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De nombreux travaux ont étudié la motivation des élèves qui est reconnue comme un facteur de réussite. Mais que sait-on des motivations des professeurs ? Les jeunes et les professeurs plus anciens ont-ils les mêmes buts ? A-t-on le même objectif en éducation prioritaire et ailleurs ? Dans la Revue française de pédagogie, n°194, Nicolas Mascret, Christophe Maïano et Olivier Vors étudient, au regard des types psychologiques récents, les motivations des enseignants. Une étude fine qui permet au final de mieux connaitre les enseignants.

6 modèles de motivation

A l’origine de cette publication, une recherche menée auprès de 289 enseignants de l’académie d’Aix Marseille dont 65 en ECLAIR, on dirait rep+ aujourd’hui. Ils ont été soumis à des questionnaires précis sur leurs buts professionnels. L’étude utilise le vocabulaire scientifique sur la motivation qui distingue 6 buts principaux chez les professionnels. Adaptés aux enseignants, on dira que les enseignants peuvent se motiver par rapport à la tâche à accomplir : faire réussir les élèves ou éviter l’échec des élèves. Ils peuvent aussi se motiver par rapport à eux : enseigner mieux que l’année dernière ou éviter de faire moins bien. Enfin ils peuvent aussi se motiver par rapport aux collègues : être meilleur prof que les autres ou éviter d’apparaitre comme le pire professeur de l’établissement.

Le profil particulier des professeurs des Rep

L’étude montre qu’il y a bien un effet établissement, autrement dit les professeurs se motivent différemment en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. En Eclair, les professeurs cherchent moins à faire réussir tous les élèves. Ils cherchent plus à leur éviter l’échec. Ils cherchent aussi davantage à éviter la comparaison avec les autres enseignants et à apparaitre comme en difficulté.

Pour les auteurs, ces constatations confirment ce que l’on sait de l’éducation prioritaire.  » Les enseignants peuvent se donner des priorités différentes de celles directement liées à l’apprentissage et à la réussite scolaire, au risque de substituer le maintien de l’ordre à la transmission des connaissances (Kherroubi & Rochex, 2004), la socialisation primant alors sur les apprentissages (Peltier-Barbier, 2004). Les pratiques enseignantes visent alors des objectifs multiples dont les relations sont souvent complexes voire contradictoires, comme faire que les élèves réussissent les tâches, mettre les élèves au travail et maintenir leur motivation, préserver le climat et la discipline dans les classes ». C’est l’idée d’un « narrow curriculum » dans les Rep.

L’idéal universel de la réussite de tous les élèves

Cela ne veut pas dire que l’idéal de la réussite des élèves est absent.  » L’objectif institutionnel de réussite de tous les élèves est largement partagé par les enseignants quel que soit leur contexte d’exercice… Les enseignants, quel que soit leur établissement d’exercice, cherchent à éviter que leurs élèves échouent ».

« Le fait d’essayer de mieux enseigner que les années précédentes semble être une préoccupation qui concerne davantage les enseignants en début de carrière que les enseignants plus expérimentés », notent encore les auteurs.  » Tout en visant l’apprentissage de leurs élèves, la préoccupation centrale des enseignants novices est l’apprentissage de leur propre métier ».

La place des élèves

Par conséquent les enseignants débutants en éducation prioritaire  » cherchent davantage à progresser en tant qu’enseignants que ceux qui ont plus d’ancienneté. » Une remarque qui renvoie à l’idée de faire venir des enseignants expérimentés en Rep.

Finalement la recherche confirme , sous un angle nouveau, des éléments décrits sur l’éducation prioritaire.  » Elle apporte un nouvel éclairage aux nombreuses recherches spécifiques aux milieux « difficiles » en montrant la spécificité d’une certaine forme d’orientation motivationnelle des enseignants en établissement appartenant à la politique d’éducation prioritaire ». Elle confirme aussi ce que chaque enseignant sait : au coeur de sa motivation il y a les élèves.

François Jarraud

Le sommaire du numéro 194 de la Revue française de pédagogie