lorsque les enseignants utilisent un tel cadre thĂ©orique, les meilleurs Ă©lèves accèdent au dĂ©nombrement. Mais ceux-ci progressent parce qu’ils gĂ©nĂ©ralisent aux quantitĂ©s supĂ©rieures Ă trois, les connaissances relationnelles qui concernent les très petites quantitĂ©s et nous allons voir qu’ils le font en surmontant les obstacles rĂ©sultant de l’enseignement du comptage-numĂ©rotage. La question posĂ©e est Ă©videmment celle des autres Ă©lèves. Quid de la rĂ©duction de l’Ă©chec et des inĂ©galitĂ©s ?
Pourquoi il est important de retenir la définition du dénombrement issue de la recherche scientifique
Il est important de retenir la dĂ©finition du dĂ©nombrement issue de la recherche parce qu’elle permet d’envisager une alternative Ă l’enseignement du comptage-numĂ©rotage. D’ailleurs la version longue du projet de programme contient la recommandation suivante : « les activitĂ©s de dĂ©nombrement doivent Ă©viter le comptage-numĂ©rotage » (p. 54). Expliquons les raisons de cette recommandation d’Ă©viter le comptage-numĂ©rotage qui, malheureusement, n’a pas Ă©tĂ© reprise dans la version courte.
L’extrĂŞme difficultĂ© d’accĂ©der au nombre Ă partir de la reprĂ©sentation de la quantitĂ© par une collection de numĂ©ros
Deux raisons Ă©mergent lorsqu’on cherche Ă expliquer pourquoi la reprĂ©sentation des quantitĂ©s par des collections de numĂ©ros s’Ă©rige en obstacle au progrès vers le nombre. La première est d’ordre langagier. Quand pour un enfant le mot 6 renvoie Ă 123456 et le mot 5 renvoie Ă 12345, pour comprendre que « 6, c’est 5 et-encore-1 », par exemple, il faut considĂ©rer 6 et 5 Ă la fois comme des numĂ©ros (les derniers de chaque comptage-numĂ©rotage) et des noms de quantitĂ©s, difficultĂ© classique et bien connue. Mais la difficultĂ© ne s’arrĂŞte pas lĂ parce qu’il faut en outre comprendre le « 1 » qui apparaĂ®t dans une expression comme « 6, c’est 5 et-encore-1 ». Quand on raisonne avec des collections de numĂ©ros, cette comprĂ©hension nĂ©cessite de prendre conscience qu’en disant « 6 » dans « 123456 », on dit 1 numĂ©ro de plus que lorsqu’on dit « 12345 ». L’accès Ă l’itĂ©ration de l’unitĂ© n’est possible que si dans la collection 123456, par exemple, « 2 » n’est plus seulement considĂ©rĂ© comme « le numĂ©ro 2 » mais comme « 1 numĂ©ro », « 3 » n’est plus seulement considĂ©rĂ© comme « le numĂ©ro 3 » mais comme « 1 numĂ©ro », « 4 » n’est plus seulement considĂ©rĂ© comme « le numĂ©ro 4 »… Heureusement qu’on a utilisĂ© le mot « numĂ©ro » dans les propositions prĂ©cĂ©dentes parce que sinon, il serait difficile de comprendre que 2 est 1, que 3 est 1… Concluons : pour accĂ©der Ă l’itĂ©ration de l’unitĂ© Ă partir de la reprĂ©sentation des quantitĂ©s par des collection de numĂ©ros, il faut utiliser des mots-nombres ou des chiffres dont les diverses significations sont inextricablement fondues, ce qui rend difficile leur distinction. Enseigner d’emblĂ©e le comptage-dĂ©nombrement en employant seulement des noms de nombres permet d’Ă©viter cette confusion dans la tĂŞte des Ă©lèves.
La seconde raison renvoie Ă l’efficacitĂ© apparente et Ă court terme de l’enseignement du comptage-numĂ©rotage et, donc, Ă la forte « contagiositĂ© » de l’idĂ©e qu’il conviendrait d’enseigner le comptage ainsi. En effet, Ă force d’entraĂ®nement, la reprĂ©sentation des quantitĂ©s par des collections de numĂ©ros permet aux Ă©lèves, y compris les plus fragiles, de rĂ©ussir la plupart des tâches scolaires qui leur seront proposĂ©es tout au long du cycle 1 et encore un grand nombre de celles qui sont proposĂ©es au cycle 2. Or, les recherches conduisent Ă penser qu’il s’agit en fait de « faux bons rĂ©sultats » (7). Il est difficile Ă un enseignant de comprendre qu’il doit se mĂ©fier de la rĂ©ussite de ses Ă©lèves aux tâches qu’il leur propose ! Le dĂ©faut cachĂ© est que le comptage-numĂ©rotage et la reprĂ©sentation des quantitĂ©s par des collections de numĂ©ros permettent de rĂ©soudre la quasi-totalitĂ© des problèmes correspondants aux diffĂ©rentes fonctions du nombre mais sans utiliser les nombres, en traitant seulement les quantitĂ©s correspondant Ă des collections de numĂ©ros, et cela qu’il s’agisse de garder la mĂ©moire d’une quantitĂ©, de comparer deux quantitĂ©s, de les Ă©galiser, de dĂ©terminer une quantitĂ© rĂ©sultant d’un ajout ou d’un retrait, de chercher une partie manquante, etc.
