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Christophe Le Guelvouit est un professeur qu’on pourrait décrire comme touche à tout. Féru de technologie, c’est avec envie et hardiesse qu’il s’est penché sur la classe inversée, pour « gagner du temps » et se concentrer sur les difficultés des élèves.

Depuis quand vous êtes vous intéressé à la classe inversée ?

Je me suis lancé dans la classe inversée il y a bientôt 3 ans. J’étais en collège rural avec un public très hétérogène et je savais qu’à la rentrée suivante j’allais avoir des classes de troisième à 29 ou 30 élèves. J’avais besoin de trouver une solution pour gagner du temps pour eux en classe. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le principe de la classe inversée et après de longues heures de recherches sur Internet, j’ai réussi à envisager de quelle manière je voulais mettre ça en place. J’ai dès lors testé avec mes classes de troisièmes pour expérimenter. Au début ils se sont demandés d’où me venait cette idée, mais ils m’ont fait confiance et l’alchimie a très vite fonctionné.

Comment organisez vous la classe ?

Mon fonctionnement en classe inversée demeure assez basique par rapport à d’autres collègues. Je trouve que les mathématiques se prêtent bien à la mise en place de cette pédagogie. L’objectif était vraiment de mettre en autonomie les tâches cognitives les plus simples pour passer plus de temps en classe aux côtés des élèves, en activité, sur les tâches cognitives les plus complexes.

Concrètement, je prépare d’abord une capsule vidéo dans laquelle soit je présente un concept mathématique et le cours qui va avec, soit je corrige une activité d’introduction accompagnée toujours du point de cours associé.

Le soir, chez eux, les élèves doivent regarder la capsule de cours (éventuellement après avoir fini l’activité d’introduction commencée en classe) et compléter la partie écrite du cours qui se présente sous la forme d’une photocopie d’un texte à trou. L’objectif de ce dernier exercice est, d’une part, de vérifier que les élèves ont pris le temps de regarder la vidéo, et, d’autre part, de remplir à la maison la trace écrite pour ne pas perdre de temps en classe à recopier une leçon.

Le lendemain, en cours, on fait le point sur la vidéo (qui n’a pas vu, pourquoi, on résume rapidement) et on corrige rapidement le document de cours. Souvent je projette le document avec une police manuscrite pour les parties à compléter par les élèves afin qu’ils s’y retrouvent.

Ensuite commence « la séance d’exercices ». J’indique au tableau les exercices qui vont être faits et les élèves se lancent en autonomie dans leur travail. J’ai ainsi tout le temps nécessaire pour aller les voir afin d’éclaircir un énoncé, d’expliquer une méthode, de clarifier un point de cours. Durant cette séance d’exercices, les élèves sont notamment autorisés à revoir les capsules vidéos pour revoir une notion ou pour s’inspirer des exemples ou exercices types.

Dans vos séances, vous favorisez le travail entre pairs ?

Oui, les élèves sont installés en îlots, ce qui favorise notamment les échanges entre eux et l’aide. Ils sont parfois amenés à réaliser des corrections d’exercices en vidéos afin d’expliquer à leur camarade tout en évitant la phase de correction au tableau qui peut s’avérer longue et laborieuse.

C’est un travail énorme, les attentes sont-elles récompensées à l’arrivée ?

Pour moi le fonctionnement en classe inversée présente de multiples avantages. J’ai plus de temps à consacrer à chaque élève individuellement ou en groupe restreint car je passe moins de temps au tableau. Le temps libéré par le transfert de la partie découverte du cours à la maison sert notamment à faire d’autres choses comme des tâches complexes (ou des problèmes dudu!).

J’ai l’impression que le cours de mathématiques est plus équitable car il n’y a plus de différences entre les élèves qui peuvent se faire aider à la maison lorsqu’il y a des exercices à faire et les autres. Les élèves sont, dans leur grande majorité, tous égaux devant le visionnage de la capsule.

Certains ont réussi à progresser car ils ont pu réécouter autant de fois que nécessaire les explications données dans les capsules et bénéficier d’une aide individualisée. Les élèves les plus en difficultés peuvent accéder à des capsules plus anciennes pour se remémorer des notions qu’ils ont oubliées ou qu’ils ne maîtrisent plus. Les élèves peuvent travailler à leur rythme, développent autonomie et coopération lorsqu’ils s’entraident. Les élèves peuvent également réentendre les explications lorsqu’ils se préparent pour une évaluation ou lors des révisions de brevet.

