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Président de l’Observatoire des zones prioritaires, Marc Douaire voit dans le rapport Mathiot Azéma une véritable tentative d’effacement de l’éducation prioritaire. Et aussi un boute feu pour les banlieues populaires.

Le rapport préconise de remplacer les Rep par des politiques locales tournées vers la ruralité. Qu’en pensez vous ?

Le ministre a déjà supprimé le bureau de l’éducation prioritaire au ministère. Il est remplacé par un bureau « des politiques territoriales » qui gère aussi les politiques rurales et outre marines. Je ne suis pas persuadé qu’en mélangeant ainsi tous les problèmes on puisse atteindre des objectifs. Mais le rapport se situe dans cette orientation ministérielle.

C’est un rapport hors sol qui n’aborde pas les questions des réseaux, des activités des professionnels, du référentiel pédagogique. C’est une approche seulement technocratique. Il aurait été plus sage d’envisager en 2022 un bilan général de cette politique et d’ici là des mesures ponctuelles pour intégrer des écoles orphelines (écoles à population défavorisée mais non intégrée dans un Rep ou Rep+) ou travailler les effets de seuil.

Je crains qu’on assiste à un effacement de l’éducation prioritaire avec une éducation prioritaire réduite aux Rep+ et une fragmentation des anciens Rep. Selon les priorités des recteurs et des conseils régionaux l’accent sera mis sur les ruralités ou l’éloignement.

Quel effet aurait l’effacement des Rep ?

L’éducation prioritaire relevait le défi de la lutte contre les inégalités sociales à l’école. On voit s’opposer à cela la prise en compte de la diversité des territoires. Avec cette réforme les banlieues des minorités seront moins prises en compte que les familles françaises « de souche ». C’est aussi cela qui est en jeu. Au risque d’une nouvelle révolte des banlieues…

Si le ministre s’engage dans cette voie le message sera très brutal pour les enseignants et pour tous ceux qui se sont engagés dans l’éducation prioritaire : les coordonateurs, les référents, les encadrants.. JM Blanquer ne joue pas les Girondins contre les Montagnards. Il refait ce qu’il a fait entre 2010 et 2012 avec la création des Clair et Eclair : une redéfinition idéologique de l’éducation prioritaire.

La suppression de la prime Rep c’est grave ?

Comment trouver demain des acteurs qui s’engagent si au bout de quelques années l’Etat se désengage brutalement. C’est impensable !

L’application des préconisations du rapport dessinerait une carte totalement nouvelles de l’éducation prioritaire. Si on supprime les Rep, des académies entières quittent l’éducation prioritaire. Ainsi en Bourgogne Franche Comté on ne compte que 5 Rep+. A Bordeaux 3 seulement. Voilà des régions qui quitteraient l’éducation prioritaire. Pour cette politique nationale il ne resterait plus que l’Ile de France, Rhône Alpes et les Hauts de France ! C’est une nouvelle carte de France qui se dessine et la fin d’une politique vraiment nationale d’éducation prioritaire.

Propos recueillis par François Jarraud