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Martine Brilleaud enseigne au lycée Stendhal de Grenoble. Depuis 3 ans, elle ne fait travailler ses élèves qu’en groupe. Une façon d’enseigner qui lui permet de motiver ses élèves, de les rendre plus actifs et de mieux les connaître. Elle nous explique comment elle a adapté une méthode venue du supérieur : PEG, pour Pédagogie basée sur l’Entraide au sein d’un Groupe.

Expliquez nous en quoi consiste PEG et comment vous l’appliquez au quotidien ?

PEG est une méthode d’enseignement utilisée dans l’enseignement supérieur que j’ai adaptée au lycée. Elle provient d’une initiative mise en place à l’université de Louvain, en Belgique, et exploitée dans certaines grandes écoles comme l’INSA.

L’objectif est de rendre les élèves actifs en classe. La méthode de travail consiste à mettre les élèves en groupes de quatre environ, et, plutôt que de leur présenter le cours au tableau, leur demander de travailler ensemble sur un document qui introduit les notions à étudier ; le professeur les aide et répond aux questions formulées par les groupes. Les discussions entre élèves sont très profitables (meilleure compréhension, assimilation, mémorisation). Les élèves sont actifs et ne se contentent plus de regarder le professeur travailler. Ils apprennent à lire un document scientifique, à rédiger (ensemble !) une correction, à écouter les autres et à leur répondre dans leur registre. Le travail en groupe oblige ainsi à faire des efforts de communication et donc à clarifier sa pensée. Il permet de plus d’individualiser les parcours, de développer l’autonomie et la rigueur, tout en conservant, voire augmentant, le niveau d’exigence. Il reste encore des temps collectifs d’explication ou d’échange sur une notion, mais ils se font à présent en demi-classe une heure par semaine.

Quels sont les avantages de cette méthode ?

Les avantages sont multiples. Le plus important, c’est que les élèves sont actifs et cela se ressent dans la compréhension et l’approfondissement. C’est le dialogue entre eux qui leur permet de ne pas esquiver les difficultés et d’approfondir leur travail, de comprendre ce qu’ils font.

Un autre avantage se situe dans les acquisitions transversales : les élèves sont obligés de beaucoup communiquer et leur niveau de français s’améliore. On le voit dans les copies. Ils doivent aussi apprendre à s’organiser, à coopérer.

Le fait de voir les autres travailler est aussi plus motivant que lorsqu’on est seul. Ils s’aperçoivent par exemple que les bons élèves n’ont pas la solution immédiatement, ce qui permet parfois de lever certains blocages. Ils peuvent ainsi observer d’autres façons de travailler. En outre, un succès collectif apporte plus de plaisir tandis qu’à l’inverse un échec collectif est bien moins traumatisant.

Enfin il y a aussi un avantage pour l’enseignant dans la gestion de sa classe. Il peut isoler dans un même groupe les perturbateurs qui, quelquefois, finissent par se mettre au travail faute de public. L’hétérogénéité des classes n’est plus un problèmes puisque qu’on peut adapter les tâches au niveau de chaque élève. Certains se concentreront sur l’assimilation des connaissances de base tandis que les plus rapides pourront très vite s’adonner à la résolution de problèmes plus délicats d’approfondissement. Pour le professeur, cette méthode permet un travail plus individualisé et plus centré sur l’élève. Le temps qu’on ne passe pas au tableau, on le passe au milieu de sa classe.

Est-ce que PEG a changé la relation que vous avez avec les élèves ?

PEG a surtout commencé par changer ma façon de les voir. À présent, je les connais beaucoup mieux puisque je passe la plupart de mon temps à les observer ou à les aider. Je considère que je les accompagne dans leur apprentissage. C’est extrêmement gratifiant. Et ça demande également beaucoup moins d’énergie qu’un cours classique. Ce type de fonctionnement laisse aussi du temps pour les échanges individuels, ou pour se consacrer davantage aux élèves ou aux équipes en difficulté. Il est en effet plus facile de passer davantage de temps avec les élèves ou les groupes qui en ont le plus besoin.

Et avec les parents ?

En début d’année, j’expose le principe et les avantages de cette méthode pendant la réunion parents-prof. J’appréhendais un peu les réactions des parents. Mais pour l’instant, je n’ai eu que des retours positifs. Les parents apprécient qu’on puisse prendre en compte le rythme et les difficultés individuels de leur enfant. Ils aiment aussi que leur enfant apprenne à travailler en groupe. J’ai aussi eu des retours de parents d’enfants dyslexiques qui étaient très satisfaits de cette manière de fonctionner. Se faire réexpliquer les consignes par les camarades permet à un élève dyslexique de mieux comprendre.

Il a fallu repenser tous les cours d’un coup. Ca doit représenter beaucoup de travail. Est-ce que PEG vous demande plus de préparation qu’avant ?

Oui, mais une fois le travail de préparation fait, je dispose de beaucoup plus de temps qu’avant et je suis plus disponible en classe. En fait j’avais déjà pas mal de documents écrits que les élèves pouvaient exploiter en autonomie. Pour les exercices, les élèves disposent des réponses que je dois leur fournir, mais pas des étapes intermédiaires qu’ils sont obligés de chercher.

Ce qui est plus difficile, c’est d’admettre qu’il puisse y avoir du bruit dans une classe en train de travailler. Et donc de ne pas se sentir coupable quand quelqu’un arrive à l’improviste. À cause de la concentration dans les échanges, il nous arrive régulièrement de ne pas entendre les sonneries et de ne pas nous apercevoir que l’heure est terminée. Mais je suis contente que mes élèves ne voient pas le temps passer…

Propos recueillis par Laure Etevez

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