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A Rennes, le 16 novembre 2017, le 30ème prix Goncourt des Lycéen•nes a été attribué à « L’art de perdre ». Sur 3 générations, ce roman d’Alice Zeniter redonne présence à l’histoire peu racontée des harkis. Les élèves de 56 lycées ont fait leur choix parmi les 15 romans qui figuraient dans la première sélection du prix Goncourt. Alice Zeniter était une des 4 autrices qui en constituaient la sélection finale (avec Véronique Olmi, Monica Sabolo et Brigitte Giraud). Un juste rééquilibrage ? Rappelons que les programmes scolaires sont basés essentiellement sur des écrivains masculins, que le jury Goncourt est très majoritairement composé d’hommes, que le prix Goncourt sur les 30 dernières années n’a récompensé que 5 femmes… Présentation du roman lauréat par des lycéennes ayant participé à cette 30ème édition …

« Un conflit dont on parle trop peu »

« « L’art de perdre » est un roman qui, au fil de ses cinq cent pages et quelques, nous dévoile le passé de Naïma et les racines de cette famille venue d’Algérie comme tant d’autres, fuyant la guerre, une histoire qui finalement se relie étroitement avec l’actualité. Car pour raconter son histoire, Naïma doit d’abord connaître son passé enfoui dans le mensonge et le déni, un passé sombre, profond, angoissant, laissant le doute sur son existence même. Si on y suit tout d’abord le parcours du grand-père de celle-ci puis de son père c’est une aide pour le lecteur et peut-être aussi un fil que déroule Naïma pour mieux comprendre sa situation : Pourquoi elle ? Pourquoi là ? Et Pourquoi pas autrement ? Si jamais ce livre peut vous paraître long il faudra pourtant s’accrocher, on y découvre avec une précision saillante ce conflit dont on parle trop peu, ou dans le silence, lentement extrait de ce brouillard trop épais, par une jeune fille voulant la vérité mais gardant en elle un recul. Un recul face à ce pays, si proche et pourtant si loin, si familier et pourtant inconnu. (…) »

Margot, Lycée Leonard de Vinci, Tremblay-en-France (93)

« Un style élégant et brutal »

« L’Art de perdre d’Alice Zeniter peut être considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature contemporaine. Cette lecture habite littéralement le lecteur grâce à l’attachement que l’on éprouve au fil de notre lecture envers les personnages. En effet, ils nous font partager leurs souffrances, amours, désillusions et plus particulièrement leur vie quotidienne. A travers trois générations, Zeniter nous relate une histoire culturelle trop souvent oubliée de l’Algérie : des parents se sacrifiant pour l’avenir de leurs enfants, des traditions tues, la place des femmes dans cette société. On y découvre la vie de femmes répudiées si elles n’arrivent pas à porter un fils ou si elles demeurent des « ventres secs » ou encore les mariages forcés et arrangés. On y lit également des faits historiques qui tombent dans l’oubli d’une Histoire grandiose comme l’incompréhension entre Kabyles et Arabes, le combat douloureux pour l’indépendance d’une patrie, le rôle du FNL ou encore les attentats d’Alger ainsi que les Accords d’Evian. (…)

Alice Zeniter amène les sujets sensibles de la société d’aujourd’hui et d’hier mêlant passé et présent avec les attentats terroristes en France, l’inquiétude qui monte d’un cran, la colère et la difficulté à trouver sa place ainsi qu’une peur grandissante, avec son style à la fois élégant et brutal. Elle n’hésite pas à nous confier la souffrance d’un peuple et tout particulièrement celle des harkis tout comme celles de leurs enfants. »

Flavie, Lycée Coubertin, Calais (59)

Jean Michel Le Baut

Le roman d’Alice Zeniter sur le site « Journal du Goncourt des Lycéens »