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JM Blanquer devrait faire connaitre en fin de semaine sa décision pour le bac. Ce sera un première indication sur la réouverture des écoles. Or celle-ci ne peut être prise qu’après avoir trouvé une réponse aux nombreux défis sanitaires, sociaux, économiques que pose l’épidémie. Loin d’être secondaire, la fermeture des écoles tient une position centrale dans la lutte contre la maladie. La décider a été très difficile. Ordonner la réouverture l’est encore plus…

Une décision ministérielle attendue

Décidée d’abord pour 15 jours en mars, la fermeture des écoles et établissements scolaires a été étendue officiellement au moins jusqu’au 15 avril. Mais il est très probable que la fermeture sera renouvelée. Mais jusqu’à quand ? C’est la question qui se pose dès maintenant au ministre de l’Education nationale sommé d’annoncer comment les examens se passeront – ou non – cette année. Mais est-il en situation de décider ? Beaucoup d’inconnues compliquent une équation dont le résultat peut changer le destin de tant de jeunes.

Longtemps JM Blanquer s’est cramponné au discours selon lequel les écoles ne fermeraient pas. Finalement le 12 mars, le premier ministre lui donne tort et la décision de clôture est prise. La date du 29 mars a d’abord été fixée pour la réouverture. Puis celle du 15 avril. JM Blanquer a annoncé le 4 mai comme probable avant là aussi de devoir faire à nouveau machine arrière et de reconnaitre qu’il ne peut pas donner de date. En même temps le ministre est poussé à dire comment seront organisés les examens. Il s’est engagé à ce qu’ils aient lieu,ce qui semble aventuré. Et il a dit qu’il communiquerait ses décisions sur l’organisation du bac ne fin de semaine, probablement vendredi après midi. Le ministre semble à nouveau s’être piégé lui-même entre une date de réouverture impossible à connaitre et l’annonce du maintien des examens.

Pourquoi avoir fermé les écoles ?

C’est que la réouverture des écoles est un vrai dilemme pour le gouvernement et particulièrement pour le ministre de l’Education nationale. Il va devoir arbitrer entre des contraintes multiples et risque de faire des erreurs faute d’avoir les informations fiables pour décider.

Il faut d’abord se rappeler pourquoi les écoles sont fermées. Une étude du Haut Conseil de la Santé publique, rédigée en 2012, montre que les enfants sont bien des auxiliaires très actifs de la pandémie. « Les enfants jouent un rôle particulièrement important dans la transmission de la grippe ; ils sont plus réceptifs à l’infection que les adultes, sont responsables de plus de cas secondaires dans les foyers que les adultes, ont un portage viral plus important et prolongé, « maîtrisent » beaucoup moins leurs sécrétions respiratoires, et sont en contact étroit avec les autres enfants à l’école, favorisant ainsi les transmission », écrit le HCSP. « L’école constitue une zone d’amplification de la grippe ». Même si les enfants sont peu atteints par le virus dans l’épisode actuel, ils gardent toutes leurs capacités à le propager. Aussi pour le HCSP, « l’impact de la fermeture des écoles ne concerne pas que les enfants d’âge scolaire : 66 % des cas évités sont hors du groupe d’âge scolaire (qui représente 20 % de la population) ».

Fermer les écoles c’est diminuer le risque de propagation dans l’ensemble de la population. C’est diminuer le nombre de malades et aussi étaler le nombre des cas hospitalisés et l’encombrement des hopitaux. La mesure a donc un effet sur la mortalité finale. Cela à condition que les enfants ne sortent pas. Il est donc nécessaire de prévoir des activités scolaires. Sinon les enfants se retrouveront dehors et transmettront le virus.

Aujourd’hui d etrès nombreux pays ont décidé de fermer leurs écoles. C’et le cas par exemple de la Belgique, du Canada, de la Chine, de l’Allemagne, de l’Inde, de l’Italie, de l’Espagne, du Mexique, de la Russie, de la Suisse, de la Turquie, du Royaume Uni et des Etats-Unis pour ne citer que ces pays. Leur réouverture est annoncée en Chine et au Japon. L’Australie et Taiwan n’ont pas fermé leurs écoles.