Dans un article précédemment publié sur le Café (8), nous avons déjà envisagé le cas de cet élève confronté au problème suivant (évaluation de fin de CE1) : « A la récréation, Dimitri joue aux billes. Au début de la partie il possède 37 billes. À la fin, il a 72 billes. Combien a-t-il gagné de billes ? ». Il le résout ainsi :
ExaminĂ© sous l’angle thĂ©orique, il apparaĂ®t que ce type de rĂ©solution se fonde sur un usage des numĂ©ros comme s’il s’agissait de billes. Malheureusement, lorsque l’usage de ce type d’objets construits mentalement est installĂ©, il est extrĂŞmement difficile au pĂ©dagogue de favoriser l’accès Ă un niveau supĂ©rieur de rĂ©solution, celui d’une rĂ©solution arithmĂ©tique oĂą l’enfant utilise des relations entre les nombres.
Cela renvoie Ă un phĂ©nomène très gĂ©nĂ©ral : on a plus de mal Ă changer d’idĂ©e qu’Ă en adopter une nouvelle non installĂ©e. Les enfants dont la flexibilitĂ© cognitive n’est pas le point fort paient très cher les succès Ă court terme rĂ©sultant d’une reprĂ©sentation des quantitĂ©s par des collections de numĂ©ros. Parmi les rĂ©sultats scientifiques qui vont dans ce sens, on peut renvoyer Ă ceux qui sont citĂ©s dans la synthèse de l’INSERM (9) consacrĂ©e aux Ă©lèves en grande difficultĂ© avec les nombres de manière durable : il y a consensus pour considĂ©rer qu’il s’agit d’enfants enfermĂ©s dans l’usage du comptage-numĂ©rotage et qui ne mĂ©morisent pas de relations numĂ©riques.
Une autre possibilitĂ© : enseigner d’emblĂ©e les « nombres de… » Ă l’Ă©cole
Rappelons l’alternative didactique fondamentale qui, de fait, met tout enseignant de maternelle face Ă un choix pĂ©dagogique :
• Une première possibilitĂ© qui s’offre Ă lui consiste Ă enseigner le comptage-numĂ©rotage Ă l’Ă©cole maternelle, c’est-Ă -dire Ă favoriser la reprĂ©sentation des quantitĂ©s par des collections de numĂ©ros. Dans un second temps qui se situe gĂ©nĂ©ralement au CP, il lui incombe alors d’aider les enfants Ă mettre en relation ces quantitĂ©s afin qu’ils accèdent aux « nombres de… » (c’est ce qu’il est difficile de faire !).
• Mais une autre possibilitĂ© consiste Ă enseigner d’emblĂ©e la forme de comptage qui théâtralise l’itĂ©ration de l’unitĂ©, le comptage-dĂ©nombrement, ainsi que les dĂ©compositions des nombres. Il s’agit donc de favoriser d’emblĂ©e l’accès au « nombre de… », en Ă©vitant le dĂ©tour que constitue la reprĂ©sentation des quantitĂ©s par des collections de numĂ©ros.
On peut dĂ©crire autrement cette alternative en se focalisant sur la façon dont l’enseignant parle les quantitĂ©s :
• Soit l’enseignant, dans un premier temps, s’adapte Ă la façon dont l’enfant a vraisemblablement commencĂ© Ă parler les quantitĂ©s dans sa famille avant de rentrer Ă l’Ă©cole maternelle, c’est-Ă -dire sous la forme de mots-nombres qui renvoient Ă des collections de numĂ©ros. Dans ce cas, l’enseignant doit Ă©videmment disposer d’un plan Ă long terme afin d’amener ses Ă©lèves Ă parler les quantitĂ©s diffĂ©remment, sous la forme de « nombres de… ».
• Soit l’enseignant parle directement et systĂ©matiquement les quantitĂ©s sous la forme de « nombres de… ».
