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Ce qu’on retiendra d’abord de 2014, c’est la nomination de trois ministres de l’Education nationale en seulement un an, Vincent Peillon, Benoit Hamon puis Najat Vallaud-Belkacem. Mais cette liste cache la continuité d’une politique éducative impulsée par Vincent Peillon à partir de 2012 et portée par la loi d’orientation. Avec ces différentes personnalités, c’est la Refondation lancée par V. Peillon qu’il s’agit de construire. Cependant, si la ligne ne change pas, le contexte dans lequel elle cherche à s’appliquer est profondément modifié. La refondation s’essouffle en se matérialisant.

L’année de l’application

« J’essaierai de m’inscrire dans les pas du ministre de l’éducation nationale à travers les réformes qu’il a engagées ». Le 2 avril, rue de Grenelle, Benoît Hamon se présente en continuateur de l’oeuvre impulsée par Vincent Peillon. Quatre mois plus tard, le 26 août, Najat Vallaud-Belkacem ne dit pas autre chose. Tous deux semblent respecter la dernière recommandation de V Peillon : « Il est très important pour le pays de comprendre que cette action doit être poursuivie dans le durée… La refondation de l’Ecole ce n’est pas un mot. C’est une grande réforme qui va s’inscrire dans le temps ».

Pour Vincent Peillon, 2014 devait être « l’année de l’application », celle qui allait permettre de faire entrer la loi d’orientation jusqu’au fond des classes. En janvier 2014, il avait fixé une feuille de route où l’on retrouve les grands dossiers de l’année : l’éducation prioritaire mais aussi l’évaluation, l’orientation, le socle et les nouveaux programmes.

C’est au grand séminaire réuni en Sorbonne le 9 avril pour l’éducation prioritaire, que Benoît Hamon doit pour la 1ère fois endosser vraiment le costume de ministre laissé par V Peillon. Celui-ci en avait fixé les grands principes en janvier 2014 : maintien du label mais nouvelle carte de l’éducation prioritaire avec 102 Rep+ à la rentrée 2014 bénéficiant d’une pondération horaire, d’une revalorisation de l’indemnité spéciale versée aux enseignants et d’un plan de formation. C’est sous Vincent Peillon que l’effort est évalué à 300 millions. En avril 2014, le séminaire national tente d’imposer un modèle pédagogique. La carte définitive du millier de Rep et Rep+ prévus pour la rentrée 2015 sera connue en janvier 2015 au terme d’ultimes arbitrages. Mais le cadrage budgétaire, le nouvel esprit des réseaux, pour lequel JP Delahaye, le directeur de l’enseignement scolaire de V Peillon, s’est beaucoup mobilisé, sont ceux qui étaient prévus par V Peillon.

L’autre grande réforme c’est celle du socle commun et des programmes. Conçu par le Conseil supérieur des programmes imaginé par V Peillon, après plusieurs fuites qui ont poussé le président du CSP à démissionner, le socle a fait l’objet d’une consultation en octobre 2014. Sa rédaction finale permettra l’écriture des programmes des cycles 2 à 4 d’ici la fin de l’année scolaire pour application à la rentrée 2016. De nouveaux programmes de maternelle ont été proposés par le CSP.

V. Peillon avait impulsé d’autres chantiers pédagogiques. Il voulait changer l’évaluation, rendre l’école plus bienveillante et modifier le redoublement et l’orientation. B. Hamon a repris à son compte la réforme de l’évaluation et N. Vallaud-Belkacem a maintenue la conférence nationale sur l’évaluation. Elle s’est tenue en décembre 2014 et devrait aboutir à des instructions officielles en janvier 2015. L’orientation est elle aussi modifiée avec la signature fin novembre 2014 de la convention entre l’Etat et les régions qui prévoit la création du service public régional d’orientation. Quant au redoublement, le projet de décret présenté sous B Hamon au CSE en juillet 2014 est devenu un décret publié en décembre sous N Vallaud-Belkacem. Il rend le redoublement pratiquement impossible sauf en 2de où le redoublement à la demande des familles est encore possible.

La « nouvelle répartition des moyens » annoncée par N Vallaud-Belkacem en novembre 2014, se situe elle aussi dans la continuité des idées de V Peillon. En décembre 2013, celui-ci avait annoncé « je vais affecter les moyens aux établissements en fonction de leur indice de mixité sociale et scolaire ». N Vallaud-Belkacem a repris l’idée.

Des ratés dans la continuité

La plus évidente rupture est à chercher dans la réforme des rythmes scolaires. Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau premier ministre, M Valls, a annoncé des changements. Dans les jours qui ont suivi son ministre de l’éducation nationale a enchaîné les tâtonnements verbaux de « l’assouplissement » à « l’expérimentation ». Au final, B Hamon a proposé un point d’équilibre qui maintient 5 matinées de classe par semaine mais facilite l’acceptation de la réforme par les maires et les enseignants en permettant de bloquer sur une demi journée, par exemple le vendredi après midi, le périscolaire. L’esprit du projet impulsé par V Peillon a beaucoup souffert. Mais le gouvernement pense avoir ainsi mis fin à une source de conflits.

Un autre dossier a été repris en main par l’Elysée : celui du numérique. V Peillon avait annoncé « une nouvelle stratégie » pour le numérique et installé rue de Grenelle une Direction du numérique éducatif. Un plan numérique a été annoncé par F Hollande en juillet. Depuis les arbitrages semblent remis en question. L’Elysée donne l’impression d’hésiter sur ce qui doit et peut être fait. Le financement , mis au point par B Hamon et A. Montebourg, ne semble plus assuré.

C’est que si la loi d’orientation reste d’actualité et fixe les caps, le climat général a changé. L’éducation, thème majeur des discours de l’Elysée et de Matignon sous V Peillon, n’occupe plus que quelques lignes. Le rappel de « la priorité à la jeunesse » est toujours là mais cette priorité n’est plus qu’un sujet secondaire. C’est maintenant la politique économique qui une évidente priorité. Le tournant économique assumé par M Valls a coûté son poste à B Hamon. Plus que la personnalité des ministres c’est cette situation qui ramène l’éducation à l’incertitude et peut-être à l’immobilisme. Un exemple précurseur en a été donné avec la réforme des métiers de l’enseignement. Le compromis final présenté par V Peillon a été publié au journal officiel par N Vallaud-Belkacem. Au final, la réforme se limite à un toilettage des textes. L’écart entre le métier réel et le métier officiel demeure.

François Jarraud