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Sarah Brouzet est formatrice en CFA éducation nationale depuis 15 ans. Elle intervient auprès de toutes les sections en apprentissage de sa structure, CAP et BP cuisine, restaurant et coiffure, BAC professionnel mécanique automobile et électrotechnique, ainsi qu’avec des BTS maintenance des systèmes. Pour elle, l’apprentissage de l’anglais permet de redonner confiance aux élèves.

Quelle est la spécificité de l’enseignement de l’anglais en CFA ?

Je trouve que l’enseignement en CFA est très intéressant, cela permet d’orienter les cours au niveau des différents métiers, une utilisation de la langue plus concrète avec des mises en situations réalistes qui sont un véritable atout professionnel, voire une nécessité incontournable dans certaines branches comme la restauration ou les filières techniques. C’est également très enrichissant pour moi car il faut sans cesse se renouveler et communiquer avec les jeunes sur leurs métiers, leurs entreprises et leurs besoins.

Chacun de nous est référent pour un certain nombre d’apprentis ce qui nous permet de mieux les connaître lors d’un point que nous faisons avec eux à chaque alternance, ainsi que leur entreprise puisque nous faisons 2 visites par an.

Quelles sont les difficultés rencontrées avec les apprentis ?

La plus grosse difficulté à mon sens est le manque de confiance. Un manque de confiance en eux évidemment, beaucoup jouent le rôle du mauvais élève, en échec, le perturbateur… ce qui implique aussi un manque de confiance face au système scolaire de manière générale. Certains ont été quasiment ou totalement déscolarisés depuis de longs mois et le retour en cours est problématique.

Le chemin pour regagner cette confiance est très long et difficile, surtout quand on ajoute des facteurs aggravants, niveau faible, nombreux troubles « dys », problèmes familiaux ou détresse sociale, le tout en pleine adolescence avec un manque de maturité alors qu’ils ont le statut de salarié. Heureusement, une bonne partie des apprentis ne rentre pas dans ce scenario et saisissent rapidement cette chance de pouvoir apprendre un métier tout en acquérant 2 à 4 ans d’expérience professionnelle et bien sûr un peu d’argent !

Que mettez-vous en œuvre pour permettre à ces jeunes de dépasser leurs difficultés ?

Le mot d’ordre est évidemment de leur redonner confiance, par la valorisation de leur formation, car hélas l’apprentissage est souvent perçu comme une voie de garage, alors qu’il s’agit d’un parcours difficile : un programme à assimiler en 12 semaines de cours par an, le rythme décalé entre CFA et entreprise, des épreuves d’examens ponctuelles (donc diplôme valorisé) et non en CCF comme certaines sections de lycées professionnels.

Nous organisons une semaine d’intégration pour mieux connaître les apprentis entrants. En amont, notre agent de développement a reçu chaque jeune en entretien, et nous communique toute forme de difficulté et de besoins : cours photocopié, documents format A3, aménagement, aide technique.

En général, le début d’année est consacré à une remise à niveau. Pour ma part, je commence directement par l’anglais professionnel, parler de son métier à l’oral, des exercices courts, des images, exprimer ses goûts, son avis. Pour rendre les cours encore plus concrets, nous avons décidé de mettre certaines activités sous forme d’articles dans un journal créé l’an dernier.

L’an dernier vous avez obtenu un prix décerné par le CLEMI pour un journal. Parlez nous de ce projet.

Effectivement, ce fût une agréable surprise de recevoir le prix du média prometteur des mains du recteur lors d’une cérémonie au lycée Jean Perrin à Marseille, suivie d’ateliers autour du journalisme auxquels ont participé 4 apprentis. Le but de ce journal est de communiquer et fédérer les différents groupes, qui ne se côtoient pas toujours, autour d’un projet commun pour créer une identité et un sentiment d’appartenance. Il y a bien sûr la transversalité interdisciplinaire, développer l’intérêt pour l’actualité et la connaissance des médias ou renforcer la maîtrise de l’oral et de la communication à travers des interviews. Mais au-delà de ces aspects, il y a la fierté de voir son nom à la fin d’un article, d’un dessin ou d’un jeu vu par les autres apprentis, employeurs, familles et personnels de la structure.

Si vous aviez un souhait à exprimer pour favoriser la réussite des jeunes que vous accompagnez quel serait-il ?

Nous avons beaucoup d’idées d’actions ou de projets mais tout est une question de budget ! Les restrictions budgétaires ainsi que les réformes de la loi travail ne nous permettent plus d’assurer pleinement notre mission. A titre d’exemple, un enseignant ayant un contrat avec une quotité de 70% ne peut plus dépasser sa quotité d’une seule heure (sauf à titre exceptionnel) et il est très difficile de trouver des enseignants pour assurer les heures dues aux apprentis que nous n’avons plus le droit d’effectuer.

Nous souhaiterions que le discours qui parle d’une revalorisation et de développement de l’apprentissage soit accompagné de mesures qui aillent dans ce sens et nous donnent les moyens de dispenser une formation de qualité.

Aurélie Badard