On peut Ă©galement faire le parallèle avec un enseignant de maternelle habitant une citĂ© et qui enseigne dans l’Ă©cole de cette citĂ© aux enfants de la citĂ©. Il peut :
• Soit parler initialement Ă ses Ă©lèves comme cela se fait dans la citĂ© (on supposera qu’un « parler relâchĂ© », le « parler caillera » par exemple, y est rĂ©pandu), auquel cas il aura Ă©videmment le projet Ă long terme de les amener Ă l’utilisation d’un français plus normĂ©.
• Soit leur parler directement comme le font ses collègues qui n’enseignent pas dans une citĂ© et qui ne connaissent mĂŞme pas la façon dont on y parle.
Aucun pĂ©dagogue ne dĂ©fendrait le premier choix. Il est intĂ©ressant de noter que le nombre est le seul domaine d’apprentissage oĂą, depuis 25 ans, on recommande aux enseignants de ne pas s’exprimer de façon exemplaire.
« Comptage-dĂ©nombrement vs. comptage-numĂ©rotage » et « apprentissage par adaptation vs. autres façons d’apprendre » : deux problĂ©matiques orthogonales
En fait, certains collègues semblent dĂ©fendre la perpĂ©tuation des pratiques pĂ©dagogiques actuelles non pas parce qu’elles auraient des bases scientifiques solides, mais parce qu’elles se situent dans le cadre gĂ©nĂ©ral d’un « apprentissage par adaptation ». On a l’impression qu’ils commencent Ă percevoir que l’enseignement du comptage-numĂ©rotage est un terreau peu fertile pour faire germer des pratiques pĂ©dagogiques efficaces, mais celles qu’ils ont Ă©laborĂ©es relèvent d’un « apprentissage par adaptation » et ils ont peur de jeter le bĂ©bĂ© avec l’eau du bain.
Ils doivent ĂŞtre complètement rassurĂ©s : la problĂ©matique « apprentissage par adaptation vs. apprentissage qui ne l’est pas » est orthogonale Ă la problĂ©matique « enseignement du comptage-numĂ©rotage vs. enseignement du comptage-dĂ©nombrement ». Des pratiques pĂ©dagogiques relevant d’un apprentissage par adaptation et fondĂ©es sur un enseignement du comptage-dĂ©nombrement existent dĂ©jĂ , d’autres sont en cours de dĂ©veloppement, comme c’est le cas par exemple dans le cadre du projet ACE qui concerne le CP et qui associe un laboratoire de didactique des mathĂ©matiques (celui de GĂ©rard SensĂ©vy), 3 laboratoires de psychologie dĂ©veloppementale (avec Jean-Paul Fischer, Emmanuel Sander et Bruno Vilette), ainsi que l’IFE avec Serge Quilio.
De manière unanime, les psychologues dĂ©veloppementalistes pensent aujourd’hui que le nombre se fonde chez les enfants dans l’appropriation de l’itĂ©ration de l’unitĂ©. C’est rĂ©cent et il faut profiter de cet Ă©vĂ©nement pour aller vers une Renaissance de la didactique des premiers apprentissages scolaires du nombre. L’usage du mot « Renaissance » est intentionnel. Les dĂ©couvertes scientifiques de la Renaissance n’ont Ă©tĂ© possibles que parce qu’un mouvement philosophique antĂ©rieur avait recommandĂ© aux savants de s’interroger sur le langage qu’ils utilisent pour rapporter leurs rĂ©flexions et leurs dĂ©couvertes. LancĂ© par des philosophes comme Pierre AbĂ©lard ou Guillaume d’Occam, par exemple, c’est ce mouvement de rĂ©flexivitĂ© des savants sur leur langage qui a permis l’explosion de progrès observĂ©s quelque temps plus tard.
Il faut souhaiter le mĂŞme avenir Ă la didactique des mathĂ©matiques : le dĂ©passement de la confusion entre le nombre et la reprĂ©sentation des quantitĂ©s par une collection de numĂ©ros, ouvre la perspective de nouvelles ingĂ©nieries didactiques qui n’auront aucune obligation de renoncer Ă un apprentissage par adaptation. La rĂ©duction de l’Ă©chec scolaire dĂ©pend vraisemblablement de l’existence d’ingĂ©nieries qui seront Ă la fois mieux fondĂ©es d’un point de vue scientifique et Ă©laborĂ©es en s’appuyant sur les acquis de la didactique des mathĂ©matiques.