Si ces pays ont pris cette décision c’est qu’elle apparaissait comme la seul susceptible, avec le confinement, d’empêcher une catastrophe humaine. Une étude de l’Imperial College, par exemple, indiquait 500 000 morts d’ici l’été au Royaume Uni, plus de 2 millions aux Etats-Unis si la mesure n’était pas prise.

Un enjeu économique majeur

Mais la décision de fermer les écoles a un coût. L’étude du HCSP montre qu’elle entraine de nombreuses journées de travail perdues. Le pourcentage de parents obligés de s’arrêter de travailler est important et le cout total peut être élevé. Jusqu’à 6% de PIB dans une des études. Selon une estimation de l’Insee parue le 31 mars c’est le scénario qui se dessine en France en 2020. Ce coût s’ajoute aux autres effets économiques négatifs de la pandémie. Il y a aussi un coût social. Les foyers sont inégaux devant ce problème, les plus défavorisés ayant le plus de difficulté à s’arrêter pour garder les enfants. Le gouvernement doit aussi tenir compte de la catastrophe économique que représente la pandémie, dont les effets pourront aussi être durables, et qui s’aggrave chaque semaine. Plus il repousse la date de réouverture pire c’est. Ajoutons que si le calendrier de la fin du confinement correspond aux vacances d’été la tentation sera forte d’ouvrir les écoles pour tirer le meilleur parti de la main d’œuvre…

Il y a encore d’autres effets. Le confinement prolongé augmente les risques de mauvais traitements sur les enfants. Il fait exploser le risque de décrochage définitif de l’Ecole d’une partie importante des jeunes, particulièrement de ceux des familles défavorisées. On voit aussi qu’il est en train de faire exploser le système éducatif entre les établissements qui avancent dans leur programme et ceux qui consacrent leur énergie à récupérer ou conserver leurs élèves. Il y aura des effets durables sur l’Ecole dont on reparlera.

Le risque d’un redémarrage de l’épidémie


Le gouvernement doit donc arbitrer entre toutes ces contraintes. Mais une dernière s’impose maintenant à lui. L’étude de l’Imperial College souligne le risque de retour de la pandémie en cas de réouverture des écoles. Le risque était aussi souligné par l’étude du HCSP.  » La décision de réouverture est tout aussi difficile, car les effets de la distanciation sociale s’arrêtent aussitôt que celle-ci est terminée. A l’automne 1918, l’allègement des mesures de distanciation sociale avait été accompagné d’un second pic. En fait, l’allègement de ces mesures nécessiterait de s’assurer que l’immunité collective est suffisante, soit par acquisition naturelle (surveillance sérologique), soit en attendant que la couverture vaccinale des enfants ou de la population générale soit suffisante ».

Il faudrait donc attendre que le virus ait suffisamment diffusé dans la population ou qu’un vaccin soit trouvé pour permettre la réouverture des écoles. Dans les deux cas, on se situ esur un temps long.

Le gouvernement est il réellement capable de décider maintenant ?

Cela a été remarquablement mis en évidence dans l’étude de l’Imperial College qui montre qu’une réouverture des écoles serait suivie d’un nouveau pic de transmission. La fermeture devrait attendre la mise au point d’un vaccin pour l’éviter. Or un tel vaccin n’est pas annnoncé avant des mois. Un croquis de The Economist schématise cela très bien.

La décision de JM Blanquer sur le bac donnera une première idée de la date de la reouverture des écoles. Elle ne pourra être prise que si le gouvernement a fait un choix de politique de lutte contre la maladie. Dernière inconnue : pour décider cette politique encore faudrait-il bien connaitre les effets du virus.

François Jarraud

Etude Imperial College

Etude HCSP

Le graphique de The Economist

Quand faut-il fermer les écoles ?

Quel spays ont fermé leurs écoles ?

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