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Ophélie, trente-trois ans, a beaucoup cherché avant de trouver sa voie. Après avoir étudié un an aux États-Unis, obtenu une licence de management, été responsable d’une boutique de luxe, elle commence cette semaine sa carrière de professeure des écoles. Un parcours qui n’est plus si atypique que cela, beaucoup de nouveaux enseignants débutant une seconde carrière. Pourquoi ce choix ? « J’ai rencontré une personne formidable qui s’était donnée comme mission d’apprendre à lire à des femmes analphabètes dans son salon », nous dit-elle. Très rapidement, elle s’enthousiasme pour le projet et se donne pour mission d’apprendre à lire à plusieurs femmes elle aussi. Et elle réussit. Une fierté qu’elle ne cache pas. « Très rapidement je me suis inscrite au concours de PE. C’était comme une évidence. On se souvient tous d’un enseignant ou d’une enseignante qui a marqué nos vies ». Elle raconte son entrée dans le métier.

Quand YouTube prépare au concours de Professeur des écoles

Ophélie s’inscrit au cours de préparation au concours délivré par correspondance. « Je me suis inscrite au CNED avec uniquement la partie admissible ce qui correspond à peu près à 400 heures de formation. Mon planning ne me permettait pas des longues journées de révisions ni l’inscription à l’ESPE. J’ai donc tenté d’optimiser mon temps et ai priorisé en sélectionnant des incontournables tels que le théorème de Thales et Pythagore par exemple pour les mathématiques. En Français, je me suis entrainée à travailler sur des corpus à synthétiser. Je visionnais aussi des vidéos explicatives sur YouTube ».

Les quarante minutes les plus longues de sa vie, Ophélie les vit le jour des résultats. « J’ai reçu un mail m’indiquant que les résultats étaient disponibles sur les Cyclades (ndlr : portail électronique où apparaissent les résultats). Le problème, c’est que j’avais une connexion directe sur mon ordinateur mais que je n’étais pas chez moi. J’avais évidemment oublié le mot de passe, j’ai donc dû attendre quarante minutes avant de pouvoir les consulter. Mon stress était à son paroxysme ». ADMISE, elle n’y croit pas. Toutes ses amies avec lesquelles elle préparait le concours étaient sur liste complémentaire. « Du coup, pour moi, c’était impossible ». Ce n’est qu’une heure trente plus tard, lorsque la liste officielle est publiée, qu’Ophélie finit par réaliser « que sa vie allait changer ».

« Et oui, on peut choisir le 93 ! »

Ensuite, tout va très vite. « Le jour même j’ai reçu un courriel de félicitation m’indiquant que j’étais affectée au département de Seine Saint Denis, c’était mon premier choix. Et oui, on peut choisir le 93 ! Deux semaines plus tard, je recevais une invitation pour recevoir mon affectation. Ce qui correspond à peu près à vingt jours de stress entre le moment du résultat et l’affectation. On se demande si notre premier choix va être retenu ou si on va devoir traverser tout le département. Pour ma part, j’ai eu le district de mon choix et même la commune que je désirais ».

Un accueil rassurant de l’équipe

Dès qu’elle a son affectation, Ophélie contacte l’école. « Mon premier contact avec l’école était assez incroyable. Je me suis présentée avec un ton très formel et j’ai eu en ligne la directrice qui a m’a répondu en s’exclamant « Aaaah une instit ! ». Du coup pendant quinze secondes, je ne savais si on s’adressait réellement à moi ! Immédiatement, elle m’a mise à l’aise, m’a expliqué que l’école disposait d’une équipe soudée et à l’écoute, ce que j’ai pu constater très rapidement. En raccrochant, tout le stress accumulé s’est envolé. Deux jours plus tard j’étais sur place. Je participais à la fête de fin d’année. J’ai pu rencontrer tous mes collègues qui m’ont très gentiment conseillé des ouvrages, des méthodes ». La veille des vacances, elle retourne à l’école et découvre sa classe, le matériel, l’école… Elle prend aussi le temps de discuter avec l’enseignante dont elle récupère la salle.

Mais ce n’est pas tout. En juillet, alors que la majorité des enseignants sont partis en vacances, Ophélie passe des journées à l’école. « La directrice m’avait immédiatement donné son numéro de téléphone et indiqué qu’elle serait disponible si j’avais des questions ou si je souhaitais revenir à l’école. J’ai fait le choix de revenir pendant les vacances car je souhaitais vraiment ranger la fameuse « armoire » qui contient tant de choses. Je voulais me l’approprier en créant mes espaces de rangements par thématique et surtout faire un point sur le matériel que j’avais réellement à disposition. Et selon mes calculs, il m’était impossible de faire tout cela lors de la pré-rentrée en un seul jour. J’ai vraiment réalisé la chance que j’avais. La directrice m’a donné accès au matériel comme la plastifieuse, les feuilles… C’était une réelle chance, j’ai pu travailler en amont et m’assurer une rentrée sereine ».

Trois rencontres avec l’équipe de circonscription

En juillet, Ophélie et ses collègues stagiaires ont reçu une formation de deux jours où leur étaient présentés les spécificités de la ville et du département. On les a aussi sensibilisés aux suspicions d’attouchement : que faire ? qui contacter ? comment réagir ? Quels sont les bons réflexes ? Il y aussi eu une partie plus pédagogique « un petit éclairage sur ce qui nous attendait à la rentrée, les progressions, les fiches de préparation… Malgré de très gros efforts de nos formateurs ce n’était vraiment pas clair et intéressant ». En septembre, c’est l’inspecteur de circonscription qui les reçoit. « Il a fait un point sur le rôle de l’enseignant, les attentes, les documents obligatoires… Il était concis mais efficace. L’après- midi nous avons rencontré notre maitre formateur. Nous étions tous impatients de rencontrer notre formateur et je pense qu’il faut se caler sur son discours ».

Pour Ophélie, c’était une rentrée calme, sans stress. Et pour cause, cela faisait des mois qu’elle la préparait. Tous les stagiaires n’ont pas cette chance. D’ailleurs, le binôme d’Ophélie, qui a été nommé le 30 août, semble plus en difficulté. « Il était déjà stagiaire l’an passé en élémentaire et le passage en maternelle s’avère compliqué. J’ai dû l’orienter toute la journée, il n’a pris aucune initiative ». Elle appréhende beaucoup le partenariat. Comment travailler et tenir la classe si les enseignants ne partagent pas les mêmes démarches pédagogiques ? Et quid de ce professeur déjà prolongé. Y aurait-il un dispositif qui l’aidera et lui permettra de renforcer une professionnalité en construction ?

Lilia Ben Hamouda