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Où en est la formation des enseignants ? Le rapport du député Michel Menard, présenté à la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée le 5 octobre, évoque “un rétablissement réussi”. Mais il montre aussi les limites de la réforme de la formation initiale et les carences de la formation continue. Avec une trentaine de propositions, il propose d’étendre la première de la L3 à la seconde année d’exercice (T2). Il invite les enseignants à s’emparer de la seconde.

Quand un député écoute des enseignants

Avoir relancé la formation des enseignants : c’est probablement ce qui restera de plus durable de la Refondation. Après la suppression de l’année de stage sous Sarkozy, les gouvernements de François Hollande n’ont pas épargné leurs efforts pour la reconstruction de la formation initiale, lui consacrant près de 23 000 emplois. Ils se sont moins attaqués à la formation continue. Le rapport présenté par Michel Menard fait un bilan critique de ces efforts et avance de nombreuses propositions.

Mais le meilleur du rapport est à chercher dans les annexes. M Menard a sondé une centaine d’enseignants de Loire Atlantique, sa circonscription. Et ce qu’il remonte est très éclairant pour les élus. Comment faire pour améliorer la formation initiale ? “Imposer une réelle expérience du professorat aux enseignants de l’Espe”, affecter de façon plus encourageante les stagiaires, renforcer le rôle des tuteurs”, répondent les enseignants. Tous vont chercher leur formation ailleurs : auprès de collègues, de sites Internet, d’ouvrages…

La formation continue correspond-elle à vos attentes ? C’est non pour la moitié des sondés. “Ce n’est pas de la formation mais du formatage”, répond l’un d’eux. Un autre demande “une formation décidée ne fonction des besoins des enseignants”, du bons sens partout sauf rue de Grenelle…

Une formation initiale réussie, mais….

“On est au milieu du gué pour la formation initiale et un chantier est à ouvrir pour la formation continue”, estime M Menard.

Coté formation initiale, M Menard salue “un rétablissement réussi”. Il souligne la rupture avec les IUFM, la volonté d’une formation académique mais aussi professionnelle. Il souligne aussi l’augmentation du nombre de candidats. Passés de 100 000 à 47 000 pour le premier degré de 2008 à 2011, le nombre de candidats atteint 82 000 en 2016. Pour le second degré on est passé de 100 000 à 43 000 pour retrouver les 100 000.

Les espe ont réussi à mettre en place “le tronc commun”, qui réunit tous les futurs enseignants, imposé par la loi. ” La mission a partout constaté des évolutions significatives dans la définition des contenus et des modalités d’évaluation (contrôle continu, diminution du nombre d’évaluations, mise en place de concours blancs, etc.), dans la cohérence des emplois du temps pour limiter les déplacements des étudiants entre les différents sites, dans le rééquilibrage des maquettes horaires, dans l’harmonisation des maquettes et des parcours”. Le succès semble total et gagné en un temps record.

Mais Michel Menard ne cache pas les échecs. D’abord dans l’organisation même du concours. “Les stages de première année ne rencontrent pas toujours l’implication nécessaire à leur succès tandis qu’en contrepartie, celui de la seconde année focalise légitimement les efforts des stagiaires, parfois au détriment de la poursuite des enseignements à l’ESPE et de la rédaction du mémoire qui conclut leur master”, explique M Menard. Les professionnels de terrain sont d’ailleurs peu intégrés dans les Espe, à l’exception de Créteil et Clermont.

Même si les épreuves ont été modifiées, surtout au secondaire, pour devenir plus professionnelles, M Menard constate que “les jurys demeurent très influencés par des préoccupations disciplinaires.. Si la redéfinition des épreuves est manifestement parvenue à faire émerger une réelle préoccupation didactique qui irrigue efficacement la formation en première année de master, l’ensemble des autres aspects pratiques et théoriques non disciplinaires (la relation avec les élèves, la conduite d’une classe, le travail en équipe interdisciplinaire, le fonctionnement interne d’une école ou d’un établissement, le droit de l’éducation, l’éthique professionnelle, les relations avec les familles, l’éducation et la transmission des valeurs, l’exercice de l’autorité, etc.), qui constituent pourtant une part essentielle du métier, demeurent peu ou pas valorisés par les jurys.”

Cela amène M Menard à envisager le renforcement de l’alternance en augmentant sa part dans la 1ère année. Surtout il invite à revoir le continuum de formation en l’étalant sur 5 années, de L3 à T2, c’est à dire deux années après la titularisation. On introduirait de premiers modules en licence et on donnerait plus d’autonomie aux Espe pour gérer le temps de formation.

Il veut aussi “renforcer dans les concours le contrôle de la maîtrise des connaissances fondamentales du système éducatif, des valeurs qui l’animent et des principaux apports des sciences de l’éducation et perfectionner les épreuves de mise en situation professionnelle. ; veiller à ce que les jurys se réfèrent expressément au nouveau référentiel de compétences des enseignants”. Sans envisager une refonte de la césure actuelle du concours en fin de M1 il envisage des aménagements en décalant admissibilité et admission .

M Menard constate aussi des disfonctionnements entre Espe et universités. Il invite flécher les moyens des budgets de Espe, souvent variables d’ajustement des universités, et à confier les inscriptions en Espe aux Espe. Le role des tuteurs serait aussi renforcé et ils seraient revalorisés.

Formation continue : Désintérêt de l’employeur

“L’éducation nationale est guère un employeur à la hauteur de ses responsabilités”, estime M Menard et il considère la formation continue comme encore en chantier. Lors de l’audition, F Reiss explique que le ministère de l’éducation “n’a pas le sentiment de recruter du personnel et conscience du problème de la formation continue”.

M Menard demande une clarification de l’offre de formations en réduisant son nombre et en faisant évaluer les formations par les bénéficiaires. Il souhaite que ces formations donnent des points pour l’évolution de carrière. Il veut aussi “encourager le compagnonnage et le mentorat”.

Ce rapport éclaire le paysage de la formation dans l’éducation nationale de façon assez bienveillante. Par exemple la mise en place du tronc commun est très variable d’une Espe à l’autre. Faire travailler ensemble futurs professeurs du primaire et du secondaire est encore une gageure à beaucoup d’endroits. M Menard est aussi passé à coté de la richesse de l’autoformation des enseignants à travers des sites personnels, des rencontres informelles,; du compagnonnage spontané. Il n’a pas osé poser la question de la formation par le spairs au delà de la reconnaissance des tuteurs et formateurs. C’est pourtant là que se fait beaucoup de choses aujourd’hui.

François Jarraud