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Peut-on développer le numérique éducatif en supprimant des emplois d’enseignants ? Le numérique est-ce une culture transdisciplinaire à transmettre ou une discipline à enseigner ? Voilà deux questions qui ont fini par émerger du débat entre les représentants des candidats à la présidentielle organisé le 9 mars par Eduspot. Pendant une heure ils ont mis en évidence des conceptions différentes du numérique éducatif et laissé voir les retombées de leur programme sur ce domaine si particulier de l’éducation.

Le numérique peut-il fonctionner avec moins d’enseignants ?

A en croire les représentants des candidats, le numérique c’est positif, c’est l’avenir, un outil indispensable pour le citoyen de demain. Le 9 mars, à Eduspot, lors dece débat entre représentants des candidats à la présidentielle, on aurait pu en rester à du consensuel si quelques questions bien nettes n’étaient venues montrer les clivages entre leurs programmes.

C’est Charlotte Brun, professeure d’histoire-géo et représentante de Benoit Hamon, qui pose la question qui va faire émerger un débat de fond. « Le numérique sert la pédagogie à partir du moment où les enseignants sont formés », dit-elle. « Il faut mettre des moyens dans la formation. B Hamon propose 15 000 postes pour la formation à la différenciation et l’utilisation du numérique », précise-t-elle. « Quand on propose de supprimer beaucoup de postes de fonctionnaires, y compris territoriaux, ca veut dire de la maintenance en moins », remarque-t-elle. « Or c’est le sujet numéro 1 dans les écoles. Le débat sur le nombre de fonctionnaires a une incidence sur les ambitions pédagogiques ».

Anne Friquet, représentante de JL Mélenchon et étudiante en philosophie, peut renchérir. JL Mélenchon demande 60 000 postes d’enseignants supplémentaires.

Mais c’est Edouard Rosselet, ancien Dasen et représentant de François Fillon, qui est interpellé. « Toutes les études montrent qu’il n’y a pas de rapport entre le nombre d’élèves par classe et la performance scolaire », croit-il utile de dire pour défendre la position de son candidat qui promet une hécatombe des profs. « Il y aura des arbitrages à rendre sur le nombre de fonctionnaires : il y a des priorités comme l’hopital ». E Rosselet laisse entendre que l’Etat pourrait recourir à des contractuels pour enseigner l’informatique.

Culture numérique vs informatique

Car voilà le second débat. Le numérique est ce une culture transdisciplinaire ou une discipline à créer ? Pour le représentant des Républicains c’est clairement une discipline. Il faut apprendre une « littératie numérique » où le codage a une grande part. Le codage doit être enseigné à tous les jeunes français. E Rosselet envisage de remplacer la technologie au collège par cet enseignement. Au lycée l’option ISN serait proposée à tous les élèves. Pour cela F Fillon créerait un capes numérique ou des capes bivalents (anglais informatique par exemple) ce qui renvoie à un autre débat, celui de la bivalence. Il demande aussi de renforcer la part du numérique dans le capes de professeur documentaliste. Au primaire, E Rosselet se montre beaucoup plus réservé sur la place du numérique : il empêcherait la mémorisation.

« On n’aura pas créé la question de l’individualisation avec une nation de codeurs », lu répond Axelle Tessandier, représentante d’Emmanuel Macron. Pour elle le numérique doit aussi développer les arts et les humanités. Il doit entrer dès la maternelle à l’école.

Pour Charlotte Brun, « la culture numérique est portée non pas par un professeur d’informatique mais par une équipe dont le professeur documentaliste » qui joue un role particulier.

« Le numérique c’est un passage obligé ». Anne Fraquet, représentante de JL Mélenchon, ramène le débat aux finalités éducatives de base. « Son apport est de transmettre des savoirs plus rapidement ». En ce sens ,la généralisation des tablettes lui semble peu réfléchie et on sent des réticences devant l’idée de « poser un élève devant un écran ». Le numérique est un outil, rien de plus.

Numérique et autonomie

Elle lance un dernier thème : celui de l’égalité devant l’accès au numérique et par suite de l’autonomie des établissements. « Aujourd’hui l’outil numérique n’est pas accessible partout, demain cela fera des inégalités ». Pour elle la garantie de l’égalité c’est « d’en finir avec l’autonomie des établissements ».

Charlotte Brun défend l’idée d’un cadre national affirmé avec une priorité aux territoires défavorisés mais articulé avec les collectivités territoriales. Axelle Tissandier rappelle que l’autonomie des établissements est dans le programme Macron.

E Rosselet se déclare aussi « attaché à l’autonomie des établissements y compris dans leur politique numérique ». Il propose des contrats tripartites établissement – académie – collectivité territoriale. Son candidat a d’ailleurs promis de donner l’enseignement professionnel aux régions.

Comment conjuguer les suppressions de postes dans l’administration territoriale qui a en charge la maintenance informatique et l’égalité, demande une directrice de l’éducation d’un département dans la salle ? Elle boucle ainsi le débat du jour. En supprimant les postes, on développe automatiquement les inégalités. On attend la réponse d’E Rosselet…

François Jarraud