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Dans la première partie de ce texte, nous avons vu que, sans le dire, le rapport Villani-Torossian s’inscrit dans la continuité des programmes de 2015 en recommandant de favoriser une entrée directe dans le calcul, sans faire le détour par l’usage du comptage-numérotage : il est préférable de définir directement 8 comme 7+1, 5+3, 4+4, 10–2, etc., que comme 12315678, 8. Mais il s’affiche spectaculairement en rupture avec ces programmes en recommandant que l’entrée dans le calcul se fasse dès le CP à partir de l’addition et la soustraction, comme aujourd’hui, mais aussi de la multiplication et la division, comme cela se faisait avant 1970.

La lecture du texte n’éclaire guère sur les pratiques pédagogiques recommandées pour opérer un tel retour en arrière. Par exemple, faut-il, dès le CP, introduire le symbolisme écrit et verbal de la multiplication et de la division, c’est-à-dire utiliser les signes « x » et « ÷ », les mots dividende, diviseur, quotient, reste ? La réponse ne figure pas dans le rapport. Cependant, les ouvrages publiés par le GRIP, l’une des deux méthodes qui sont mises en avant par le rapport, enseignent effectivement ce symbolisme dès le CP. Il faut donc prendre au sérieux cette forme extrême de la recommandation et se demander ce qui, dans le travail de la commission, a pu conduire à la proposer.

Un argument souvent utilisé pour justifier cette préconisation est que l’effondrement des performances des écoliers français, avéré, serait dû à l’abandon de l’enseignement des 4 opérations au CP vers 1970. Est-ce le cas ? Comme nous allons le voir, la réponse est clairement négative. Par ailleurs, dans différents pays qui, eux non plus, n’enseignent pas les 4 opérations au CP, les performances des écoliers sont-elles moindres ? Nous verrons qu’à nouveau ce n’est pas le cas.

En fait, la commission, en plus de s’être livrée à un diagnostic erroné, a bâclé le travail de comparaison internationale qui lui était demandé pour avaliser au pas de charge et sans étude approfondie des options à l’emporte-pièce.

La cause de la dégradation des performances : un diagnostic erroné

Dans une partie du rapport Villani qui concerne à la fois l’enseignement primaire et secondaire, on lit : « Si le projet des mathématiques modernes des années 1960-1970, issues du mouvement bourbakiste et portant sur la nature des contenus enseignés, était théoriquement louable, il faut bien reconnaître que sa mise en pratique dans l’enseignement non universitaire a été un échec retentissant. ». Encore une fois, donc, la dégradation des performances, y compris dans le primaire, est attribuée à la réforme des mathématiques modernes, celle qui a fait disparaitre l’enseignement des 4 opérations au CP. Cette affirmation est avancée sans le début d’une preuve. En fait, deux évaluations renseignent sur la question.

La première a été menée par l’INRP en 1979 sous la direction scientifique de Jean-François Richard, l’un des grands chercheurs en psychologie cognitive du 20ème siècle. Avec un directeur de département de l’INRP, ils écrivent en conclusion de leur travail : « Les résultats dont nous disposons ne confortent donc nullement l’idée que l’habileté des enfants à calculer aurait diminué avec l’introduction des nouveaux programmes (ceux de 1970) ; ils invitent plutôt à remettre cette idée en question. »

La seconde étude a été menée par la DEPP (note 08.38 de décembre 2008). Les chercheurs ont comparé les performances entre 1987 et 1999 d’un échantillon représentatif des élèves de CM2, en s’appuyant sur les items communs à différentes passations pour rendre la comparaison possible. Le résultat est très clair : on observe un effondrement des performances entre 1987 et 1999.

On ne dispose d’aucune comparaison entre 1979 et 1987 mais, prises dans leur ensemble, les deux études précédentes montrent qu’en 1979 les performances en calcul n’étaient pas dégradées et qu’en 1987, les élèves de CM2 calculaient encore très bien. Pour donner une idée des performances observées en 1987, on peut noter qu’une multiplication telle que 247 x 36 était réussie par 84% des élèves de CM2 ; l’addition en colonnes de trois nombres 19 786 + 215 + 3 291 était réussie par 94% de ces mêmes élèves. Dans un cas comme dans l’autre, il sera difficile de faire mieux à l’avenir parce que de tels taux de réussite sont élevés. Les données sur longue période montrent, qu’à partir d’un certain score, il est difficile de progresser. De façon générale, en prenant pour référence les différentes épreuves et les taux de réussite des écoliers français de 1987, il faudrait crier au miracle si les élèves actuels parvenaient aux mêmes résultats.

