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Comment peut-on expliquer une telle dégringolade de niveau en maths à l’école et la chute en fin de collège ? Au lendemain de la publication des résultats de l’enquête Cèdre, le ministère, des spécialistes, des syndicalistes donnent leur point de vue. Et ils sont souvent contradictoires.

Certitudes ministérielles

« Dans 3 ans tous les élèves de France sauront résoudre les problèmes », dit-on au ministère. Trois ans c’est la prochaine édition de Timms, une enquête internationale sur les maths où la France a fait un score désastreux en 2015. Le ministère ne veut pas porter la responsabilité de cette chute et préfère qu’on regarde un avenir qui sera forcément meilleur.

Il affiche deux barrages face à la réalité scolaire. Le premier c’est qu’il s’est toujours préoccupé de la baisse depuis 2017 mais que les effets de sa politique n’ont pas eu le temps d’avoir lieu puisque Cedre a eu lieu en mai 2019.

Le second c’est, avec le plan Villani Torossian lancé en 2018, la certitude d’appliquer des « méthodes scientifiques » à l’enseignement des maths et de voir les résultats monter en 2023. Ces nouvelles méthodes, qui auraient révolutionné la didactique, c’est la « méthode de Singapour basée sur la manipulation. « On ne manipule pas assez. Notre enseignement va trop vite vers l’abstraction ».  » On est trop abstrait », dit-on. « On a révolutionné la formation continue » ajoute-on au ministère avec le plan maths obligatoire dans le premier degré et une formation en principe par les pairs. « On a retravaillé la didactique » et la publication de repères de progression annuels en septembre 2019 aurait remis les enseignants à l’heure. « Les décimaux en Cm1 c’est en novembre pas en mai ». Au collège « la mobilisation des corps d’inspection est totale » et les professeurs travaillent la transition dans leurs façons de faire entre école et collège. « On a doté les professeurs de méthodes hyper efficaces ». La multiplication des programmes ces dernières années n’est pas vue comme un problème.

L’enquête Cedre montre une nette baisse de résultats en Cm2. A la fin de l’école la moitié des élèves ont un niveau trop faible en maths. Un quart a un niveau extremement faible. Par exemple quand on demande le tiers de 66 seulement 47% des élèves ont une bonne réponse (56% en 2014).Un calcul simple nécessitant une addition et une soustraction est réussi à 70% en 2014 et seulement 53% des élèves en 2019. Les élèves sont particulièrement faibles dans le maniement des décimaux, la réalisation des fractions et la résolution de problème.

Des experts interrogent la formation

Jean-François Chesné avait participé en 2015 à la conférence de consensus du Cnesco, organisée par Michel Fayol, sur l’enseignement des maths. Il distingue plusieurs facteurs qui jouent sur le taux de réussite des élèves français.

En premier lieu une dimension sociale. « Ce sont les écoles les plus défavorisées qui ont les enseignants débutants et les contractuels. On sait aussi que dans ces écoles le temps d’enseignement est réduit pour différentes raisons. Ce sont les élèves qui ont les plus gros besoins en maths qui ont les enseignants le plus en difficulté ».

Ces questions sont liées au déficit d’attractivité du métier enseignant qui est particulièrement claire en maths. Le ministère n’arrive pas à recruter assez d’enseignants. Il recrute des contractuels que l’on va trouver souvent là où enseigner est difficile.

La formation est aussi critiquée. D’abord par la faiblesse qu’y ont les maths dans la formation initiale des PE. Il ne suffit pas que les élèves « fassent » des maths. Ce qui compte c’est former les enseignants à concevoir des scénarios pour que les élèves apprennent des maths. C’est toute la question de la place de l’abstraction.

« On a multiplié les réformes et contre -réformes. On voit le résultat. Les élèves apprécient moins les maths car on a moins de temps pour monter des projets », nous dit Sébastien Planchenault, président de l’Apmep, l’association des professeurs de maths. La question de la formation se pose aussi avec des contractuels mal formés en pourcentage important en maths au collège. Mais S Planchenault critique aussi le plan de formation continue du ministère, celui qui doit résoudre tous les problèmes. « Au début il y avait une volonté de partir des problèmes rencontrés sur le terrain. C’était positif. Mais on a le sentiment qu’on revient vers des choses descendantes avec des directives verticales. Le plan Villani Torossian n’est pas suivi en réalité ».

Guislaine David, co secrétaire générale du Snuipp Fsu, critique aussi la formation initiale jugée insuffisante en maths. Mais elle met l’accent sur l’aggravation de la question sociale dans le pays. « Là où les inégalités de vie sont les plus fortes, l’école n’arrive plus à faire son travail », dit-elle. « Il faut une politique plus volontariste dans ces zones ».

François Jarraud

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