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Prenez les sociologues de l’éducation les plus reconnus et faites les travailler sur le collège. C’est le projet d’un des livres phares de la rentrée. Avec « Réformer le collège », François Dubet et Pierre Merle proposent un ouvrage qui permet en une centaine de pages de faire le point des connaissances sur le collège. Et à partir de là, de penser la réforme qui , à l’instar de l’Allemagne ou de la Pologne, peut permettre à l’école française d’améliorer ses résultats.

Présenter des orientations nouvelles

Vous les connaissez tous. Ce sont sans doute les sociologues de l’éducation les plus reconnus. Ils livrent, dans un petit ouvrage d’une centaine de pages seulement, un condensé de ce que la recherche scientifique a pu établir sur un objet central du système éducatif et pourtant si contesté : le collège et sa réforme.

N’attendez pas de l’ouvrage qu’il descende dans l’arène sur les détails de la réforme mis en place à la rentrée. Il apporte des arguments aux initiateurs de cette réforme. Mais il vise plus haut : ce que devrait être une réforme permettant d’améliorer le taux de réussite de notre système éducatif. « L’ouvrage cherche à établir des constats et à réaliser des analyses les plus objectives possibles », écrit F. Dubet. « Il cherche aussi à présenter des orientations nouvelles ».

Il commence par une histoire du collège où Pierre Merle montre comment le collège né de la réforme Haby n’a jamais réussi à synthétiser les trois voies dont il est issu (cours complémentaires, écoles primaires supérieures et petites classes des lycées). « En 2016, la diversité ethnique, sociale et académique du collège unique est telle qu’il n’a plus d’unique que le nom », conclut-il. Marie Duru-Bellat développe cette idée en montrant les tensions du collège entre des modèles opposés.

Réforme et travail enseignant

Il revient à François Dubet d’expliquer pourquoi la réforme est difficile. Pour lui cela tient en partie au corporatisme enseignant. Mais une raison plus fondamentale c’est que les bénéficiaires du système se satisfont des inégalités et entretiennent un débat constant contre toute réforme. Résultat, « l’école se transforme sans se réformer, elle subit le changement sans maitriser son destin, ce qui engendre un profond sentiment de crise et un épuisement des acteurs ».

C’est justement sur le travail enseignant qu’Anne Barrère publie une synthèse très intéressante. Elle s’inscrit en faux contre l’idée de la résistance des enseignants au changement. Elle lit dans les oppositions à la réforme des « stratégies motivées et actives ». Les enseignants auraient à faire face à trois types de changement : l’imposition d’une nouvelle pédagogie, une implication plus forte dans la vie de l’établissement et surtout « l’expansion du domaine du contrôle », un contrôle plus pesant exercé par les personnels d’encadrement. Là dessus, pour elle, il y a une vraie résistance réfléchie. S’ajoute à cela de l’incompréhension devant des changements qui ne sont pas forcément adaptés à la réalité locale, le sentiment que la ghettoïsation des quartiers entraîne l’école ou que l’inflexion pédagogique proposée peut aussi creuser les écarts sociaux. Au final, « les réformes apparaissent comme de nouveaux problème à affronter, de nouvelles tâches à investir, qui prennent du temps, de l’énergie n’ayant parfois pas d’autre sens que l’obéissance à la prescription ». Pour elle, le changement se fait aussi par la bande, de façon invisible « dans un paradoxal demi silence »…

Comment lutter contre la ségrégation au collège ?

Dominique Glasman montre aussi cela de façon très claire à propos de l’aide aux élèves. La multiplication de dispositifs externalisés par rapport à la classe n’a pas apporté de soutien réel aux élèves en difficulté même s’ils ont eu « un rôle pacificateur ». Pour lui c’est la formation des enseignants qui peut apporter des réponses efficaces.

Dans une synthèse éclairante, Pierre Merle revient sur la ségrégation ethnique, sociale et académique au collège. Il montre que la mise en concurrence des établissements n’est pas efficace ou encore que les efforts actuels pour davantage de mixité sociale sont insuffisants. Il invite à « inventer de nouvelles politiques », comme par exemple proposer une offre scolaire intéressante dans les collèges en perte de vitesse ou donner un avantage financier aux collèges socialement défavorisés.

Oser la grande réforme ?

Noémie Le Donné propose un contrepoint à travers l’exemple des réformes allemande et polonaise. Ces deux pays ont réagi aux mauvais résultats de Pisa en réalisant des réforme profondes de leur système éducatif sans sombrer dans des débats interminables.

C’est à cela que nous invite François Dubet en conclusion quand il nous demande de choisir vraiment. « La grande réforme devrait d’abord consister à dire ce que le collège doit être, ce qu’il doit offrir à tous ». Une façon de dire aussi que la réforme qui entre en application en 2016 n’a pas répondu à cette question.

François Jarraud

François Dubet, Pierre Merle, Réformer le collège, PUF.

Sortie le 31 août.