Pourquoi est-il important de souligner qu’en 1987 les écoliers français calculaient encore bien ? Parce qu’on était 17 ans après la réforme des maths modernes, cela faisait 17 ans qu’en France, l’on n’enseignait plus les 4 opérations dès le CP. Cela prouve que cette recommandation de la commission Villani-Torossian ne doit pas être considérée comme nécessaire au redressement des performances des écoliers français.

Cela montre également que la pratique pédagogique qui n’existait pas avant 1987 et qui s’est développée à partir de cette date, l’enseignement du comptage-numérotage, doit, en revanche, être fortement suspectée. C’est ce qu’ont fait les programmes de 2015. Il faut constamment le réaffirmer : la révolution consistant à préconiser à l’école une entrée directe dans le calcul plutôt que le détour par le comptage-numérotage a été réalisée par les programmes de 2015-2016 ! Ils l’ont préconisé en utilisant, pour l’essentiel, l’addition et la soustraction, et non la multiplication et la division. On peut cependant prédire que cette révolution devrait permettre de retrouver le niveau de 1987, c’est-à-dire un très bon niveau.

Que nous apprennent les comparaisons internationales ?

La France : un pays où les apprentissages systématiques sont précoces

Dans un paragraphe intitulé « Des résultats catastrophiques », les auteurs du rapport font évidemment référence à l’enquête TIMSS 2015. Mais, à aucun moment, ils n’exercent un quelconque esprit critique vis à vis des données et des résultats de cette enquête. Qu’y apprend-t-on réellement ? Quelles interprétations doivent être considérées avec circonspection ? En psychologie expérimentale, par exemple, il ne viendrait jamais à l’idée d’un chercheur de communiquer les résultats d’une enquête telle que TIMSS sans préciser l’âge moyen des différentes populations comparées. Or, le moins que l’on puisse dire, est que cet âge n’est pas mis en avant par TIMSS. Ainsi, le tableau suivant, construit à partir de chapitres différents du rapport final, ne se trouve nulle part dans le rapport :

Remarquons d’emblée que les écoliers français sont parmi les plus jeunes et laissons provisoirement de côté la Norvège pour nous intéresser aux autres pays. Les élèves les plus jeunes sont les Italiens (9,7 ans) et les plus âgés les Danois (10,9 ans). Il y a 1,2 ans de différence en moyenne entre les deux populations, ce qui est extrêmement important. Compare-t-on sans plus de précautions les performances scolaires de 2 frères ou sœurs qui ont plus de 1 an et 2 mois d’écart ?

Comment expliquer de telles différences d’âges ? Bien des facteurs peuvent intervenir : le moment de la passation dans l’année scolaire, le taux de redoublement… Cependant, pour l’essentiel, elles résultent du fait que les auteurs de TIMSS n’ont pas cherché à égaliser l’âge des enfants, ils ont cherché à ce qu’ils aient le même nombre d’années d’apprentissage « systématique » des mathématiques, à savoir 4 années. En France, par exemple, l’apprentissage systématique commence au Cours Préparatoire et 4 ans à partir de cette classe, cela correspond au CM1. Cependant, une faiblesse majeure de l’enquête TIMSS est que les apprentissages systématiques commencent à des âges différents suivant les pays. En effet, ceux-ci se répartissent en 3 groupes :

1. Ceux où les enfants entrent au CP ou la classe équivalente s’ils ont déjà 6 ans ou auront 6 ans avant la fin de l’année civile : c’est le cas de la France, de la Norvège, de l’Espagne, de l’Italie… Ce sont les pays ayant la moyenne d’âge la moins élevée.

2. Ceux où les enfants entre au CP à 6 ans révolus. Ils ont donc en moyenne 3 ou 4 mois de plus que les élèves des précédents pays : Allemagne, Angleterre, Irlande, République tchèque…

3. Ceux où les enfants entrent au CP s’ils ont déjà 7 ans ou auront 7 ans avant la fin de l’année civile : c’est le cas de la Finlande, la Pologne, la Suède, la Bulgarie, la Hongrie, la Lituanie…

