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Pourquoi le numérique ne gagne-t-il pas les classes ? Pour Alexandre Acou, un professeur des écoles pionnier des usages de Twitter, c’est si facile ! C’est ce qu’il essaie de montrer dans un petit livre qui se présente comme un guide pratique destiné aux enseignants. Il aborde les problèmes d’équipement, présente les usages possibles et propose des fiches de cours clés en main. Très pratique, l’ouvrage, écrit avec sa compagne journaliste, veut inciter les enseignants à sauter le pas et à se lancer sur Internet. . est très connu des enseignants présents sur twitter.

A-t-on encore besoin de dire aux professeurs des écoles de se lancer sur Internet ? Ne sont-ils pas déjà tous utilisateurs ?

Alexandre Acou : Les enseignants sont très souvent utilisateurs, pour s’informer ou user des nombreuses ressources pédagogiques, notamment partagées par d’autres collègues. Mais notre idée est de faire entrer l’usage d’Internet dans la classe avec les élèves. Et cela dans une optique de partage de contenus mais aussi dans celle de création/production que permettent les nombreux outils présentés (blogs, réseaux sociaux, ENT, vidéo…).

Katrin Acou-Bouaziz : Les enseignants semblent craindre une confusion entre leur utilisation personnelle du web et un usage avec les élèves. Le livre aborde ce point et rassure : on ne va pas devenir « ami » sur Facebook avec ses élèves !

On a mis beaucoup d’espoirs pédagogiques dans Internet. 20 ans après son arrivée en France peut-on dire qu’il a changé la forme scolaire ?

Katrin Acou-Bouaziz : Il a changé la forme du travail des enseignants sans doute, avec de très nombreux forums, listes de diffusion, blogs très complets et aujourd’hui les réseaux sociaux, qui permettent de multiplier les échanges entre profs. Mais dans les écoles en général, c’est très différent… L’usage des emails par exemple paraît sous-utilisé avec les parents comme avec les élèves alors que c’est une solution de lien école- maison très intéressante, et développée dans le livre.

Alexandre Acou : Et encore faut-il dépasser les freins administratifs et parfois hiérarchiques… Le guide fait le point sur les autorisations légales et les meilleurs manières de se lancer dans le respect des règles et des formes. Cela peut nécessiter un peu d’énergie. Aujourd’hui Internet ne me semble pas avoir (encore) fait changer la forme de l’école, mais si elle doit changer, cela se passera mieux avec le numérique que sans lui car cela signifierait contre lui…

L’ouvrage propose des séances de cours prêtes à l’emploi. Concrètement pour un enseignant de CE2 un exemple de domaine où Internet peut constituer un apport intéressant ?

Alexandre Acou : S’il fallait en choisir un, en CE2, ça serait « écrire via un blog géré par la classe » pour à la fois raconter la vie de la classe et mettre en valeur les productions de texte des élèves, associé à un compte Twitter pour communiquer avec d’autres classes. L’intérêt : travailler la compétence 4, maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication (correspondant au B2i) tout en faisant du français : rédaction de textes de différents formats, libres ou à contrainte, recherche d’informations, prise de notes, travail de synthèse, relecture, correction orthographique et syntaxique…

Katrin Acou-Bouaziz : Le guide présente aussi des tableaux reprenant une grande partie des compétences des LPC associées à des exemples d’activités et aux outils web adaptés. Cela montre que tout domaine peut être associé à ces pratiques.

De nombreux enseignants participent à des réseaux sociaux. Vous même êtes très présent sur Twitter. Dans quelles situations pédagogiques est-ce un outil efficace ?

Alexandre Acou : Avec mes élèves, j’utilise Twitter comme un outil de « micro-bloging », c’est-à-dire comme un blog de classe, en profitant de la simplicité de l’outil et en prenant en compte ses caractéristiques : réseau public, textes limités à 140 caractères et liens (dont photos) possibles, système d’abonnements/abonnés pour suivre d’autres comptes (de classes). C’est d’abord en maîtrise de la langue que je vois l’intérêt de « tweeter »: la faute d’orthographe ou de syntaxe étant proscrite, les élèves ont à coeur de se corriger et de travailler telle compétence avant de l’utiliser dans leurs écrits. Chaque enseignant décidera de son dispositif mais le travail se fera surtout sur les brouillons avant publication. Au préalable, il faudra choisir des écrits correspondants au format Twitter : devinettes, consignes en géométrie, texte poétique… où l’esprit de synthèse, d’humour ou encore de poésie prévaudra. Enfin, savoir communiquer en s’ouvrant au monde, le tout en respectant des règles (à définir clairement en début de pratique) aura plus de sens dans de réelles situations de communications : questionnaire entre classes, mais aussi à des personnalités sportives ou scientifiques si présentes sur Twitter…

Que faudrait-il pour que plus d’enseignants se  » lancent » ?

Katrin Acou-Bouaziz : Bien sûr, plus de formation et de matériel faciliteraient la tâche des enseignants mais en attendant le système D fonctionne ! On peut déjà faire beaucoup avec un seul poste connecté, voire avec un seul smartphone personnel, et une organisation adaptée. Évidemment le livre liste également les solutions de prêt existantes. Ensuite, il faut se faire confiance sur ses propres compétences d’internaute et définir ce qui serait le plus facile et motivant pour soi entre ouvrir un blog, un ENT ou un compte YouTube…

Alexandre Acou : Enfin, accepter d’essayer des pratiques qui paraissent bien moins traditionnelles que la récitation de poésie ou le tracé de figures mais qui finalement vont se conjuguer aux premières. Enregistrer ses récitations sur un ENT ou proposer ses propres tracés géométriques à d’autres élèves via un réseau social ne feront qu’accroître l’exigence de ces travaux, tout en développant les compétences déjà citées.

Propos recueillis par François Jarraud

La page Facebook du livre

Katrin Acou-Bouaziz, Alexandre Acou, Internet à l’école, lancez-vous !, Retz, 2015, ISBN 978-2-7256-3318-3