Il faut rĂ©diger le programme maternelle en s’appuyant sur la dĂ©finition du dĂ©nombrement issue de la recherche scientifique
Le programme d’Ă©cole maternelle est l’un des textes didactiques les plus Ă©tudiĂ©s : qu’il s’agisse d’Ă©changes entre professeurs dans le cadre de la formation continue, d’Ă©changes entre les examinateurs et les candidats au concours de recrutement ou encore des Ă©changes que nĂ©cessitent les Ă©preuves de certification des conseillers pĂ©dagogiques, ce texte sert de mĂ©diateur dans ces diffĂ©rents dialogues. Si, comme c’est le cas actuellement, il retient une dĂ©finition du dĂ©nombrement qui n’est plus d’actualitĂ©, il gĂ©nĂ©rera un imbroglio dans les interprĂ©tations des diffĂ©rents protagonistes, opposant ceux qui tiennent Ă cette ancienne dĂ©finition Ă ceux qui souhaitent que les professeurs des Ă©coles accompagnent la Renaissance de la pĂ©dagogie du nombre que le consensus rĂ©cent des psychologues dĂ©veloppementalistes fait espĂ©rer. Du fait mĂŞme de son existence, un texte qui entretiendrait la confusion constituerait un frein majeur au progrès de la didactique des premiers apprentissages numĂ©riques et, donc, au progrès vers une Ă©cole qui produit moins d’Ă©chec avec les nombres et moins d’inĂ©galitĂ©.
RĂ©mi Brissiaud
Chercheur au Laboratoire Paragraphe, EA 349 (Université Paris 8)
Équipe « Compréhension, Raisonnement et Acquisition de Connaissances »
Membre du conseil scientifique de l’AGEEM
Voir aussi :
A propos des programmes de maternelle
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/07/08072014Arti[…]
Notes
1 http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/events/programm[…]
2 Une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e, argumentĂ©e, avec toutes les rĂ©fĂ©rences scientifiques nĂ©cessaires, des principaux points abordĂ©s dans ce texte se trouve dans ma contribution aux travaux des commissions d’Ă©laboration des programmes du CSP : « Pourquoi l’Ă©cole a-t-elle enseignĂ© le comptage-numĂ©rotage pendant près de 30 annĂ©es »
http://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/83/4/Brissiaud_Remi_-_C[…]
3 Dehaene, S. (1997-2010) La bosse des maths – 15 ans après. Paris, Odile Jacob.
4 Dans un article Ă paraĂ®tre de James Negen et Barbara Sarnecka, par exemple, qui s’intitule : « Y a-t-il rĂ©ellement un lien entre la connaissances des nombres exacts et la prĂ©cision du Système de Nombres Approximatifs ? », la rĂ©ponse apportĂ©e Ă cette question est nĂ©gative.
Negen, J. & Sarnecka, B. (à paraître) Is there really a link between exact-number knowledge and approximate number system acuity in young children? British Journal of Developmental Psychology
5 Izard, V., Pica, P., Spelke, E. S., & Dehaene, S. (2008). Exact equality and successor function: Two key concepts on the path towards understanding exact numbers. Philosophical psychology, 21(4), 491-505.
6 Izard, V., Pica, P., Spelke, E. S., & Dehaene, S. (2008). Ibid
7 Cela explique par exemple un phĂ©nomène particulièrement Ă©tonnant mis en Ă©vidence par deux Ă©tudes rĂ©centes de la DEPP : des progrès spectaculaires Ă l’entrĂ©e au CP dans des Ă©preuves Ă©valuant la mise en Ĺ“uvre d’un comptage-numĂ©rotage, ne se trouvent pas confirmĂ©s 2 ans plus tard Ă l’entrĂ©e au CE2 oĂą l’on observe mĂŞme une rĂ©gression dans des Ă©preuves mettant en jeu des dĂ©compositions des nombres.
Le Cam,M., Rocher, T. & Verlet, I. (2013) Forte augmentation des acquis des Ă©lèves Ă l’entrĂ©e au CP entre 1997 et 2007. Note 13.19 de la DEPP ; septembre 2013.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/11/2/DEPP_NI_2013_19_[…]
Andreu, S., Le Cam, M., & Rocher, T. (2014) Evolution des acquis en dĂ©but de CE2 entre 1999 et 2013 : les progrès observĂ©s Ă l’entrĂ©e au CP entre 1997 et 2011 ne sont pas confirmĂ©s. Note n°19-Mai 2014 de la DEPP.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2014/61/7/DEPP_NI_2014_19_[…]
8 Brissiaud (2014) Les défenseurs des programmes de 2002 et les changements en vue
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2014/060614_RBrissia[…]
9 Inserm (2007) Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie. Bilan des données scientifiques. Paris : les éditions Inserm.
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