La France fait partie des pays faisant entrer des élèves qui n’ont pas encore 6 ans dans les apprentissages systématiques. Or, tous les enseignants de CP le savent, les enfants nés en septembre, octobre, novembre et décembre manquent souvent de la maturité nécessaire pour réussir les apprentissages qu’on leur demande. Ce phénomène est extrêmement bien documenté par la sociologie de l’éducation. En moyenne, les enfants nés en fin d’année font des études moins longues et accèdent à des métiers moins élevés dans la hiérarchie socioprofessionnelle. Le redoublement en cas de résultats insuffisants cristallise ce phénomène. Ainsi, Julien Grenet, a montré qu’en 2011, 33% des écoliers français nés en décembre avaient déjà redoublé contre seulement 17% pour ceux nés en janvier. On est presque dans un rapport 2. Il estime que pour les enfants nés en décembre, ces onze mois de maturité en moins sont presque aussi discriminants que le fait d’être fils d’ouvrier plutôt que fils de cadre.

On comprend que de grands pays européens comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne aient choisi de ne faire entrer les élèves dans les apprentissages systématiques qu’à 6 ans révolus (1). Ces exemples auraient dû mettre en garde les membres de la commission contre toute complexification du programme de notre CP et/ou toute augmentation de son contenu : si les enfants les plus jeunes ont déjà du mal avec le programme actuel, qu’en sera-t-il avec un programme complexifié et/ou augmenté ? Les membres de la commission ont-ils tenu compte de cet élément crucial, bien documenté par la recherche, en préconisant l’enseignement des 4 opérations dès le CP ?

Rappelons par ailleurs que l’année prochaine, pour une large majorité d’élèves en France, l’apprentissage sera ramassé sur 4 journées et non, comme ces dernières années, sur 5. Dès cette année, on a pu constater que lorsque ce rythme scolaire est adopté, il se traduit en mathématiques par la mise en œuvre de 4 séances par semaine au lieu de 5. Cela fait partie de ces habitudes professionnelles dont il est très difficile de se défaire : chaque soir, l’enseignant prépare sa leçon de mathématiques quotidienne, il n’en prépare pas deux. Les membres de la commission en ont-ils tenu compte : si les enfants les plus jeunes avaient déjà du mal avec le programme et le rythme scolaire actuels, qu’en sera-t-il avec un programme complexifié et/ou augmenté alors que l’enseignant, le plus souvent, disposera de 20% de séances de mathématiques en moins ?

TIMSS 2015 : comprendre les résultats nécessite de prendre en compte les programmes

Revenons au tableau en nous posant la question : y a-t-il un lien entre l’âge moyen des élèves et leurs performances ? Cela n’apparait pas évident puisque le coefficient de corrélation entre les deux variables est p=0.32, ce qui correspond à une corrélation positive mais faible. On notera que dans l’enquête équivalente concernant la lecture, PIRLS 2016, la corrélation est p=0.72, c’est-à-dire, dans ce cas, positive et forte. Pour l’essentiel, donc, les compétences en lecture que l’on trouve dans PIRLS 2016 reflètent… l’âge des élèves ! Pour autant, cette enquête sur la lecture n’est pas sans intérêt : la comparaison avec les résultats de PIRLS 2012 montre que les écoliers français régressent en compréhension de l’écrit, ce qui devrait conduire à s’interroger.

On comprend intuitivement que le rapport entre les performances des élèves et leur âge ne soit pas le même dans le cas de la lecture que dans celui des mathématiques. En effet, les performances en mathématiques dépendent plus fortement du programme scolaire (concernant les fractions, par exemple, on peut se reporter à l’étude d’Éric Roditi et Sylvain Martinez, 2017).

A cet égard, l’exemple de la Norvège est particulièrement éclairant. Contrairement à ses voisins scandinaves qui appartiennent au 3ème groupe, ce pays fait partie du 1er groupe : après 4 ans d’apprentissage systématique, les élèves n’ont que 9,7 ans en moyenne. Pour pouvoir comparer les performances des écoliers norvégiens à celles de leurs voisins, ce pays a décidé de faire passer les mêmes épreuves aux élèves de la classe supérieure (CM2 en France) qui, eux, ont 10,7 ans en moyenne. Selon l’âge des élèves considérés (9,7 ans vs 10,7 ans) la Norvège est en queue de classement, avec la France, ou elle est en tête de classement, avec l’Irlande.

On peut parier que le même phénomène se produirait concernant la France, et cela d’autant plus que les enseignants français considèrent que 25% des items proposés en mathématiques sont en dehors du programme du CM1 français. On peut comparer ce pourcentage avec ceux de pays mieux classés : 8% pour l’Irlande du Nord, 7% pour le Portugal et 11% pour l’Angleterre.

