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« Les collègues qui vont y aller y vont à contre-coeur », nous avait prévenu un syndicaliste. Du 10 au 12 septembre, 1400 inspecteurs de l’enseignement primaire sont réunis par le ministre à l’ESEN pour trois journées de formation. Trois journées avec des inspecteurs généraux ou des scientifiques proches du ministre et pour objectif l’explicitation des « recommandations » ministérielles. Difficile de rater cette tentative de mise au pas des inspecteurs. Evidemment même si on a parlé de nous à l’Esen, nous n’étions pas invité. Alors on a poussé la porte. Et ramené ce compte-rendu des premiers moments du séminaire des inspecteurs…

Gaspillage de temps

Je suis au séminaire des inspecteurs, organisé pendant trois jours à l’ESEN à Poitiers. Comme toujours dans ces circonstances, les réactions des collègues divergent. Tous les inspecteurs n’ont pas la même conception de leur métier, tous n’ont pas les mêmes visions de ce que devrait être une politique éducative capable de faire mieux réussir les élèves, tous ne prennent pas les mêmes libertés quand il s’agir de réagir aux propos ministériels…

Mais, parfois les réactions convergent … par exemple quand un intervenant croit nécessaire d’expliquer aux inspecteurs présents ce qu’est une phrase simple (« le facteur distribue le courrier à huit heures. ») par rapport à une phrase complexe (« le facteur distribue le courrier quand le jour se lève ») … Là, nombreux sont ceux qui ont le sentiment du mépris et du gaspillage de leur temps, pourtant précieux au vu de la lourdeur de leurs charges. Ce sentiment, nous l’avions déjà eu lors des Assises de la maternelle quand des intervenants tenaient des propos d’une affligeante banalité sans pour autant se départir d’une prétentieuse assurance. Car si le propos politique est ferme, assuré et déterminé, son étayage intellectuel peine bien souvent à dépasser les poncifs et leur affirmation répétée.

Argumentation indigente

Là où nous aurions apprécié que des chercheurs nous aident à réfléchir la complexité des relations entre science et pédagogie, nous devrons nous contenter de l’affirmation répétée que la politique de JM. Blanquer est indiscutable, puisque fondée sur la science.

La réflexion pédagogique sur l’éducation morale et civique est confondue avec l’énoncé de principes vagues y compris de conceptions personnelles par exemple sur la tolérance qui sont loin de nous paraître assises sur des fondements convaincants.

On cherche à nous convaincre des fondements scientifiques des nouvelles évaluations, « pour répondre aux critiques faites dans le Café pédagogique » nous explique-t-on mais cet effort de conviction fait davantage appel à l’affirmation répétitive de la pertinence de ces évaluations qu’à son argumentation scientifique.

Il ne faut pas sous-estimer les enfants nous assure-t-on… sans doute, mais la générosité du propos est loin d’être suffisante pour construire une pédagogie capable de prendre en compte la diversité des élèves.

Injonctions

On nous assure que le ministère n’a aucune intention caporaliste mais le discours prescriptif est permanent et nombreuses sont les allusions à une mise en doute nécessaire de la liberté pédagogique au vu des résultats des élèves. Bien des formules sont clairement injonctives, considérant que la divergence des approches nuit aux élèves. Et quand bien même cela ne donne pas lieu à des formulations explicites, on sent bien dans la plupart des discours que ce qu’on attend de nous relève d’une mise en ordre de marche ! Clairement la formation des inspecteurs est perçue sous son angle le plus étroit, celui de nous désigner les bonnes pratiques et de considérer que l’essentiel de notre action doit se centrer sur la mise en œuvre des consignes ministérielles.

Et puis beaucoup de formules dont les auteurs sont apparemment persuadés qu’elles font preuve de nouveauté et de modernité mais qui n’ont pas de véritable sens faute d’être déclinées dans la réalité des pratiques professionnelles et institutionnelles : par exemple, « passer d’un territoire de gestion à un territoire de projet » …

Reste un élément qui devrait nous satisfaire : l’annonce d’une volonté ministérielle de recentrer nos fonctions sur l’accompagnement pédagogique. Mais dans les échanges informels à propos de cette perspective, nombreux collègues doutent que cette annonce tant de fois faite puisse un jour devenir une réalité quotidienne de nos métiers.

Inspecteur Ferry

Rentrée dans le malaise pour les inspecteurs

Des inspecteurs bien éduqués