Du temps est libéré en classe pour s’éloigner un peu des sentiers battus en faisant des mathématiques différemment (et en s’allégeant, un peu, du poids du programme qu’il faut absolument finir)

N’avez vous pas des difficultés par exemple liées à l’équipement numérique ?

C’est souvent la première difficulté qui est soulevée. Le problème de l’équipement numérique entraîne l’inégalité entre les élèves. Que ce soit en collège rural ou en collège classé REP, j’ai toujours trouvé une solution pour que les élèves réussissent à voir les capsules. Elles sont placées sur mon site personnel et sur youtube. Pour les élèves qui n’ont pas de connexion internet, ils utilisent leur smartphone sur lequel je place le fichier directement ou une clé USB qu’ils peuvent brancher chez eux, sur un ordinateur ou directement sur la télé. Le plus compliqué a été les quelques mois où je devais graver un DVD pour une élève qui n’avait aucun matériel informatique.

Personnellement je rencontre deux difficultés : d’une part le manque d’investissement de certains élèves pour qui regarder une vidéo à la maison constitue encore un travail personnel trop important. Dans l’ensemble, une majorité d’élèves fait plus facilement ses « devoirs » lorsqu’il s’agit uniquement de regarder une capsule plutôt que de faire des exercices, mais il reste néanmoins quelques irréductibles. L’autre difficulté est le temps nécessaire à la mise en place. Au départ, c’est une activité qui se révèle chronophage, mais après la réalisation des vidéos se fait de plus en plus vite. En outre, les capsules réalisées une année sont réutilisables ultérieurement.

Enfin, il m’est arrivé de devoir prendre du temps pour expliquer aux parents cette nouvelle méthode de travail, mais ils sont, dans leur grande majorité plutôt satisfait. Ils ont notamment l’impression de pouvoir mieux s’emparer du cours pour expliquer à leurs enfants puisqu’ils ont eux aussi les explications de l’enseignant.

Qu’utilisez vous pour créer ces capsules ?

Personnellement, la quasi-totalité de mes capsules sont réalisées sur tablette à l’aide de 3 applications. J’utilise deux applications qui s’apparentent à des logiciels de tableau blanc interactif mais qui permettent l’enregistrement audio (voir vidéo) : Explain Everything et Doceri. La troisième application est l’excellent Adobe Voice qui permet de créer rapidement une capsule vidéo basée sur des diapositives simples et avec un rendu quasi-professionnel.

Y-a-t-il un budget à prévoir pour se lancer dans l’aventure ?

Le coût en tant que tel pour se lancer dans la classe inversée n’est pas financier mais temporel. C’est une activité qui peut au départ s’avérer chronophage, notamment car à la moindre réalisation de capsule on vise la perfection.

Personnellement je disposais déjà d’un ipad sur lequel je me suis mis à réaliser mes capsules. Mais beaucoup de praticiens de la classe inversés se contente de leur smartphone ou de leur ordinateur. De plus en plus d’applications web permettent notamment la création rapide de capsules à destination des élèves. On peut éventuellement envisager le coût de l’hébergement dans le cas où on souhaiterait héberger son propre site internet.

Donc en somme, pas vraiment de matériel précis ?

Comme pour le coup, pas de matériel spécifique pour pratiquer la classe inversée. Mais à titre personnel j’utilise, comme dit précédemment, un iPad sur lequel je réalise mes capsules à l’aide d’un stylet. J’ai acheté l’adaptateur qui me permet de connecter la tablette au vidéo-projecteur de la classe afin de pouvoir afficher rapidement des photos de cahier d’élèves ou la version complétée du document de cours. J’utilise en classe une bibliobox sur laquelle je place les vidéos afin que les élèves puissent les consulter durant le cours, notamment lors des séances qui suivent un plan de travail.

J’essaie d’utiliser les outils numériques pour transformer mes cours, tous les moyens sont bons.

Propos recueillis par Arnaud Durand

Pour en savoir plus sur la classe inversée, n’hésitez pas à consulter le site www.clise2016.com qui vous permettra de trouver des événements près de chez vous durant la semaine de la classe inversée qui aura lieu du 25 au 29 janvier 2016 dans 17 académies et 10 pays.

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