On remarquera enfin que, dans le rapport TIMSS officiel, les résultats des élèves norvégiens les plus jeunes sont loin d’être mis en avant. Ils apparaissent seulement dans une note de bas de page du rapport. La Norvège a bien entendu choisi de communiquer sur les résultats qui la situent en tête de ce classement.

Tout cela devrait conduire à relativiser les informations qu’apporte une telle évaluation et non, comme le fait la commission Villani-Torossian, à s’appuyer sur elle pour qualifier la situation française de « catastrophique », à l’instar du magazine Le Point qui qualifie ces résultats de « tragiques », sans le moindre recul critique sur les faiblesses méthodologiques de ce type de palmarès.

Notons enfin que la course au classement qu’instrumente ce type de palmarès sans finesse suffisante est potentiellement porteuse d’importantes dérives de politique éducative. Ainsi divers pays comme la Suisse, le Luxembourg, la Belgique francophone, l’Écosse, le Pays de Galle… ont décidé de ne pas se payer (très cher !) les services de l’organisme TIMSS, jugeant que le service rendu n’était pas au rendez-vous.

Quel(s) pays enseigne(nt) les 4 opérations à des élèves qui ont l’âge de notre CP ?

On a vu dans la première partie de ce texte, intitulée « Les non-dits du rapport », qu’on ne peut pas inclure Singapour dans une telle liste. En effet, la multiplication et l’approche de la division n’y sont enseignées qu’en toute fin d’année de la 1ère classe de l’école élémentaire. Or, Singapour fait partie du groupe 2 : dans cette classe, on ne trouve que des enfants qui ont 6 ans révolus et, donc, ils n’ont l’âge de notre CP que pendant les deux premiers trimestres et ils n’apprennent ni la multiplication, ni la division à ce moment de l’année. Lorsqu’on apparie les petits Français scolarisés au CP, aux écoliers singapouriens du même âge, l’enseignement de la multiplication et de la division disparait.

Qu’en est-il des autres pays ? Ayant été auditionné par la commission, j’ai suggéré à ses membres de mener une enquête afin de mieux connaitre les programmes des différents pays et, principalement, de ceux qui ont une culture proche de la nôtre. Avant de préconiser d’enseigner les 4 opérations au CP en France, n’aurait-il pas été souhaitable d’investiguer pour savoir si cela se fait avec des enfants du même âge ailleurs dans le monde ? Ne pas l’avoir fait est une grave insuffisance du travail de cette commission. Techniquement, cela n’aurait pas été très difficile : on a souvent accès à ces programmes via internet, il aurait également été possible de passer par le réseau des écoles françaises à l’étranger (elles enseignent le programme français mais elles sont généralement informées des programmes locaux).

A défaut d’une étude systématique, il est possible de fournir quelques éléments essentiels de ce qu’elle aurait pu être. Ainsi, je travaille depuis 2 ans avec des pédagogues norvégiens, finlandais et suédois et j’ai donc connaissance des informations précises concernant ces pays. En Norvège, les enfants entrent en 1ère année d’école primaire au même âge que chez nous, c’est-à-dire de manière très précoce. Au CP, ils n’étudient que les 20 premiers nombres (en France, le programme d’étude porte sur les 100 premiers nombres) et ils n’étudient que l’addition et la soustraction. Pas de multiplication, ni de division, donc. En Finlande et en Suède, ils entrent au CP un an plus tard que chez nous avec le même programme : 20 premiers nombres, addition et soustraction seulement. Dans ces pays, on n’observe pas la course à la précocité qui caractérise le système scolaire français.

Deux pays sont particulièrement intéressants du fait qu’ils se situent en tête de classement : le Portugal et l’Irlande. Leurs programmes sont accessibles sur internet. Dans ces deux pays, les élèves étudient les nombres jusqu’à 100 mais l’addition et la soustraction seulement. Pas de multiplication, ni de division, pas même de façon informelle. Et, en Irlande, les élèves sont en moyenne 4 mois plus âgés que dans notre CP.

