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Il va m’être difficile de résumer en quelques lignes ce qui s’est passé en classe tant la situation a été riche, mais je vais tenter de m’y atteler. Lors de notre premier débat concernant le « Parlement des enfants », j’ai invité les enfants de ma classe de CM2 de Waziers, commune urbaine proche de Douai dans le Nord de la France, à échanger sur la thématique : « Egalité homme femme » dans le but de rédiger une proposition de loi qui sera transmise à notre député.

La première chose qui émerge chez ces petits citoyens en devenir, c’est que l’égalité entre les sexes n’existe pas ! Et les exemples ne manquent pas. Dès les premières secondes, la classe trouve que le sport féminin est moins repris dans la presse que le sport masculin. Le débat se poursuit sur les différences physiques qu’il y a entre un garçon et une fille… Mais rien ne justifie cette couverture médiatique moindre.

Quelques minutes plus tard, des élèves se sont posé la question de l’existence d’une présidente de la République. En France, après une rapide énumération, nous nous heurtons à une nouvelle inégalité… Heureusement que certain-e-s nous rappellent qu’à l’étranger, cela existe ! Cette « bonne nouvelle » est vite entachée par un rappel : lors de notre travail sur l’Assemblée nationale, nous avons vu qu’il y avait moins de femmes que d’hommes au palais Bourbon. D’ailleurs, il n’y a jamais eu de femme présidente de l’Assemblée nationale… Encore une désillusion !

Nous continuons… Les prises de paroles s’enchaînent… Pourquoi ce sont majoritairement les femmes qui s’arrêtent de travailler à la naissance d’un enfant ? La classe revient sur les raisons salariales, culturelles et traditionnelles qui veulent que les femmes s’occupent du foyer. Beaucoup de filles trouvent qu’en France les grandes idées de liberté, d’égalité sont profondément ancrées dans nos mœurs, mais que les actes pêchent. De plus, elles ont entendu parler, même si cela est flou, que dans le passé, les femmes avaient dû se battre pour obtenir des droits fondamentaux (droit à l’éducation, au travail, droit de vote, droit à la contraception, à l’avortement…). Un nom sort d’une petite tête : Simone Veil ! Certains l’ont vu sur une pièce de 2€. Nous fonçons ! Nous nous interrogeons !…

A la suite de ce débat, qui dura plus d’une heure, nous devons maintenant choisir un angle pour notre proposition de loi. Et c’est là que j’ai compris que nos enfants se sentaient à la fois intégrés au monde qui les entoure, mais également impuissants face aux défis qu’ils doivent relever !

Certains de mes élèves prennent à nouveau la parole et expriment leur pensée : nous ne serons pas écoutés car nous faisons partie des minorités.

Je demande donc des explications et on m’explique qu’à l’Assemblée nationale, les députés semblent assez âgés et les enfants de la classe n’ont que dix ans. Les différences de milieux sociaux entre les élus et les citoyens sont aussi évoquées, avec des mots d’enfants. De plus, la loi devra concerner l’égalité homme/femme et les députés sont souvent des hommes : voudront-ils supprimer leur position de privilégiés ? de dominants ?

Après l’expression de ces doutes, j’avoue être fier de ces interventions d’autant plus que la classe a pris la décision de remettre à plus tard notre choix car elle a pris conscience de la difficulté de celui-ci. Les enfants se demandent : sur quoi pouvons-nous agir ? … et personne n’avait la réponse à ce moment du projet !

A noter que, depuis ce débat, les enfants se sont structurés en groupes de travail et ont proposé une loi relevant de problèmes qu’ils jugent majeurs : les discriminations concernant la vente de produits jugés sexués tels que les habits ou les jouets, la ségrégation toujours présente dans certains catalogues de jouets et le non-respect de l’intimité des enfants dans les écoles élémentaires, notamment aux toilettes.

Damien Bocquet

ICEM-Pédagogie Freinet 59

Pour aller plus loin

1) Coopération et citoyenneté : un fichier

2) Les enjeux de l’égalité filles-garçons

Une question

Comment faire de l’école un lieu de réelle citoyenneté ?

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