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L’écrit des épreuves anticipées de français a eu lieu vendredi 17 juin 2016. En L, les réécritures étaient à explorer par un corpus de textes de Hérédia, Voltaire, Salmain, Cocteau autour du mythe du sphinx. En ES-L, l’argumentation était à aborder à travers des oraisons funèbres écrites par Hugo, Zola, Anatole France, Paul Eluard. En séries technologiques, le rapport entre littérature et inventions techniques était à interroger à travers des extraits de D’Alembert, Jules Verne, Albert Rodida, Michel Serres. Bilan : globalement désolant ?

Un choix de textes désolant

Désolant par le choix des textes. Plutôt des textes académiques, voire pompiers, entrelacs plus ou moins savants et réussis de « procédés » (essentiellement rhétoriques, de préférence versifiés) et de « références » (mythologiques, historiques, littéraires…).

Désolant par le choix des auteurs : 8 hommes / 0 femme. En littérature comme en langue, en première comme en terminale, le masculin l’emporte sur le féminin… CQFD une fois de plus.

Des sujets rances ?

Désolant par le choix des thèmes en séries générales : des mythes et des morts. Comme s’il était impossible que la littérature au lycée soit vivante ? Comme si elle devait se faire essentiellement patrimoniale, au point de ne faire parler que des monuments historiques ? Comme si les réécritures elles-mêmes devaient s’arrêter à Cocteau, ne pouvaient donc être contemporaines, c’est-à-dire ardentes ici et maintenant ?

Désolant par le choix de certains sujets. En L, le sujet de dissertation est-il traitable par un élève qui aurait abordé la question des réécritures non par l’angle des mythes, mais par un autre biais, voire par une pratique de la réécriture comme le recommandent les programmes ? Et sur un pareil thème, l’écriture d’invention n’aurait-elle pas pu être elle-même une réécriture, c’est-à-dire une création susceptible de mettre en œuvre de réelles compétences et connaissances ? En ES-S, pourquoi le sujet de dissertation énonce-t-il une question que nul probablement ne songerait à se poser ? Si elle parait à la portée des candidats, l’écriture d’invention proposée ne renvoie-t-elle pas à la tradition antique de l’éloge funèbre : à un exercice plus rhétorique qu’authentiquement littéraire ?

L’idéal de l’Académie française…

Hugo célébrant Balzac, Zola célébrant Maupassant, Anatole France célébrant Zola, Paul Eluard célébrant Desnos : des écrivains qui parlent des écrivains ? Plutôt qu’une pratique vivante de la langue et du monde, nourries de lectures vivifiantes, par les élèves eux-mêmes ? Comme chaque année, l’EAF nous révèle comment le français se voit, voire se fantasme : en l’occurrence, son idéal, c’est un discours d’entrée à l’Académie française plutôt que le fameux pamphlet écrit après la mort d’Anatole France par André Breton et les surréalistes … Comme chaque année, on s’étonnera de l’écart grandissant entre les belles ouvertures pédagogiques çà et là préconisées et des évaluations finales sclérosantes. Comme chaque année, on considèrera le bac de français comme un symptôme, mais aussi comme une invitation à aller de l’avant : rêvons encore et toujours, rêvons que le français au lycée cesse de faire de la littérature une fabrique à supports d’examen, rêvons qu’au lycée comme au collège le français enfin se réforme.

Jean-Michel Le Baut

Le sujet de L

Le sujet de ES et S

Le sujet des séries technologiques

A voir aussi : Le sujet de PSE (prévention santé environnement) bac pro)

Le sujet de PSE

Retrouvez sur le site du Café pédagogique, tous les jours les sujets du bac une heure 30 après le début de l’épreuve.