Finalement, existe-t-il un pays qui enseigne les 4 opérations à des élèves qui ont l’âge de notre CP ? Oui, la Belgique francophone (2). Là-bas les élèves doivent dès le CP (Primaire1) écrire les calculs correspondants aux 4 opérations. Il est recommandé aux enseignants de « ne pas utiliser les signes conventionnels trop rapidement ; les introduire progressivement en leur donnant du sens en relation avec les situations vécues ». Mais il y a une différence importante entre le curriculum belge et le nôtre : les élèves n’étudient les nombres que jusqu’à 24. Par ailleurs, en Belgique francophone, comme en Norvège, en Finlande et en Suède, les élèves n’étudient que les 100 premiers nombres en 2ème année d’étude primaire (CE1) alors qu’en France, ils étudient les 1000 premiers nombres. Le même document montre qu’une technique de calcul en colonnes de l’addition et de la soustraction n’est pas au programme avant la 3ème année d’étude primaire (CE2) alors que les écoliers français sont censés étudier l’addition en colonnes dès le CP. Sommes-nous prêts à alléger ainsi le programme du CP français pour pouvoir enseigner les 4 opérations dès le CP ?

Finalement, existe-t-il un seul pays sur la planète qui enseigne les 4 opérations jusqu’à 100 à des élèves qui ont l’âge de notre CP ? Rien n’est moins sûr. En faisant cette préconisation, la commission Villani-Torossian engage le système scolaire français dans une véritable aventure. Les membres de la commission en ont-ils conscience ?

D’un point de vue didactique, la principale proposition du rapport Villani est le retour à l’enseignement des 4 opérations dès le CP. Nous venons de voir qu’elle est basée sur un diagnostic erroné : en 1987, les écoliers français calculaient très bien alors que cela faisait 17 ans qu’ils n’étudiaient plus les 4 opérations au CP. Par ailleurs, les comparaisons internationales ne peuvent pas être invoquées en faveur d’un tel enseignement puisque, jusqu’à plus ample information, il n’y a pas un seul pays au monde qui enseigne les 4 opérations sur les 100 premiers nombres à des enfants qui ont l’âge de notre CP. Dans l’introduction de ce texte, j’écrivais qu’« en plus de s’être livrée à un diagnostic erroné, (la commission) a bâclé le travail de comparaison internationale qui lui était demandé pour avaliser au pas de charge et sans étude approfondie des options à l’emporte-pièce ». C’est évidemment au lecteur de juger de la pertinence d’un tel propos, mais l’indifférence des membres de la commission aux écarts d’âges, au changement en cours de rythme scolaire et l’absence de comparatisme international sérieux sur les programmes, sont des signes manifestes d’amateurisme. Les rédacteurs d’un tel texte auraient été sanctionnés en première année de faculté !

Restent d’autres propositions didactiques du rapport qui seront analysées dans une troisième et dernière partie : celle de fonder son enseignement sur « la manipulation et l’expérimentation, la verbalisation et l’abstraction » et, enfin, celle d’adopter une méthode « explicite et intuitive ».

A suivre

Rémi Brissiaud

Professeur de mathématiques honoraire

Maitre de Conférences honoraire de psychologie cognitive

Chercheur associé au Laboratoire Paragraphe, EA 349 (Université Paris 8)

Membre du conseil scientifique de l’AGEEM

Voir la première partie de l’analyse de R Brissiaud

Notes

(1) Dans ces pays, ce phénomène de rupture entre l’âge de maintien en maternelle et celui d’accès au primaire persiste (ce sont les enfants nés en été dont les performances sont en moyenne moindre), mais il se trouve atténué du fait que les élèves entrent plus tardivement dans les apprentissages systématiques.

(2) Voir le document intitulé « Nombres et opérations. Curriculum », rédigé en 2008 (mise à jour 2015) par un collectif d’inspectrices et d’inspecteurs pour le compte de l’Agence de l’Enseignement et de la Recherche scientifique (AGERS) .

Bibliographie

Colomb J. & Richard J. F. (1979) Enquête sur l’enseignement des mathématiques à l’école élémentaire. Revue française de pédagogie, 49, pp. 5-20.

Julien Grenet (2010) La date de naissance influence-t-elle les trajectoires scolaires et professionnelles ? Revue économique, 61 (3), pp. 589-598.

Governo de Portugal (consulté le 4 mars 2018) Programa e Metas Curriculares, Matemática, Ensino Básico

Government of Ireland (1999) Primary School Curriculum, Mathematics

Rocher T. (2008) Lire, écrire, compter : les performances des élèves de CM2 à vingt ans d’intervalle 1987-2007. Note 08.38 de la DEPP ; décembre 2008.

Roditi E. & Martinez S. (2017) Programmes scolaires et apprentissage de la notion de fraction à l’école élémentaire. Quelques enseignements tirés de TIMSS. Éducation et formations, Ministère de l’éducation nationale, 94, pp.23-40.

TIMSS & PIRLS